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Défilé de la HEAD 2022: rencontre avec les lauréat-e-s

Défilé de la HEAD 2022: rencontre avec les lauréat-e-s

De gauche à droite: Gabrielle Huguenot, Xavier Weber, Zoé Marmier, Louise Jarrige-Le Berre et Norman Mabire-Larguier.

© HEAD/RAPHAELLE MUELLER

Des épaules défiant jadis les lois de la gravité qui s’effondrent dans le chaos des néo-années 20, les vestiges d’une haute couture qui part en lambeaux, des filets qui capturent des corps non binaires, des textures matelassées volumineuses aux allures de sacs de couchage en kit survivaliste et des effets de transparence façonnée: en 2022, les collections du défilé HEAD – la Haute École d’art et de design de Genève – scannent minutieusement l’époque pour mieux pressentir l’avenir. Un avenir dans lequel des créatures façon Mad Max côtoient des amazones confortablement fagotées en Thierry Mugler nouvelle ère sous la direction artistique du designer américain Casey Cadwallader.

Dans une scénographie triangulaire conçue par des élèves de la filière d’architecture intérieure de l’institution accompagnés de Bertrand Van Dorp et Leonid Slonimskiy, les 20 collections Bachelor suivies des 12 collections Master dessinent les contours de ce nouveau monde. Sous l’impulsion des futurs designers, la mode prend des allures de manifeste écologiste. Ponctuées de la volupté d’une matière ou d’une robe bustier affichant un imprimé XXL de la frimousse de l’âne Cadichon et ses yeux de… biche, les pièces fortes fustigent la noirceur ambiante tout en l’embrassant.

La réalité toute nue

Au crépuscule de nos existences numérisées, likées, commentées, hystérisées et aussitôt oubliées, le contraste d’une tangibilité fantasmée à coups de filtre semble enfin à nouveau laisser place à la réalité toute nue. À mesure que les certitudes s’effondrent, les imperfections d’hier deviennent les canons de beauté de demain. En écho direct, le terrain de jeu de la mode n’a certainement jamais été aussi éminemment passionnant.

Avant de porter leurs créations, nous avons fait connaissance avec les lauréates et lauréats des quatre prix décernés lors de l’édition 2022 en leur posant cinq questions. Si pas le plus beau, assurément un des shows les plus inspirés de ces dernières années.

Norman Mabire-Larguier (Master), 25 ans

Titre de la collection: [Untitled]
Prix La Redoute x HEAD

© HEAD/RAPHAELLE MUELLER
© HEAD/RAPHAELLE MUELLER

Qu’est-ce qui vous a inspiré votre collection et son titre?
[Untitled]
vient du refus d’étiqueter ma collection et de l’expliquer, d’en limiter l’interprétation à quelques mots. De même, ma collection n’est pas inspirée par un thème en particulier, mais est l’aboutissement d’années de recherches formelles et de questionnements identitaires personnels. Elle évoque et donne à ressentir l’évolution intime d’une éclosion à soi et au monde.

Que signifie ce prix à vos yeux?
Je suis très heureux d’avoir reçu le prix La Redoute pour ma collection. C’est avant tout une expérience professionnelle nouvelle et challengeante puisque le prix consiste à créer une collection capsule pour La Redoute, en étant fidèle à mon esthétique tout en s’adressant à un plus large public.

De la 2D à la 3D, comment avez-vous vécu le processus de création jusqu’au défilé?
Le processus de création est pour moi un processus de recherche long et douloureux qui consiste à mettre en forme mon monde intérieur sans concession. C’est un processus très physique car je passe beaucoup de temps à travailler mes silhouettes directement en volume. Mais c’était aussi une expérience très excitante, qui m’a permis de travailler avec des professionnel-le-s très impliqué-e-s dans mon projet.

Comment définissez-vous votre style de design?
Sensible et radical.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir designer de mode?
Le besoin vital de m’exprimer par le vêtement. C’est pour moi le seul moyen d’exprimer de façon aussi profonde et complète mes émotions. C’est aussi un métier passionnant et excitant qui touche autant au design, à l’image et à la production, en relation avec beaucoup d’artistes et d’artisan-ne-s.

Label Agapornis / Zoé Marmier & Louise Jarrige-Le Berre (Master), 25 et 26 ans

Titre de la collection: Self Love Letter
Prix HEAD x Eyes On Talents

© HEAD/RAPHAELLE MUELLER
© HEAD/RAPHAELLE MUELLER

Qu’est-ce qui vous a inspiré votre collection et son titre?
Il y a plusieurs inspirations différentes: la notion de self care, le fait de prendre soin de soi, des autres, des textiles, des matières, des vêtements pour créer un lien entre soi, l’objet et les autres.

Que signifie ce prix à vos yeux?
Nous souhaitons poursuivre notre collaboration et faire grandir notre laboratoire d’expérimentations, comme nous aimons le nommer, Agapornis en Suisse et en France, nos deux pays de naissance. C’est donc pour nous l’occasion d’avoir l’aide et le regard professionnel d’Eyes on Talents.

