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Maryan Seylac, porte-voix des Somaliennes

Maryan seylac porte voix des somaliennes VICTORIA DUCRUET

«En Somalie, tes parents ne te demandent jamais ce que tu veux devenir parce qu’en tant que femme, ta place est à la maison, à la cuisine et au ménage. Or, j’ai su très tôt que je voulais faire carrière, et que ce serait dans le journalisme!» - Maryan Seylac

© VICTORIA DUCRUET

Maryan Seylac peut être fière d’elle. Car si la Somalie reste un pays où il ne fait franchement pas bon être femme et encore moins journaliste, les petites graines égalitaires qu’elle sème depuis près de vingt ans commencent à germer. À porter quelques fruits, même, comme en témoigne par exemple la naissance en juillet dernier de Bilan Media, première agence de presse somalienne 100% féminine.

Évidemment, la trentenaire dont la tête est mise à prix par le groupe terroriste islamiste Al-Shabbaab et désormais exilée à Londres ne se leurre pas: le chemin pour l’égalité des droits et des chances est encore long. Très long. Et semé d’embûches politiques, sociales et religieuses. Mais ce lancement est une nouvelle lueur d’espoir. Après tout… en 2006, à ses débuts professionnels, elle était la seule femme reporter de Baidoa. Elles sont aujourd’hui une vingtaine. Alors oui, elle a raison d’y croire. De s’accrocher. De lutter contre vents et marées. Tant pis si elle doit payer cher ses engagements – elle a l’habitude, elle se bat depuis qu’elle est toute petite.

Famille traditionnelle

De fait, née en 1987 dans une famille somalienne traditionnelle, entre un papa professeur, une maman qui «tient la baraque» et des frères et sœurs plus âgés, elle a toujours voulu faire entendre sa voix, incapable d’accepter le destin qu’on lui prépare:

«En Somalie, tes parents ne te demandent jamais ce que tu veux devenir parce qu’en tant que femme, ta place est à la maison, à la cuisine et au ménage. Or, j’ai su très tôt que je voulais faire carrière, et que ce serait dans le journalisme!»

Autant dire que lorsqu’elle annonce qu’elle ne veut pas être enseignante comme son père l’avait décidé pour elle mais être reporter, la pilule passe mal. Elle s’en moque.

Une paria

À 18 ans, elle se fait engager dans une station de radio locale. Unique femme de la rédaction, elle apprend, se forme, remplit les missions subalternes qu’on lui confie sans faire de vagues. Même si elle bout intérieurement:

«Les hommes ne me prenaient pas au sérieux, je me sentais terriblement seule, ma famille était fâchée contre moi… En fait, j’étais à deux doigts d’abandonner», racontait-elle récemment à la BBC.

Pourtant, elle tient bon. Avec l’énergie du désespoir, tout en remplissant ses mandats radiophoniques, elle décide d’agir concrètement. Début 2006, elle crée ainsi la Somali Media Women Association (SOMWA), une fondation qui a pour but de promouvoir le journalisme au féminin, de favoriser la présence et la visibilité des Somaliennes dans les médias et de défendre les droits des femmes, comme la lutte contre les mutilations génitales féminines (MGF) et la violence sexiste.

Accueillie dans l’indifférence générale, cette association voit pourtant sa notoriété grandir soudainement quand, en septembre de la même année, Maryan se fait un nom et une réputation pour avoir risqué sa vie en direct: alors qu’elle couvre l’intervention du président devant le Parlement, un attentat-suicide sème la mort et la panique autour d’elle et, tandis qu’elle tente d’obtenir des informations, se fait tirer dessus par les forces de l’ordre. Elle en réchappe de justesse. À partir de ce jour, sa vie bascule.

Non seulement elle est traumatisée – elle dit ne plus pouvoir entendre un simple claquement de porte sans se retrouver projetée là-bas – mais, de plus, elle se transforme en cible. De moqueries et d’humiliations, d’abord. Au motif qu’elle ne se contente pas d’être «juste une bonne petite épouse bien soumise», sa communauté l’insulte, la rejette. Soutenue par son mari, lui aussi journaliste, elle supporte le fait d’être une paria. Jusqu’en 2009, quand la situation se corse. Nationalement réputée pour ses prises de position féministes ainsi que pour sa fondation, elle reçoit en effet régulièrement des menaces de mort et se trouve désormais «officiellement» dans le viseur des islamistes d’Al-Shabbaab. La pression et l’insécurité sont telles qu’elle finit par quitter la Somalie.

Elle ne lâche rien

Mais ne se tait pas pour autant. Au contraire. Même si elle sait que tout cela peut lui coûter la vie, Maryan, plus déterminée que jamais, travaille sur des chaînes de télévision s’adressant à la diaspora somalienne, suit parallèlement des études en santé et soins sociaux à l’Université de Bedfordshire pour pouvoir aider au mieux ses sœurs et, par le biais de SOMWA, continue à militer activement pour l’égalité des genres. À faire entendre la parole de celles qui en sont privées. À encourager les jeunes femmes à s’engager dans la voie de la liberté. À marteler

«Ne pensez pas que vous ne pouvez pas le faire, parce que vous le pouvez!»

Elle en est une preuve.

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