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Interview: Dua Lipa, un rayon de soleil qui danse dans la nuit

Dua Lipa interview album future nostalgia coronavirus

«Cette période doit nous faire prendre du recul et apprécier ce que nous avons. Elle devrait nous pousser à ralentir, à prendre soin de nos relations, à nous rapprocher des gens qui nous entourent. À ne plus prendre tout cela pour acquis!»

© Getty Images

Quand on vous annonce que vous allez passer une demi-heure au téléphone avec l'une des plus grandes stars de la pop actuelle, c'est un peu comme si on vous ouvrait les portes d'une autre dimension. Puis, après trois sonneries lourdes de suspense, la voix chaleureuse et légèrement éraillée de Dua Lipa s'annonce. Une paroi invisible semble alors se dissiper: car, comme nous tous, la jeune chanteuse fait face à une réalité nouvelle qui bouleverse son quotidien et son travail. Elle fait partie de ces personnes dont les sourires sont nettement perceptibles à la voix.

Actuellement confinée à Londres, où elle a grandi, elle ne laisse pas la crise l'éloigner de ses fans. Depuis la sortie de son second album, Future Nostalgia, l'artiste enchaîne les interviews, s'adonne volontiers aux F.A.Q et met tout en œuvre pour travailler à distance. Sortir un opus aussi attendu et joyeux que celui-ci, alors que le monde est empli d'angoisse, cela relève évidemment des doutes: est-ce le bon timing pour encourager les gens à se déhancher? Tiraillée, Dua Lipa avait hésité à repousser le grand lancement à des jours meilleurs, à l'instar d'autres artistes. Mais le destin en avait déjà décidé autrement, semblant estimer que l'univers avait besoin de Future Nostalgia: le 27 mars 2020, l'album fuitait, atterrissant dans les oreilles avides de millions de fans. Ce genre d'imprévu n'est pas rarissime dans l'industrie musicale, mais on imagine le grand-huit émotionnel qu'il a dû infliger à l'artiste: les yeux débordants de larmes, Dua s'était empressée d'expliquer la situation à sa communauté, via un live Instagram.

Aujourd'hui, à peine un mois après sa sortie, son album a déjà battu des records d'audience. Le disque sonne comme une célébration rebondissante, un rugissement de motivation, de couleurs et de persévérance. Sons d'antan se mélangent à une vision rafraîchissante d'un futur pétillant, tandis que les paroles relatent la guérison du cœur brisé qui recommence à battre à la chamade. On y entend l'empowerment féminin, cause essentielle pour la chanteuse, et l'idée d'une musique intemporelle capable de nous faire danser dans la cuisine à tout moment. D'ailleurs, c'est exactement ce que nous avons fait. Et la très charmante, très solaire Dua semblait ravie de l'apprendre!

FEMINA Votre nouvel album est joyeux et motivant, alors que l'actualité est sombre et incertaine. Comment vos fans ont-ils réagi à ce travail?
Dua Lipa Que ce soit en interview ou quand j'échange avec des fans, je suis vraiment très heureuse lorsqu'on me dit que nous avons fait le bon choix, en sortant l'album maintenant. Je ne savais pas si c'était le bon moment. Vous le savez, bien sûr, c'est très délicat de célébrer quelque chose alors que le monde souffre tellement... Mais je suis ravie que cet album puisse offrir aux gens un peu de lumière et de réconfort durant cette période difficile. C'est incroyable de pouvoir leur apporter un moment, même fugace, de bonheur.

Comment la situation actuelle influence-t-elle votre travail? Êtes-vous plus inspirée que d'habitude ou ressentez-vous le besoin de vous reposer?
Comme je travaille autant que possible depuis chez moi, je pense que tout cela me rend assez créative... mais d'une façon différente! Je suis obligée de m'adapter aux circonstances. Je n'ai pas le matériel dont je dispose en studio, les lumières, les caméras... Donc je dois faire preuve de créativité pour compenser tout cela. Mais je constate malheureusement que la société nous inflige une forte pression: beaucoup d'entre nous ont le sentiment qu'ils sont obligés d'être productifs, d'apprendre quelque chose de nouveau... Bien sûr, c'est important de laisser parler sa créativité si on en ressent l'envie en ce moment! Si vous voulez être productif, soyez-le! Par contre, ne pensez pas que vous y êtes forcés à cause d'une injonction sociale.

Cette période doit nous faire prendre du recul et apprécier ce que nous avons. Elle devrait nous pousser à ralentir, à prendre soin de nos relations, à nous rapprocher des gens qui nous entourent.

Nous étions tellement pris dans le tourbillon du quotidien et du travail que nous prenions un peu ces choses pour acquises. Elles étaient si disponibles, si évidentes, que nous ne les appréciions plus suffisamment. C'est le moment de changer cela.

Quelle est la partie la plus difficile de votre métier, aujourd'hui?
Nous avons une chance inouïe de disposer de la technologie nécessaire à rester en contact et à se rapprocher les uns des autres, en cette période difficile. Mais je pense que plus que jamais, j'ai conscience de mon devoir, en tant qu'artiste: je fais tout mon possible pour apporter un peu de joie aux personnes qui me suivent, même s'il n'est pas facile d'y parvenir lorsque je suis confinée à la maison. Il n'est pas aisé de travailler comme d'habitude depuis chez moi, d'essayer d'être créative et de trouver des solutions pour faire mon job comme il se doit.