De la 2D à la 3D, comment avez-vous vécu le processus de création jusqu’au défilé?
C’était tellement excitant, enrichissant et inspirant. Nous avons pu expérimenter une manière de créer différente qui se construit sur l’échange et sa mise en valeur. La collection découle de notre processus de rencontre avec les modèles-muses et les artisanes et artisans.

Comment définissez-vous votre style de design?
Agapornis, c’est l’avènement d’un Corps-Trésor où une large part est laissée à la peau et donc au vestiaire de la lingerie. Nous célébrons la tactilité où le plaisir de faire et de porter s’entrecroise.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir designer de mode?
Zoé J’ai la sensation d’avoir toujours été attiré par ce métier. De rêver de m’habiller de tenues plus folles les unes que les autres.

Louise Depuis mon enfance j’ai toujours dessiné des vêtements, je fabriquais des habits pour mes poupées en découpant les sous-vêtements de ma mère.

Gabrielle Huguenot (Master), 27 ans

Titre de la collection: Artificial Flowers Also Need Water
Prix Master Firmenich

© HEAD/RAPHAELLE MUELLER

Qu’est-ce qui vous a inspiré votre collection et son titre?
Pour cette collection, j’ai procédé à une exploration autour de ma propre idée de la femme fatale. Essentiellement issue de l’esprit masculin, on use et abuse d’elle comme d’une marionnette pour nos fantasmes et nos jeux de pouvoir. Mes inspirations me viennent de mon enfance où j’ai grandi entourée de représentations féminines issues du cinéma, de la mythologie et des contes. Le titre Les fleurs artificielles ont aussi besoin d’eau décrit une soif de reconnaissance, préférant des fleurs que je m’offre à moi-même, même si celles-ci sont artificielles.

Que signifie ce prix à vos yeux?
Une main tendue. En tant que jeune designer, il est parfois difficile de trouver sa niche, l’endroit où notre travail saura être compris et apprécié. On avance dans l’ombre, dans l’espoir qu’on nous trouve, devant braver l’incertitude et le doute à chaque pas. Ce prix, c’est une lueur dans l’ombre de mon parcours, un guide.

De la 2D à la 3D, comment avez-vous vécu le processus de création jusqu’au défilé?
Je n’ai jamais apprécié dessiner mes collections à l’avance, comme on préparerait un plan d’attaque. Je le vois comme chercher une réponse avant la question. Je préfère travailler directement en 3D, idéalement avec les matières finales pour garder le premier geste de création intact et authentique. Comme une sculptrice, je moule, j’enlève, je rajoute… Refusant de risquer d’objectifier le corps d’une autre personne et d’imposer ma vision sur autrui, j’ai créé la collection sur mon propre corps. Il était important de me mettre dans cette position afin de tenter d’apprendre à connaître cette Femme Serpent, cette facette sombre et mystérieuse qui m’habite.

Comment définissez-vous votre style de design?
J’aspire à ce que mes créations hantent les esprits. J’aime le fait qu’elles attisent la curiosité et appellent à l’imagination du spectateur ou de la spectatrice.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir designer de mode?
C’est la complexité du design de mode qui m’a attirée, on ne saurait résumer la création de mode à un simple rapport de fonctionnalité. Il est possible d’y intégrer ses questionnements, les contradictions qui nous constituent, ainsi que nos rêves.

Xavier Weber (Bachelor), 23 ans

Titre de la collection: Magma
Prix Bachelor Bongénie

© HEAD/RAPHAELLE MUELLER
© HEAD/RAPHAELLE MUELLER

Qu’est-ce qui vous a inspiré votre collection et son titre?
Ma collection nommée Magma est inspirée du contraste social et culturel des différentes éducations que j’ai reçues lors de mon enfance. De Grenoble à Nonette, de Lyon à Marseille. Du petit volcan au camp de gitans, de la tour en béton à la maison en pierre, le contraste omniprésent de mon enfance a construit ma vision sur le vêtement.

Que signifie ce prix à vos yeux?
Le prix Bachelor Bongénie signifie pour moi une très grande reconnaissance pour mon travail. Ayant grandi dans divers endroits en France avec des cultures et des habitudes bien différentes, ce prix me donne confiance pour la suite.

De la 2D à la 3D, comment avez-vous vécu le processus de création jusqu’au défilé?
Le rapport entre la 2D et la 3D est très important pour moi. Comme vous avez pu le voir, je travaille avec mes souvenirs et les réinterprète sous forme de matières créées, comme la matière réalisée en papier à rouler emprisonnant de vraies fleurs immortalisées en collaboration avec la marque de papier à rouler OCB.

Comment définissez-vous votre style de design?
Il est vrai, juste, ne s’invente pas de vie, reste fidèle et touche des populations opposées aux extrêmes. Mon but est que mon travail puisse parler à un banquier autant qu’à ma petite sœur gitane.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir designer de mode?
J’ai toujours voulu être designer, lorsque j’étais petit je disais vouloir être «inventeur». J’ai commencé les études d’art à 15 ans avec un baccalauréat en arts appliqués à La Martinière à Lyon. J’ai réalisé ensuite des études en design de produits.

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