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Décryptage mode

Analyse mode: dans les collections 2022, le corps féminin s'affirme

Peau denudee dans les dernieres collections mode les corps saffirment

«Pendant plusieurs saisons, la tendance principale était de cacher le corps de la femme sous des vêtements très amples, masculins. Un renversement s’est opéré et les femmes ont envie d’assumer leur corps, ce que les créateurs ont très bien compris.» - Margaux Warin, directrice mode et tendances chez Tagwalk, à Paris

© Imaxtree

Il est (presque) loin, le temps où on se lovait sur son canapé, emmitouflés sous une couverture. Ou lorsqu’on arrivait à sa réunion Zoom en jogging et en pull. Le confinement nous a fait oublier que dessous, il y avait un corps. Et que son enveloppe n’était pas en molleton. En faisant un tour d’horizon des collections printemps-été, on est frappé par les centimètres carrés de peau nue que l’on peut apercevoir. On ne voit plus qu’elle. Et cela ne se limite pas qu’aux jambes ou aux bras, mais à des parties souvent peu visibles ou peu mises en valeur. Le corps est galbé, emmailloté, structuré, travaillé comme une toile vierge. Il devient lui-même vêtement. Les espaces de vide deviennent des zones faisant partie intégrante des silhouettes.

On couvre, on découvre

Au fil des saisons, les cycles se succèdent. On veut tout et son contraire. Après avoir mis sous les projecteurs le sportswear et ses formes oversize plutôt couvrantes, c’est au tour du moulant et très dévoilant d’être sous les feux de la rampe. «L’affirmation du corps est devenue un sujet central, notamment depuis l’émergence du mouvement #MeToo et la prise de paroles de nombreuses femmes. Pendant plusieurs saisons, la tendance principale était de cacher le corps de la femme sous des vêtements très amples, masculins, explique Margaux Warin, directrice mode et tendances chez Tagwalk, à Paris. Un renversement s’est opéré et les femmes ont envie d’assumer leur corps, ce que les créateurs ont très bien compris.»

Sur les podiums, les exemples ne manquent pas. Les tailles basses descendent excessivement chez Versace et Miu Miu, les minijupes deviennent microjupes chez Prada et Andrew GN, les asymétries lacèrent le corps de nudité chez Balmain et Roberto Cavalli, la transparence se dévoile chez Coperni et Burberry. Et pour finir, les combinaisons bodycon moulent le corps à l’extrême chez Saint Laurent.

Gigi Hadid pour Versace, collection printemps-été 2022 © Imaxtree

Phénomène cyclique dans la mode, certes, mais pas forcément nouveau du côté du star-system selon Elizabeth Fischer, professeure HES en charge de Design Mode, Bijou et accessoires à la HEAD Genève. «On pense à Jane Birkin en Paco Rabanne, Kate Moss en robe transparente dans les années 90 ou Jennifer Lopez en robe Versace décolletée jusqu’au nombril. Montrer ainsi son corps soulève deux approches. La première, celle de la femme-objet dont on dévoile le corps, et la deuxième celle de la femme qui le revendique, parce que c’est son choix, sa force, et qu’elle veut renverser le stigmate, comme Rihanna ou Beyoncé. Mais c’est à double tranchant, car les canons classiques tels que les seins, les fesses ou une taille fine demeurent des standards. De plus, du côté des podiums, la majorité des mannequins ont le physique idéal, il y a encore peu de diversité morphologique. On est encore loin de se libérer des diktats.»

«Montrer ainsi son corps soulève deux approches. La première, celle de la femme-objet dont on dévoile le corps, et la deuxième celle de la femme qui le revendique, parce que c’est son choix, sa force, et qu’elle veut renverser le stigmate, comme Rihanna ou Beyoncé.»

Elizabeth Fischer

Professeure HES en charge de Design Mode, Bijou et accessoires à la HEAD Genève

Sexy ou sexuel?

Dans notre société occidentale, montrer son corps n’est pas perçu de manière anodine. Et ce qui se passe sur les catwalks et dans la rue n’est pas forcément en accord. Bien que la mode tente de s’affranchir de la problématique sans porter de jugement sur ce qui est bon – ou pas – de porter. «Le regard des autres est souvent le problème, expose Elizabeth Fischer. Par exemple, il y a aujourd’hui toute une génération de jeunes femmes qui ne veulent plus porter de soutien-gorge, qui ont simplement envie de s’habiller comme elles le souhaitent, sans que leur corps soit sexualisé.»

