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Daphne Caruana Galizia, victime de la corruption maltaise

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À la vingtaine, elle fut une des premières femmes à signer des papiers d’opinion mordants. Ce qui provoqua une vague d’indignation chez la gent masculine qui très vite la surnomma «la sorcière». Des graffitis pour l’injurier, des intimidations plus ou moins subtiles. Déterminée à faire son métier, rien ne semblait l’arrêter.

© VICTORIA DUCRUET

Ce lundi-là sur les hauteurs de Bidnija, à l’ouest de l’île de Malte, au moment de mettre le contact de sa Peugeot blanche, Daphne Caruana Galizia hésite. Comme si elle avait un pressentiment. Elle remonte chez elle puis, quelques minutes plus tard, met le contact. Nous sommes le 16 octobre 2017, et la journaliste maltaise meurt dans l’explosion de sa voiture.

À 53 ans, cette acharnée de travail était sur le point de faire exploser une autre sorte de bombe, de celle qui aurait fait éclater tout un système gangrené jusqu’aux plus hautes sphères du gouvernement, sur lequel elle enquêtait depuis des années. De son île aux allures de destination touristique idéale, Daphne dévoilait le côté obscur. Aimé ou détesté, son blog était lu par la majorité des Maltais. Dans le salon de sa maison, elle écrivait sur les scandales et les crises à répétition qui secouaient le pays dans un style mêlant investigation rigoureuse et potins provocateurs.

Le jour de son assassinat, elle était au milieu d’une bataille juridique, ses comptes étaient bloqués et elle partait à la banque après avoir déjeuné avec son fils Matthew. C’est lui qui le premier a entendu l’explosion. «J’ai couru vers un immense nuage noir qui ressemblait aux flammes de l’enfer, raconte-t-il dans le podcast Who killed Daphne. Je priais pour que ça ne soit pas la voiture de ma mère.» Journaliste à l’ICIJ, le consortium international de journalistes à l’origine des Panama Papers, Matthew était déterminé à trouver les meurtriers de sa mère.

La nouvelle de sa mort fait rapidement les gros titres de toute la presse internationale. Le jour de ses funérailles, le 3 novembre 2017, les drapeaux sont en berne, les rues sont vides. Une journée de deuil national décrétée par le gouvernement. Le même contre qui Daphne se battait. Écœurée, la famille de Daphne se sent désemparée. C’est compter sans l’incroyable élan de solidarité et l’acharnement de 45 confrères et consœurs qui sur le plan international forment une «dream team» dont la mission sera de poursuivre son enquête: le Projet Daphne était né.

«La sorcière»

Durant sa carrière, la journaliste s’était habituée aux intimidations de toutes sortes. Dix jours avant sa mort, elle participait à l’Université de Malte à un nouveau projet d’une série d’entretiens sur les menaces faites contre les journalistes. Alors qu’elle ne s’exprimait que rarement sur sa vie personnelle, elle y confiait ne jamais s’être sentie faire partie de l’île.

À la vingtaine, elle fut une des premières femmes à signer des papiers d’opinion mordants. Ce qui provoqua une vague d’indignation chez la gent masculine qui très vite la surnomma «la sorcière». Des graffitis pour l’injurier, des intimidations plus ou moins subtiles. Déterminée à faire son métier, rien ne semblait l’arrêter.

Avant d’être tuée, elle avait mis à jour une série d’affaires de corruption impliquant des personnalités de premier plan, parmi lesquelles des ministres issus du Parti travailliste de Malte, alors au pouvoir. Un terrain miné. Mensonges, corruption, blanchiment d’argent, compagnies offshore… Plus la «dream team» creuse, plus le travail de Daphne dévoile les ramifications tentaculaires de la gangrène qui mine le pays. Sur son blog, elle n’hésitait pas à traiter d’escrocs certains politiques et elle aimait faire passer des messages codés probablement à destination des personnes qu’elle visait. Preuve qu’elle visait juste, l’enquête vire à la mascarade. Des suspects sont arrêtés deux mois après son assassinat, sans convaincre.

Le Conseil de l’Europe fait pression pour qu’une enquête indépendante soit ouverte, et ce n’est qu’en 2021 qu’un rapport dénonce l’atmosphère d’impunité qui entoure le meurtre de la journaliste, jusqu’aux plus hauts échelons du gouvernement, pourtant jamais formellement impliqué. Mais le climat pourri dénoncé par Daphne a permis à ses assassins de la tuer sans en craindre les conséquences.

Le début de la fin?

Début juillet 2022, le principal suspect, tueur à gages, arrêté deux mois après l’assassinat, George Degiorgio, reconnaissait les faits lors d’un entretien accordé à Reuters depuis sa cellule. En assurant qu’il dénoncerait bientôt d’autres personnes impliquées dans l’assassinat. L’un des hommes d’affaires les plus riches de Malte a lui aussi été inculpé en novembre 2019 pour avoir recruté George Degiorgio et ses deux complices. Mais il nie toujours son implication. L’affaire n’est pas au bout de ses rebondissements avant de pouvoir – enfin – répondre à la question: qui a tué Daphne?

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