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strike a pose!

Pourquoi la photo de mode prend-elle une nouvelle posture?

«Pour moi, une couverture est synonyme de cauchemar. Il faut regarder l’objectif, sourire [...], ça allait à l’encontre de tout ce que m’avait recommandé mon père: "Pour une photo, tu ne regardes pas l’objectif, tu mets tes mains dans les poches, tu ne souris pas".» Des mots que confiait Charlotte Gainsbourg à une journaliste du magazine Elle, qui lui demandait si elle se souvenait de sa première couv’. Minauder devant l’objectif d’une caméra n’est donc pas du goût de l’actrice-chanteuse, qui préfère appliquer les conseils de son père, soit une attitude plus figée à laquelle les clichés de mode nous ont habitués.

Toutefois, depuis quelques saisons, les mannequins figurant dans les campagnes publicitaires ou les e-shops arborent une nouvelle dégaine. Elles tentent le rap squat (accroupies, mais de profil), s’avachissent sur un canapé ou contorsionnent leur corps sur un lit. Et cette nouvelle tendance a tout à voir avec notre entrée dans l’ère du Covid: Fashion Weeks suspendues et gigantesques studios de production fermés, les marques ont dû faire preuve d’ingéniosité pour présenter leurs collections. La solution? Envoyer les looks de saison au domicile du mannequin, pour que celui-ci les porte et se prenne en photo.

«Avec le confinement, les mannequins étaient contraints de composer avec leurs espaces. Du coup, il y avait un côté plus intime, plus ramassé, plus rapproché, avec des cadrages plus serrés. On remarque aussi l’influence du selfie», explique Elisabeth Prat, directrice du pôle mode de l’agence parisienne de conseil en tendances Peclers.

S’ajoute a ce style d’image des poses différentes, affirmées, comme cette sorte de womanspreading, pour laquelle les filles se placent jambes écartées, tel un homme, regard face caméra. «C’est comme si le mannequin se réappropriait son corps», ajoute Elisabeth Prat. L’attitude du sujet n’est en effet plus dictée par une équipe de production, ce qui semble inédit.

Nouvelle tendance ou renouvellement éditorial?

Certaines de ces postures trouvent leurs origines dans les milieux du hip-hop ou du streetwear, a l’image du fameux rap squat. «J’en étais presque à penser que ce type de poses n'avait jamais existé dans la photo de mode, mais certaines évoquent des clichés plus anciens, comme ceux de Brooke Shields shootée par Richard Avedon», observe Elisabeth Prat. Même constat avec les images de Jacquemus ou encore de Balenciaga, dont les corps distordus brouillent la lecture du look.

Selon Gianni Haver, professeur de sociologie de l'image et d'histoire sociale des médias à l'Université de Lausanne, «il n’y a rien de nouveau, à part une réappropriation de la part de la photographie de mode, qui va chercher d’autres codes pour se renouveler.»

Parmi ceux-ci, l’utilisation du fish eye (l'ultra grand angle), de la plongée ou de la contre-plongée. «En fait, ces prises de vues sont aussi l'apanage de la nouvelle photographie allemande des années 1930, rappelle Gianni Haver. Si on produit ce type de visuels aujourd’hui, c’est peut être parce que la photo sert plus à distinguer la marque de ses concurrents, qu’à mettre en avant ses créations propres. Plus libre, elle peut adopter des styles plus larges», note Gianni Haver. Toutefois, ce renouvellement d’image s’explique aussi par l’émergence des réseaux sociaux.

Puissance carrée

A l’instar du dialogue éternel entre rue et mode, la conversation se poursuit entre le prêt à porter et les réseaux sociaux. Par exemple, Instagram reflète l’univers des influenceurs qui collaborent avec des marques. «Les photos se font souvent sur smartphone, en grand angle, afin que le produit soit mis en avant», explique Luc Frey, photographe spécialisé dans la mode et dans le portrait. La prise de vue est faite à domicile, donc, «dans une chambre qui ressemble à la nôtre, avec la même armoire», ajoute Luc Frey. «Ces influenceuses, qui vont au plus simple, ressemblent un peu à tout le monde, tout en faisant le maximum pour paraître plus grandes, plus fines, plus jolies… dans un esprit très business», poursuit le photographe. Les réseaux sociaux influencent ainsi directement les visuels mode. Par exemple, utilisé en pré-production par certains clients du photographe, Instagram agit comme un mood board, offrant une pléthore d’idées, allant du type de lumière à la localisation des prise de vue.

«Aujourd’hui, on pense à faire en sorte que la photo qui sera publiée corresponde au format carré d’Instagram avant d’entamer un shooting», note ainsi Luc Frey.

Au final, durant le confinement, les marques ont donné une posture plus réaliste que sexy à leurs mannequins. Une empreinte durable dont voici quelques exemples.

Le shooting fait maison de Jacquemus par Bella Hadid

Femme en costume blanc, soutient-gorge vert et lunettes mauves.
1 / 3© Jacquemus

En plein confinement, Bella Hadid a réussi l’exercice du shooting maison. On le voit, les postures adoptées et les looks portés par la super modèle rentrent tout juste dans le cadre. On arrive à deviner l’essence de la collection signée Jacquemus.

La réplique de la fast fashion

Femme assise sur fauteuil vintage blanc, avec top blanc, jeans bleu et mocassins à motifs léopard brun -beige et à boucles dorées.
2 / 3© Zara

Jambes écartées, buste avachi et fauteuil rétro… tout y est. Pour sa collection hiver 2020, Zara s’inspire également du boom du meuble vintage qui sévit sur Instagram.

Le selfie 2.0 d’MSGM

Femme accroupie sur sol avec déclencheur à selfie noir. Gilet, top, mules et jupe à volants jaunes.
3 / 3© MSGM

Pour sa collection printemps-été 2021, la maison italienne MSGM a demandé à ses modèles de recourir au selfie. Un déclencheur, visible sur la photo, permet des plans plus larges. Ici, la posture pourrait faire écho à la campagne Calvin Klein dans laquelle Brooke Shields avait été photographiée par Richard Avedon.

La touche expérimentale de Balenciaga

Pas d’innovation sans mentionner la marque dirigée par Demna Gvasalia. Inspiré par des effets datant de presque cent ans, la griffe fait disparaître tout rapport de proportionnalité. Le vêtement, illisible, laisse place à la signature du photographe.

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