Souvent s’ajoute à cela le double standard (un comportement n’est pas jugé de la même manière si son auteur est un homme ou une femme), majoritairement défavorable aux femmes. «C’est une nouvelle attitude venant des jeunes femmes, elles ne veulent pas se couvrir simplement parce que les hommes ne peuvent pas gérer leurs ardeurs, décrypte Irene Münger, designer et experte en tendances chez Design Bureau Blackpool, à Berne. Elles décident ce qu’elles font de leur corps. C’est leur décision. Elles revendiquent une forme d’émancipation de leur féminité.» C’est là peut-être que le même élan se retrouve, sur les podiums comme sur le bitume: une envie de liberté. «La tendance est évidemment très sexy, mais je ne vois pas ces silhouettes faisant de ces mannequins des femmes-objets. Au contraire, il s’agit plutôt d’une célébration, d’une affirmation. De pouvoir, enfin, se permettre de montrer son corps sans se soucier des réactions que cela va provoquer», argumente Margaux Warin.

© Imaxtree

Démarche anti-body shaming

La société de l’image contribue à des nouvelles perceptions du corps. Les réseaux sociaux ont ainsi une forte influence sur les tendances en mode. «Ces nouvelles découpes viennent d’une fragmentation des corps que l’on observe sur les réseaux, des gros plans faisant un focus sur diverses parties du corps. L’œil s’est habitué à découper ou envisager le corps différemment. Dans certaines communautés, c’est aussi parfois pour échapper à la dichotomie des genres», explique Elizabeth Fischer.

De plus, une certaine radicalité dans les coupes pousse les silhouettes à se détacher des canons de beauté standard. Décolleté ou jambes laissent place au flanc ou aux clavicules. «Une manière d’aborder le corps qui nous évoque celle des créateurs japonais dans les années 80, où d’autres parties du corps étaient mises en valeur», continue l’experte. On l’observe notamment chez la maison Loewe, avec d’audacieuses ouvertures aux genoux. «Certaines marques telles que Y/Project font de la déstructuration du vêtement une démarche créative, par exemple en jouant avec les asymétries.» On peut trouver paradoxal ce que l’on voit sur les podiums, alors que les règles de ce que l’on a le droit de montrer sur Instagram deviennent plus strictes. «Mais cela prend à contrepied la censure qu’opère Instagram contre les corps féminins en supprimant les photos où l’on voit des seins ou tétons. Cette nouvelle tendance est anti-body shaming», conclut Margaux Warin.

Corps déconfiné

La liberté est essentielle. Depuis trop longtemps, elle a été mise en pause à cause du Covid-19. Le corps se réveille. «Après la pandémie, c’est assez naturel que cette tendance ait explosé, les créateurs comme les femmes ont envie de célébrer un corps qui a été restreint à travers une mode plus playful, analyse Margaux Warin. Un avis que partage Irene Münger: «Les gens sont lassés d’être devant leur ordinateur en jogging à longueur de journée. La mode joue ainsi avec nos besoins les plus profonds, nos rêves et nos désirs.» L’envie de légèreté, de fête, d’insouciance est très forte. Et encore plus celle d’une mode qui ne se prend pas trop au sérieux et teintée d’optimisme.

4 silhouettes décryptées par Margaux Warin, directrice mode et tendances chez Tagwalk

Défilé Balmain

«Balmain nous avait habitués à des vêtements très courts, très ornementés. Cette silhouette dévoilant le corps de manière minimale et déstructurée est innovante pour la maison.»

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Défilé Burberry

«On voit de plus en plus ce genre de combinaison ultra-moulante. Ici, le corps est dévoilé à travers la coupe et le jeu de transparence, tout en restant dans une inspiration très esthétique et artistique.»

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Défilé Miu Miu

«Il s’agit vraiment du néo look masculin/féminin, avec des vêtements d’inspiration masculine, des matières empruntées à une garde-robe corporate en contraste avec les coupes, ultra-féminines et sexy. Une version très moderne et innovante de la tendance sexy.»

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Défilé Chanel

«Ce look reprend vraiment l’esthétique des années 90 et 2000. Il joue avec la lingerie et le crop top, tout en gardant les codes propres à la marque (la ceinture, le logo, la coupe du pantalon à jambes larges).»

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