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L’Afrique, c’est un rêve d’enfant

Un appel qui remonte à mes 10-12 ans. A l’époque déjà, tout m’attirait: la population noire, la culture, la musique, l’histoire aussi de ces peuples qui ont subi l’esclavagisme et l’apartheid. Le véritable déclic a eu lieu à mes 15 ans, le jour où j’ai entendu, à la radio, une émission sur la construction d’un hôpital à Ouagadougou, au Burkina Faso. J’ai senti que ma place était là. J’ai alors commencé une école d’infirmière avec l’objectif de partir. Mais les chemins de vie sont parfois différents de ce qu’on imagine…

J’ai rencontré mon futur mari pendant mes études. Et mon projet a changé: nous avons fondé une famille. Durant vingt ans, j’ai mis mon rêve de côté, sans en souffrir pour autant: nos trois enfants, notre passion familiale commune pour le foot et mon travail d’infirmière ont bien rempli ma vie. L’Afrique? Elle a évidemment continué à m’accompagner, par le biais de mon engagement dans différentes ONG. Il a fallu attendre 2005 pour que l’appel revienne en force. J’ai rencontré Maggy Baranktisé lors d’une conférence à La Neuveville (BE). Cette Burundaise parcourait l’Europe pour financer un projet d’hôpital. Au terme de sa présentation, elle a invité le public à venir mettre une pierre à l’édifice. Quand je suis rentrée à la maison, j’ai dit à mon mari: «On part!» C’était pour moi une évidence. Un moment grisant: j’allais enfin réaliser mon rêve.

Et nous sommes effectivement partis en famille en 2007. Je me souviens encore de notre arrivée là-bas. La terre rouge, cette odeur si particulière, la générosité des gens… Et ce sentiment indicible d’être à ma place. Nous avons vécu durant un mois dans la région de Ruyigi, à trois heures de Bujumbura, la capitale du Burundi, où nous avons travaillé dans l’hôpital de Maggy encore en plein chantier. Cela a été une expérience très forte.

Match contre les préjugés

Là, au cœur de l’Afrique, nous avons réalisé que le sport était inexistant. Deux voyages plus tard, et forts des amitiés tissées sur place, notre projet est né: promouvoir le sport et la santé dans les écoles burundaises en amenant du matériel sportif récolté auprès des clubs de football suisses. Depuis 2007, nous avons ainsi envoyé des milliers de maillots, ballons et équipements. Le sport peut paraître secondaire face aux problèmes que connaît l’Afrique. Pourtant, grâce à un simple ballon de foot, les enfants apprennent à découvrir les valeurs de solidarité, de discipline. A aller au-delà des discriminations raciales et à vivre ensemble, tout en s’amusant et en se faisant du bien physiquement. Pour moi, c’était inespéré! J’avais ici l’occasion de concilier mes passions: ce continent, le football et mon rôle de soignante.

Par la suite, je suis repartie plusieurs fois seule en Afrique, en tant qu’infirmière, notamment à l’occasion d’une mission médicale itinérante au Sénégal, dans la région conflictuelle de la Casamance. Des aventures dont je suis revenue plus forte, mais aussi plus critique vis-à-vis de notre société, qui gaspille sans penser que notre «surplus» pourrait servir ailleurs.

Et puis, bien sûr, j’ai remis le cap vers la région des Grands Lacs au Burundi et dans le Sud-Kivu (ndlr: République démocratique du Congo) où notre projet s’est rapidement élargi. Sous la bannière d’Un seul but – l’association que ma famille et moi avons créée pour gérer la récolte du matériel sportif, devenue quasi nationale – je rends chaque année visite aux écoles villageoises africaines qui participent à l’action. Cela afin de renforcer les liens, évaluer et développer le concept. Depuis deux ans, je me bats pour que les filles puissent accéder au sport dans les écoles. Cela me tient tout particulièrement à cœur, car là-bas elles sont souvent vues comme «juste bonnes» à faire des enfants et à travailler. Je suis une femme, Blanche de surcroît. C’est important que j’aille sur place pour leur prouver qu’il est possible de vivre différemment.

L’Afrique en plein cœur

A ma grande surprise, le concept s’est également étendu au milieu carcéral. En 2013, j’ai été invitée à la prison centrale de Bukavu, pour promouvoir le sport dans le cadre d’un projet de paix et de réconciliation. La première fois que j’y suis allée, j’étais un peu inquiète, ne sachant pas trop à quoi m’attendre. En voyant tous ces hommes, détenus dans des conditions inhumaines, j’ai eu des frissons. Mais je n’ai pas eu le temps de m’apitoyer sur leur sort tellement on m’a sollicitée, que ce soit pour leur parler des valeurs véhiculées par le sport ou accomplir mon rôle de soignante. J’ai été étonnée de voir à quel point ils étaient réceptifs à ce que je disais: pour eux, le sport est une fenêtre sur le monde, l’opportunité d’oublier un temps leur dure réalité.

Si j’ai déjà eu peur? Jamais. Malgré deux accidents de terrain – mes «stigmates» africains – je me sens chaque fois portée par une force qui me dépasse. Une force qui s’est décuplée en novembre 2013, suite au Forum Educasport auquel j’ai participé à Paris, et qui m’a confortée dans l’idée que ce que je faisais avait du sens. Mais je reste vigilante. Je suis consciente que les régions où je voyage ne sont pas sans danger. Je ne travaille en outre pas seule, partageant beaucoup avec les personnes qui sont sur place. Je ne suis pas celle qui «aide», mais celle qui «collabore avec». Nuance très importante à mes yeux.

L’Afrique est un peu devenue ma deuxième famille. Au Congo, on m’appelle Da Véro, pour «dada» qui signifie «sœur». Tellement proche qu’en Suisse elle envahit notre maison. Certains disent que je suis comme Lotti Latrous (ndlr: humanitaire zurichoise vivant loin de son foyer). Que je délaisse mes enfants pour m’occuper des autres. Pour l’heure, ils ne s’en sont jamais plaints. Ils participent au projet depuis le début. L’association, c’est notre famille. Nous sommes un petit pont entre les deux continents. Mais c’est vrai que j’ai ce sentiment que je terminerai un jour ma vie là-bas. Comment? Je ne le sais pas encore. Pour l’heure, j’apprécie la chance qui m’est donnée. Celle de pouvoir réaliser mon rêve en concrétisant celui d’autrui.

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