Votre album a pourtant remonté le moral de nombreuses personnes! D'ailleurs, que signifie le titre, Future Nostalgia?
Je voulais cristalliser toutes mes influences musicales, tout en les mélangeant à des souvenirs heureux qui me rendent nostalgique. J'associe ces souvenirs d'enfance à mes toutes premières inspirations, comme Queen ou Jamiroquai. Ce sont les artistes que mes parents écoutaient quand j'étais petite. Je voulais revisiter ces influences d'une façon moderne et c'est cela qu'exprime le titre de l'album. Ce contraste entre nostalgie et futur, c'est le thème que l'on retrouve dans tous les titres, c'est la vibe que je voulais créer. Et toutes les histoires que racontent les chansons sont très personnelles.

J'ai l'impression que vous êtes sortie de votre zone de confort en créant ce second album et que vous avez exploré des émotions différentes.
Je pense que j'avais davantage de confiance en moi. C'est vrai que j'ai quitté ma zone de confort, dans le sens où j'ai toujours pensé que la musique joyeuse n'était pas suffisamment cool, particulièrement dans le monde de la pop! Mais c'est comme cela que je me sentais à ce moment-là: j'étais très heureuse en écrivant ces titres, donc j'ai laissé les chansons s'imprégner de ces émotions. Je décris souvent ma musique comme étant du dance crying [danser en pleurant, ndlr] et je pense que malgré l'aspect très joyeux de cet album, ce concept d'origine est toujours là. J'évoque notamment la peur de retomber amoureuse et l'inquiétude de souffrir à nouveau, mais ces sentiments sont ponctués d'un vrai happy end, avec des sons sur lesquels on peut clairement danser. J'ai essayé d'infuser de l'énergie positive et de la joie dans ma vie, donc on les retrouve dans l'album.

Ma chanson préférée de votre album, Boy will be boys, fait justement partie de ces titres dont le thème est moins joyeux: il évoque certaines des injustices que vivent les femmes au quotidien. Vous parlez notamment de la peur qui peut nous assaillir, au moment de rentrer chez nous dans l'obscurité, le soir...
Oui, j'ai eu l'idée en discutant avec des amies et avec mon producteur. Nous parlions de ce que cela signifie d'être une femme et avons réalisé que nous vivons ce genre de chose au quotidien. On s'est dit qu'on ne pouvait pas être les seules, que toutes les filles devaient ressentir cela. Il fallait absolument que nous exprimions ces choses, les raisons de cette peur devenue habituelle et pourquoi cette situation doit absolument changer. Je suis vraiment contente que nous l'ayons fait. Les droits des femmes sont extrêmement importants pour moi.

Justement, vous vous exprimez souvent en faveur de cette cause. Le fait d'être devenue une voix de l'empowerment féminin implique-t-il aussi une forte pression?
Je n'aime pas trop les termes de «modèle» ou d'«exemple». Je ne pense pas en être un car j'apprends constamment. Je suis très heureuse de me joindre au combat, d'unir ma voix à celle des autres, afin que nous puissions avancer tous ensemble. Mais à mon âge, je pense qu'il est trop difficile d'essayer d'être un exemple. Tout ce que je peux faire, c'est soutenir la cause et en parler autant que possible. Si j'ose élever la voix, c'est parce que ces choses sont importantes pour moi, sur un plan personnel. Je suis une femme, donc évidemment que j'aimerais me battre pour ces droits! En fait, je pense que cette réflexion-là m'aide à ne pas ressentir une trop grande pression...

Comment décririez-vous votre processus créatif?
J'écris tout le temps! Je ne cesse de griffonner des pensées, des poèmes, des titres, des mots qui résonnent en moi. Puis, j'emmène toutes ces notes au studio et je vérifie si je peux les transformer en chansons. Mais quand elles ne suscitent pas de déclic, quand je ne ressens plus rien en les relisant, je les expédie tout en bas de ma pile (rires).

Donc quand vous réécoutez l'un de vos titres, vous revivez l'émotion que vous ressentiez en l'écrivant?
Complètement! Je peux toujours me souvenir de ce que j'éprouvais au moment de créer la chanson. Mais par-dessus ces émotions initiales, j'ai entassé de magnifiques souvenirs de tournée. C'est comme si j'avais créé de nouveaux souvenirs pour ces morceaux. Une fois qu'ils sont terminés, je les lâche dans la nature et je les laisse prendre une nouvelle signification pour les personnes qui les écoutent. Les chansons ne cessent d'évoluer au fil du temps, elles suivent leur propre chemin. C'est vraiment super de réaliser que l'un de mes titres vit sa vie et grandit.

Avez-vous toujours su que vous vouliez chanter?
Oui, je crois que je l'ai toujours su. Je ne pensais pas que j'y parviendrais un jour, mais c'était mon rêve d'enfant. J'y pensais déjà dans la cour de récréation et j'en parlais sans hésiter lorsque les enseignants me demandaient quel métier je choisirais plus tard. Mon père était musicien, il faisait partie d'un groupe de rock quand nous habitions au Kosovo. Du coup, à la maison, des CDs tournaient constamment. Je pense qu'il était inévitable que je tombe amoureuse de la musique.

Aujourd'hui, malgré votre immense succès, vous arrive-t-il de ressentir des moments de doute?
Quand vous aimez quelque chose et que vous avez trouvé votre passion, je pense que c'est normal de vivre ce genre de moments. C'est aussi ce qui me motive à continuer, à travailler dur et à donner tout ce que j'ai! J'aimerais évidemment que ma carrière dure aussi longtemps que possible, donc je fais tout ce que je peux pour que cela se réalise. Je suis tellement chanceuse, je m'en rends bien compte. J'ai pu transformer mon hobby en travail et j'ai l'opportunité de pouvoir communiquer avec les gens, de leur apporter quelque chose. Je suis très reconnaissante de tout le soutien que je reçois et que des personnes continuent à écouter ma musique.

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