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Témoignages: 4 sorories racontent leur relation familiale

Témoignages: 4 sorories racontent leur relation familiale

Après quelques années loin l’une de l’autre, Lisbeth Koutchoumoff et Natacha Koutchoumov se rapprochent à l’âge de la maturité et vivent désormais une «super phase de sororité».

© MAGALI DOUGADOS

Lisbeth Koutchoumoff et Natacha Koutchoumov

55 et 51 ans, journaliste et comédienne

Lisbeth et Natacha échangent des sourires complices avant même de commencer l’interview. Les sœurs de Genève se souviennent d’une enfance dans une chambre partagée, faite de jeux, de déguisements, de théâtre et surtout, beaucoup de rires. «J’étais très admirative de Lisbeth, raconte Natacha. J’aimais l’écouter me lire des pièces de Tchekhov, mais c’était aussi frustrant pour moi d’être la plus petite.» Lisbeth, elle, a assumé son rôle d’aînée avec sérieux: «J’étais toujours en souci de ma petite sœur. La garante de l’ordre établi versus l’élément qui secoue la famille.» À 18 ans, Lisbeth quitte la maison pour suivre des études à Paris et Natacha se retrouve seule avec ses parents. Une période d’émancipation, mais aussi de colère et de sentiment d’abandon que les Koutchoumov/ff avouent regretter.

Après quelques années loin l’une de l’autre, elles se rapprochent à l’âge de la maturité et vivent désormais une «super phase de sororité». «Notre relation est bien plus large que l’amitié, souligne Natacha, car nous partageons un référentiel qui rend notre relation unique. Je me sens chanceuse d’avoir une sœur avec qui partager une relation horizontale, dans laquelle chacune incarne à tour de rôle l’accompagnante.»

«La différence d’âge n’existe plus, reprend Lisbeth. On partage un amour inconditionnel – j’ai la conviction que je gravirai des montagnes et traverserai des océans pour elle – mais également un regard sur le monde, les humains, l’art ou encore l’humour.»

«Avoir la certitude que ma sœur est là pour moi participe à mon équilibre psychique», poursuit sa cadette. Et quels sont les bénéfices d’une enfance entre filles? «J’associe les amitiés féminines à quelque chose de positif, avance Natacha. Les clichés supposant la jalousie entre femmes m’énervent.»

Laura et Valérie Dittli

33 et 32 ans, conseillères d’État

Témoignages: 4 sorories racontent leur relation familiale
© GABRIEL MONNET

Sororie star de la politique suisse depuis leur élection en 2022 à l’Exécutif des cantons de Zoug et Vaud sous la bannière du Centre, Laura et Valérie Dittli ont suivi peu ou prou le même parcours. Se sont-elles copiées? De l’avis de la cadette Valérie, si elles avaient voulu planifier leur carrière afin de suivre le même cursus en droit pour ensuite débarquer la même année au Conseil d’État, jamais elles n’y seraient parvenues! «Nous avons grandi dans une ferme isolée où nous avions peu de contacts avec les autres enfants, raconte Valérie Dittli. Nous avons toujours été proches malgré notre éducation dans des rôles traditionnels, Laura auprès de notre mère à la maison et moi aux côtés de notre père à l’extérieur. On partageait beaucoup de jeux, l’hiver lorsqu’on creusait des igloos dans les tas laissés par le chasse-neige, ou au jardin où l’on avait chacune notre petit coin pour cultiver, moi des carottes et elle des fleurs.»

Les sœurs Dittli ont mené leur vie chacune de leur côté dès le gymnase où elles ont chacune développé un goût de l’engagement né de valeurs transmises et partagées, Laura dans le domaine de la musique et Valérie dans les organes scolaires. «J’ai eu la chance de pouvoir bénéficier des expériences de Laura lors de nos études en droit, elle à Neuchâtel et moi à Lausanne, puisqu’elle avait une année d’avance. Elle me donnait même ses notes de cours, confie Valérie. Je me rappelle du jour où elle m’a consultée concernant son ambition d’entrer en politique: je lui ai dit «super idée». Finalement j’ai été élue avant alors qu’elle avait plus d’expérience que moi.»

«Nous n’avons jamais été rivales, peut-être parce que notre éducation nous a poussées à valoriser le mérite de l’autre. Je considère ma sœur comme une amie et un immense soutien. Laura est une battante et elle a toujours été un exemple inspirant.»

