parentalité
Témoignages: 9 jeunes mères racontent leur post-partum
15 à 20% de jeunes mères souffrent de dépression post-partum. Dans un climat de libération de la parole, pas étonnant de voir des célébrités comme Rihanna, Suki Waterhouse ou encore Halle Bailey montrer leur corps après l’accouchement ou se confier à propos des défis quotidiens inhérents à l’arrivée d’un enfant, sur les réseaux sociaux. «C’est une période de fragilité et de remaniement identitaire pour les jeunes parents, explique la Dre Mathilde Morisod, cheffe de la filière Pédopsychiatrie de liaison au CHUV. Le bébé est un être pulsionnel, exigeant, qui arrive sans mode d’emploi. Couplé aux injonctions sociales culpabilisantes qui exigent l’épanouissement, entraînant un décalage avec la réalité, cela peut provoquer des difficultés chez les jeunes parents.»
Les mères, fatiguées par leurs tâches et particulièrement sensibles aux besoins de l’enfant, peuvent facilement souffrir de dépression si elles ne sont pas suffisamment entourées. «Mes conseils? Se préparer, accepter qu’il y a des jours plus durs que d’autres, s’appuyer sur sa ou son partenaire, ne pas rester seule en rejoignant des réseaux de mères pour échanger, se réapproprier son corps à son rythme et soigner sa fatigue», liste la Dre Mathilde Morisod.
Pour soutenir les jeunes mamans romandes dans leur préparation à l’accouchement et au post-partum, Jessica Riedi Müller et Elodie Hunziker ont cofondé l’espace Naissantielle. «De nombreuses informations entourent cette période et s’outiller pour faire face aux défis de la maternité est essentiel. Comment accueillir son corps avec bienveillance, par exemple? C’est à cela que répondent nos accompagnements, centrés sur la préparation mentale et émotionnelle», explique Jessica. «Chaque post-partum mérite d’être préparé au même titre que l’accouchement. Lorsque cela deviendra la norme, nous aurons réussi notre mission», complète Elodie. La clé pour enfin briser les derniers tabous?
«Le post-partum est une transition d’identité.»: Fanny, 34 ans, mère d’une fille de 4 mois
«Je me suis préparée au post-partum, et heureusement, car une fois que bébé est né, l’attention n’était plus du tout portée sur moi. J’ai rencontré des défis au niveau émotionnel. Le mythe du troisième jour s’est révélé vrai. C’est le moment du retour à la réalité après le cocon de l’hôpital. Ma belle-famille s’en est mêlée. Je ne voulais pas de visite, mais ils sont tout de même venus. Ils se sont montrés plus qu’invasifs, ils avaient un avis sur tout et m’ont poussée à sortir en balade alors que mon corps n’était pas prêt. Ce jour-là, j’ai fait tout faux car je ne me suis pas écoutée. Depuis, j’arrête de faire plaisir aux autres.
Même chose pour mon compagnon, qui endosse un nouveau rôle, plus protecteur, depuis qu’il est papa. Auparavant, je n’avais qu’à me soucier de mes seuls besoins, puis j’ai donné la vie à quelqu’un d’autre. Le «je» devient «nous», avec tous les questionnements et les injonctions que cela amène. Ce que je sais toutefois, c’est que j’ai l’intuition de savoir ce qui est bon pour ma fille. Petite anecdote, on m’avait annoncé un garçon. Je vise l’éducation la moins genrée possible, mais il reste que je m’imaginais être une soccer mom et j’avais occulté les Barbie. J’espère que ma fille pourra vivre sa vie selon ses propres définitions.»
«Quand je suis devenue maman, j’ai réalisé à quel point il était difficile de ne pas avoir ma propre mère à mes côtés.»: Anne-Laure, 36 ans, mère de deux garçons de 19 et 2 mois
«Je n’osais pas poser de questions à mes copines au sujet du post-partum. J’aurais aimé que ma mère soit présente. Elle est subitement décédée trois mois avant que je ne tombe enceinte pour la première fois, elle qui rêvait d’être grand-maman. J’aurais voulu pouvoir lui poser des questions «bêtes», qu’elle soit à mes côtés pour m’épauler, apaiser mes doutes et m’encourager. Je peine à accepter que mes fils vont grandir sans la connaître. Mon premier post-partum a été dur physiquement. J’ai subi une importante déchirure en accouchant, ce qui m’a privée de la possibilité de faire du peau à peau immédiatement avec mon fils, car j’ai été envoyée au bloc. J’avais aussi la crainte de ne pas retrouver mon intimité d’avant. Mon second accouchement a été plus serein. Par contre, j’ai trouvé difficile de laisser mon aîné, j’avais l’impression de l’abandonner. J’essaie de passer le plus de temps possible avec lui.
Au niveau émotionnel, c’est un peu les montagnes russes: par moments, je pleure car je suis reconnaissante d’être devenue deux fois maman alors que d’autres n’ont pas cette chance, et parfois je pleure de ne pas avoir eu les mêmes conditions d’accueil à la naissance de mes deux garçons. Et je me sens coupable. Je trouve qu’une mère n’a pas tellement le droit de dire quand c’est dur.
«La maternité m’a fait perdre mes repères.»: Federica, 36 ans, mère de deux garçons de 4 et 2 ans
«J’ai adoré la grossesse. Quand j’ai fait une fausse couche, on m’a diagnostiqué une endométriose. Je devais être opérée, mais je suis tombée enceinte. Je n’avais plus de règles, plus de douleurs ou de sautes d’humeur, le rêve! Mon premier post-partum s’est déroulé en période de Covid: on s’est créé un cocon tranquille, tout était fluide et spontané avec notre bébé facile à gérer. Nous souhaitions un deuxième enfant rapidement, mais j’avais peur de ne pas laisser suffisamment de place à mon aîné. Lors du second post-partum, j’étais fatiguée, fragile. Mon deuxième fils dormait mal. Il avait des problèmes de santé, du reflux et je courais dans tous les sens pour trouver une solution afin de soulager sa douleur. Surtout, je culpabilisais. Je ressentais le devoir de satisfaire le besoin d’amour de chacun de mes enfants de manière absolue et égale, je vivais cette fratrie comme une rivalité. En plus de mes difficultés à la maison, le pan professionnel de ma vie a été ébranlé. À ma reprise du travail, il y a eu une réorganisation dans l’entreprise. Cependant, mon nouveau poste ne me motivait pas, j’avais l’impression de ne plus avoir ma place dans l’équipe et j’ai perdu confiance en moi. Je ne savais plus qui j’étais.
J’en ai voulu au système professionnel qui ne valorise pas les compétences de la parentalité, à la société qui impose aux mères d’être des superwomen, aux femmes qui ne se sont pas montrées solidaires avec moi. Le post-partum m’a complètement redéfinie. Je veux prouver que ce n’est pas parce que je suis maman de deux enfants que je ne vaux rien.»
«Écrire mon récit du post-partum a été thérapeutique.» Noémie, 42 ans, mère d’une fille de 6 ans
«Quand j’étais enceinte, le post-partum était encore tabou. Aujourd’hui, je vois que la parole se libère de plus en plus, mais moi, je n’y étais pas préparée. Mon post-partum a été lourdement impacté par un accouchement traumatique. En prééclampsie, la venue au monde de ma fille a été provoquée: elle est née par voie basse à l’aide de forceps, ce qui a mutilé mon corps. J’ai fait la connaissance de mon bébé 7 h après l’accouchement, mais lors de ma semaine d’hôpital, j’étais dans les nuages, exténuée. Je souffre de dépression chronique depuis mes 16 ans et, malgré mes antécédents, le personnel médical n’a pas vu que mon état se détériorait.