«Malgré notre mandat très prenant, nous prenons le temps d’échanger régulièrement. Parfois la distance rend cela compliqué, mais on chérit les moments passés ensemble pour resserrer les liens, comme ces quelques jours de vacances d’octobre en Toscane. Parler politique passe toujours au second plan cela dit. Lorsqu’on se voit, on discute d’abord de nos vies, de nos compagnons, puis de politique s’il nous reste du temps.»

Françoise, Marie-Claire et Martine

80, 86 et 75 ans, retraitées

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© MAGALI DOUGADOS

L’aînée de cette fratrie originaire de Versoix nous accueille dans sa maison au bord du lac, voisine de celle où elle a grandi avec ses quatre sœurs. Jacqueline et Marianne, respectivement deuxième et troisième née, sont décédées. Parfois, le domaine grouille des nombreux enfants et petits-enfants qui se réunissent dans la joie – et le bruit – autour du noyau familial que représentent Marie-Claire, Françoise et Martine. Marie-Claire s’est mariée quand la benjamine avait 10 ans. «Nous n’avons pas vécu les mêmes expériences. J’ai l’impression d’avoir une génération d’écart, songe-t-elle. J’étais responsable et les deux plus jeunes faisaient plutôt sauter le cadre. Et je ne voulais pas voir Martine quand elle est née: encore une sœur!» ajoute l’aînée. «Moi j’ai pleuré quand tu as quitté la maison, lui rétorque sa cadette, mais le point positif c’est que j’ai récupéré ta chambre.»

Ces trois grands-mères racontent avoir été des jeunes filles sages, élevées de la même façon: scoutisme, cours de piano, école privée et beaucoup de jeux dans le grand jardin. «On a grandi en prenant soin les unes des autres, explique Françoise. Une valeur qui nous accompagne encore.»

«Je crois que notre père regrettait de n’avoir pas eu de fils, avance Marie-Claire. Un frère nous aurait quand même aidées à rencontrer des garçons.»

«Pour les gens, notre identité se résumait à des numéros, reprend Françoise. «T’es quel numéro toi?», toujours «la sœur de». Pas facile dans ces conditions de faire sa place.» Alors qu’elles grandissent, les sœurs développent des relations de connivence. En 1993, Jacqueline succombe à une maladie. Puis en 2022, Marianne disparaît subitement. «Je l’avais vue le matin même, se souvient Marie-Claire. C’était si brutal.» «Les perdre a été un véritable arrachement», complète Martine. «Lorsque je m’imagine sans sœur, conclut Françoise, ça me panique.»

Sira, Awa et Binta Ndiaye

20 ans, athlète et étudiante en architecture, judokate, danseuse

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© MARIE-LOU DUMAUTHIOZ

Seul l’œil aguerri de leurs connaissances peut distinguer les triplées du Mont-sur-Lausanne, issues d’une famille nombreuse, puisque la fratrie compte aussi une grande sœur et deux petits demi-frères. Malgré leur physique similaire et le fait qu’on les considère en tant que groupe, Awa appuie: «On est évidemment trois personnes différentes avec chacune son individualité, son caractère et son expérience personnelle.» Ce qui rassemble les sœurs d’abord: «Nous sommes très fusionnelles», explique l’olympienne Binta. «On est tellement en fusion que lorsque l’une d’entre nous pleurait quand on était enfant, les autres l’imitaient», rigole Awa.

«On se considère comme des meilleures amies et on se dispute très peu, reprend Binta. On a grandi dans le même environnement avec les mêmes cercles sociaux et on a étudié dans les mêmes écoles.» Les triplées Ndiaye se souviennent avoir commencé la natation vers l’âge de 6 ans. Puis, chacune se tourne naturellement vers une activité sportive différente: Awa vers l’athlétisme, pour Sira la danse hip-hop et Binta a choisi le judo.

«On se soutient mutuellement et on s’intéresse à la pratique des autres dans une dynamique d’encouragement», souligne Sira, qui mentionne les compétitions de Binta à l’étranger.