Au fil de mes recherches, je suis tombée sur les associations Mam’ac, pour les mamans fatiguées, et le groupe des Fabuleuses au Foyer. Avec l’aide supplémentaire de ma psychiatre et d’une éducatrice, je suis parvenue à aller mieux et à créer un lien avec ma fille. C’est que pendant plusieurs années, je ne me sentais pas maman. Je m’occupais d’elle machinalement. À force de petits pas, de petits buts que je m’imposais – par exemple prendre le train avec la poussette, activité qui m’angoissait énormément – je suis parvenue à me sentir légitime dans mon rôle de parent. Aujourd’hui, je me sens mieux, même si je ressens encore quelques effets dus à ma dépression chronique. Je fais du bénévolat pour me remettre sur le chemin du travail.»
«Je lui dis tous les jours que je suis chanceuse d’être sa maman.»: Camille, 31 ans, mère d’un garçon de 4 mois
«Mon accouchement a été un peu rock: je n’avais plus assez de liquide amniotique et mon bébé perdait du poids, on m’a donc programmé une césarienne en urgence à 8 mois de grossesse. Je ne m’y attendais pas du tout: mon fils n’avait ni prénom définitif, ni chambre prête. Finalement, tout s’est bien passé: on a pu mettre notre playlist, le personnel soignant dansait et j’ai fondu en larmes quand mon bébé a crié.
Être sa maman est inné. Je chéris les moments passés à deux quand il se réveille la nuit. Mon corps n’est pas redevenu comme avant, mais je m’en fiche, car mes vergetures sont la preuve que j’ai donné la vie. Je crois que c’est important de dire quand un post-partum se déroule bien. Mon fils a eu des coliques pendant quelques semaines et ça me brisait le cœur de le voir souffrir, mais tout passe. Son sourire efface n’importe quelle difficulté. Aussi, voir mon mari devenir papa me fait l’aimer encore plus qu’avant. Je craignais pour notre équilibre, mais la parentalité a renforcé notre lien. Il est si présent et attentionné, on se sent complet dans notre vie à trois. Notre prochain challenge? Trouver une place en crèche.»
«Physiquement, je n’étais pas préparée à souffrir autant.»: Léna, 31 ans, mère d’une fille de 14 mois
«Rien ne me stressait dans la grossesse ou l’accouchement, mais j’étais angoissée à propos du post-partum, surtout comment faire pour se reconstruire physiquement, moi qui suis sportive? J’ai reçu de vagues réponses à mes questions, car les gens ont le souci de préserver la bulle de bonheur des femmes enceintes. La venue au monde de ma fille s’est bien passée, mais le lendemain le moindre effort physique me coûtait. J’avais peur de rentrer à la maison.
J’aurai aimé qu’on me dise que le post-partum allait être dur physiquement et que c’est normal! Cela m’aurait peut-être évité de culpabiliser. Finalement, on a trouvé notre rythme. Mon conjoint était à nos côtés pendant le mois de son congé paternité, c’était magique. Cependant sa reprise du travail a été difficile à vivre. Pas facile de s’organiser avec la fatigue et deux quotidiens opposés qui faisaient qu’on ne se comprenait plus. La question était: qui peut profiter de sa fin de journée pour décompresser? Tout s’est amélioré quand on a fait dormir notre fille dans sa chambre à ses 4 mois. On a retrouvé notre vie de couple et notre complicité.»
«Mes priorités ont changé: aujourd’hui, mon rôle, c’est être maman.»: Mellie, 30 ans, mère d’un garçon de 13 mois
«J’ai abordé sereinement mon post-partum et je me suis intéressée aux défis que comporte cette période en lisant des bouquins ou en consultant mon fil Instagram. J’avais le souhait d’allaiter, mais à la Maternité, mon fils n’arrivait pas à prendre le sein. On m’a dit: «ça va venir à la maison» et avec le soutien de ma sage-femme à domicile, j’ai tiré mon lait pour compléter les biberons. Pendant deux mois, j’ai essayé mille et une choses. Je passais mon temps à tirer mon lait, d’abord branchée à une machine sur secteur empruntée à l’hôpital, puis avec un relais à placer dans le soutien-gorge. J’avais idéalisé l’allaitement et je n’arrivais pas à lâcher la bataille alors que mon fils me faisait comprendre que ça ne lui convenait pas. Avec le recul, je crois que j’aurais mieux profité des premiers mois si je n’avais pas donné autant d’importance à l’allaitement.
Quelle chance de pouvoir partager ainsi ses joies, ses doutes et ses angoisses. Le post-partum a aussi renforcé mon couple. Mon mari est génial et malgré des moments tendus à cause de la fatigue, nous sommes restés très soudés et nous avons ressenti peu de changements dans notre vie à l’arrivée du bébé. On le dit toujours, on est une équipe.»
«Le post-partum peut être une belle expérience si l’on s’y prépare.»: Monica, 32 ans, mère de deux filles de 1 et 6 ans
«Comment bien vivre le post-partum? Je n’en avais aucune idée, car avant d’accoucher de ma première fille, je ne me suis pas intéressée au vécu de ma mère, de mes amies ou même aux cours de préparation. J’étais optimiste. Après l’accouchement, je me suis dit que ce n’est pas parce que j’ai un enfant que je dois mettre mon quotidien sur pause. Donc j’ai repris mes tâches domestiques et j’allais marcher pour perdre du poids, car j’avais du mal à accepter mon corps. Résultat, j’ai fait un baby blues et ça n’allait plus avec mon compagnon.
J’ai écouté des podcasts pour m’informer et j’ai découvert le concept du «mois d’or», une méthode qui permet de vivre plus sereinement le premier mois. Ce que j’ai retenu, c’est rester le plus possible tranquille à la maison ou encore éviter les tâches ménagères. Cela m’a permis de déculpabiliser de ne pas reprendre ma vie active tout de suite après la naissance de ma deuxième fille. Physiquement, je me suis remise plus vite. Avec mon mari, nous avons discuté pour mettre au clair les rôles et les attentes de chacun. Lui s’occupait principalement de la première, que nous avons valorisée dans son rôle de grande sœur, et moi du bébé. J’ai ressenti plus d’assurance, je me suis sentie plus forte et je suis fière de mon corps qui a donné la vie.»
«Être maman de grande prématurée force à se remettre en question.»: Alice, 33 ans, mère d’une fille de 8 mois
«Mon endométriose n’a été diagnostiquée qu’il y a deux ans. J’ai souffert pendant une vingtaine d’années à cause de cette maladie, entre douleurs normalisées et vomissements. Quand j’ai enfin été écoutée, les traitements ont drastiquement amélioré mon quotidien, mais je ne savais pas si je pourrais avoir un enfant. Puis, je suis tombée enceinte. Les problèmes de santé ont commencé à 12 semaines. À 21 semaines, ma poche s’est rompue. Aux HUG, on m’a dit que j’aurais dû être mise en arrêt de travail par ma gynéco, car ma grossesse était à risque. La viabilité d’un enfant, c’est à partir de 24 semaines. Je ne savais pas si mon bébé allait survivre et ma gynéco m’a fait perdre espoir.
Nous avons été ensuite transférés dans une autre unité, où nous sommes restés un mois au lieu d’une semaine à cause de l’incompétence du staff. Déjà, je devais constamment inclure mon mari dans les discussions avec le corps médical, en rappelant qu’on prenait les décisions ensemble. On m’a découragée d’allaiter alors que j’y travaillais dur en néonat. On m’a dit que c’était moi le problème, on a contesté mes décisions au point que je ne me sentais pas mère. J’aurais aimé rencontrer des personnes vivant la même chose que moi.»
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