La judokate est souvent absente du nid familial où elles vivent ensemble afin de poursuivre sa carrière professionnelle, et désormais parce qu’elle s’est engagée comme recrue dans l’armée suisse. Mais elle n’est pas la seule à avoir quitté le cocon rassurant. «J’ai passé une année en Angleterre séparée de mes sœurs, poursuit Sira. C’était dur d’être seule au début», avoue-t-elle. Heureusement que les groupes de discussion existent sur les réseaux sociaux, canaux qu’utilisent les triplées pour échanger tous les jours. À la question «Est-ce qu’on les compare?» Sira, Awa et Binta répondent par l’affirmative, cela est fait «pour tester notre relation de manière peu bienveillante». Mais en tant que sportives, elles ne voient pas la concurrence d’un mauvais œil. «Cela nous tire vers le haut», conclut Awa.

5 questions à Sandie Ackermann, psychologue et psychothérapeute FSP à Lausanne

FEMINA Que représente une sœur dans la vie d’une femme?
Sandie Ackermann Dans la vie d’une femme, une sœur est un mélange de plein de choses, ni complètement maternelles ou amicales. C’est une autre personne du même genre qui est susceptible d’aider à la différenciation et à la construction de soi par des moments d’agressivité, de jalousie et par des moments réparateurs et bienveillants. La sœur a l’avantage et l’inconvénient de vivre un bout de la même chose que soi, avec une autre position dans la fratrie et un autre tempérament. Parfois, les sœurs se solidarisent face à certains événements, ce qui les rend moins douloureux et plus acceptables.

En quoi une sœur influence la construction de soi?
Le lien fraternel a un rôle important dans le développement d’une personne. L’individu étant confronté à l’autre, cela l’oblige à concevoir des stratégies pour trouver sa place. Les membres d'une fratrie sont finalement tous différents et parviennent ainsi à créer leur monde et leur personnalité pour avancer sur leur propre chemin.

Chez les sœurs, je dirais que plus il y a de femmes dans une famille, plus il sera nécessaire de se différencier. Le rôle des parents est évidemment primordial dans la valorisation de la place de chacune, afin que chaque fille puisse s’accomplir le plus librement possible.

Une fois les relations apaisées, les sœurs peuvent aimer être différentes et en jouer, se compléter parfois. Elles ne sont alors plus rivales et peuvent s’épanouir en étant compétentes dans leurs domaines propres. Nos sœurs deviennent alors une ressource pour nous aiguiller.

Les parents ont-ils un rôle à jouer dans la bonne entente entre sœurs?
Si les parents montrent une bonne coalition parentale, on s’attend à une bonne coalition entre frères et sœurs. Sinon, on pourrait voir un enfant s’allier à l’un des parents et la rivalité augmenter entre membres de la fratrie. Il est important de ne pas essayer de faire la même chose pour chaque enfant afin qu’ils et elles puissent se différencier. Il y a moins de rivalités si les rôles sont distincts, si l’on a chacune des hobbies différents en fonction de ses envies et de son tempérament. En outre, des tâches familiales en fonction des spécificités de chacune rendent les membres de la fratrie plus solidaires et satisfaits de qui ils et elles sont.

Les sœurs rivales, jalouses, c’est cliché?
Oui, mais l’Œdipe (eh oui, encore lui) existe pour les enfants de tous les genres. Les sœurs se disputent pour le père, mais le laisseront plus rapidement à leur mère grâce à leur capacité d’observatrices, qui fait davantage défaut aux enfants uniques. La mère n’est pas l’unique représentation féminine, ce qui peut déplacer la rivalité et la jalousie à d’autres niveaux. Être la préférée, la meilleure aux yeux des parents est l’envie de toute sœur et chez les filles, cela passe plus facilement par la séduction.

Une fois l’Œdipe passé et sa nécessaire phase d’agressivité exprimée par la jalousie, les sœurs peuvent tisser un lien sain. Les récits de rivalité laissent place au soutien et aux «combines secrètes» qui façonnent les belles relations.

Comment évoluent les relations sororales avec le temps?
Les membres d'une fratrie partageront toujours des souvenirs ensemble, qui peuvent, une fois sortis de l’environnement familial, être vécus autrement. Les difficultés rencontrées avec les parents plus tard, comme les décisions liées à la santé, peuvent sensiblement renforcer les liens. Il y a les naissances également, qui font revivre l’enfant blessé mais aussi l’enfant heureux en nous. Nous pouvons ainsi appréhender plus facilement ce qui se jouait dans la fratrie dans notre enfance. L'âge adulte est le bon moment pour des longues conversations entre sœurs sur ce que l’on a (enfin) compris, une fois nos jalousies mises de côté. S’excuser, valider des vécus parfois difficiles, permettront de bonnes «réinitialisations» de liens.

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