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«Je pilote un exosquelette»

Vecu Exosquelette TWIICE 1

Le projet du Poly n’impliquait pas seulement de contribuer au développement d’un squelette externe motorisé, mais demandait aussi que je sois une athlète participant au 1er Cybathlon.

© Twiice

Tout a commencé par un coup de fil, en juillet 2016. L’EPFL cherchait une personne paraplégique sportive, avec un bon sens de l’équilibre, curieuse et sachant gérer son corps pour participer à un programme de recherche sur le développement d’un exosquelette.

Or, je cochais chacun des critères, même celui qui exigeait que le candidat ne soit pas trop grand. En effet, avec mon 1,57 m, j’avais la taille idéale de l’acrobate de cirque que j’avais été, il y avait neuf ans de ça, avant qu’un accident de trapèze ne me sorte de la piste, pour de bon.

Encore mieux

Je n’avais pas la moindre idée de ce qu’était un exosquelette, mais cette proposition arrivait à un moment particulier. Je faisais du paracyclisme dans l’équipe d’Allemagne et m’apprêtais à m’envoler pour les Jeux paralympiques de Rio.

Meilleur temps mondial au marathon de ma catégorie et coupe du monde en poche, j’avais tout pour être sélectionnée, lorsque, patatras! des bisbilles internes m’ont brutalement mise sur la touche.

C’était dur, mais trois jours avant l’appel de l’EPFL, je disais encore à un ami que si le Brésil se refusait à moi, c’est que la vie me réservait quelque chose de mieux encore. Oui, j’aime croire que mon existence est guidée et que tout a une raison. Mais là, c’était vraiment fou, car le projet du Poly n’impliquait pas seulement de contribuer au développement d’un squelette externe motorisé, mais demandait aussi que je sois une athlète participant au 1er Cybathlon, une compétition centrée sur les technologies venant en aide aux handicapés.

Mes jambes se dérobent

Reprendre la compétition avec une équipe aussi motivée à obtenir un bon résultat m’a énormément reboostée. Le travail était énorme, mais grâce à mes heures quotidiennes de vélo à bras, j’étais prête physiquement. En tout cas, c’est ce que je croyais.

Je suis arrivée gonflée à bloc, décidée à tout donner pour une médaille. Ce fut une grande déception. Le prototype initial exigeait une participation physique énorme et je n’arrivais pas à tenir en équilibre dessus. Je vivais assise depuis si longtemps que, debout, ma tête tournait. C’était comme être posée sur des échasses télécommandées qui se dérobaient sans cesse. Si je ne leur avais pas donné ma parole, je crois bien que j’aurais tout lâché!

Une équipe soudée

Finalement, j’ai accumulé les séances et de meilleures sensations se sont installées. Par ailleurs, les ingénieurs travaillaient sans arrêt à améliorer les choses. Après chaque entraînement, on débriefait: moins de saccades, départ plus lent, me pencher plus en avant, mieux placer ma tête… ils étaient hyper-réactifs.

Je leur disais une chose et le lendemain, c’était modifié. Parfois, ils travaillaient la nuit pour que nous puissions tester une nouveauté le matin suivant. En trois mois, nous avons vaincu tous les obstacles prévus pour la compétition et nous sommes devenus une équipe incroyablement soudée. Les mouvements prévus sont programmés dans l’ordinateur que je porte sur le dos. Je les choisis et les déclenche en pressant une gâchette. Les moteurs se mettent alors en route et j’avance.

Durant le Cybathlon, il s’agissait de monter une rampe, slalomer, marcher sur des pierres, sur un terrain de biais ou descendre des escaliers. Nous sommes arrivés confiants, mais quelques minutes avant le départ, la carte mère de l’ordinateur est tombée en panne. Le temps de la changer et la deuxième grillait aussi. Il a fallu la réparer sur la ligne de départ.

Ensuite, l’exosquelette marchait par à-coups, avec des délais de latence, mais arrivés au sommet des escaliers – le dernier obstacle – nous étions en tête! C’est là que la machine s’est subitement arrêtée, à cause des ondes électromagnétiques des caméras environnantes. Impuissante, j’ai vu les autres concurrents me dépasser un à un. Nous sommes tout de même arrivés en finale et avons décroché la 4e place.

Depuis 2016, l’exo a beaucoup évolué. Les moteurs sont plus puissants et plus petits. Désormais, je n’ai plus besoin de monter les escaliers en me tirant à la force des bras sur la balustrade. Je peux aussi m’y installer toute seule. En outre, depuis peu, il dispose de semelles souples, ce qui améliore la marche et permet de descendre une rampe de face. Enfin, l’ordinateur est maintenant blindé contre les ondes. Il y a quelques semaines, nous avons d’ailleurs gagné la 2e place de la seconde édition du Cybathlon.

Le cirque, à nouveau

Le futur, c’est une nouvelle équipe, qui va remplacer les doctorants actuels et, sans doute, la mise sur le marché d’une version grand public de Twiice, petit nom de la machine. Elle peut désormais être adaptée à chaque morphologie et rétablit son équilibre automatiquement.

Par ailleurs, assister debout à certains événements de la vie, c’est être avec les autres et non plus coincé en bas, entre les gens. Ça change tout! De mon côté, j’ai repris le paracyclisme, avec l’équipe de Suisse cette fois, et je me prépare pour les Jeux de Tokyo, qui devraient avoir lieu l’an prochain.

Surtout, j’ai redécouvert durant le confinement de ce printemps que j’avais cette capacité à me mettre en équilibre sur les mains, comme avant mon accident. Je voyais ça comme un exercice de fitness, mais après avoir partagé une vidéo en ligne, le Cirque de Noël m’a contactée en me demandant si je ne voulais pas les rejoindre.

J’ai alors préparé un numéro, avec musique et chorégraphie, que j’ai présenté lors de quelques soirées privées, avant que le Covid n’arrête de nouveau tout. Je tremblais comme une feuille au moment d’entrer en scène. Mais dès que je me suis mise sur les mains, j’ai ressenti une grande paix. J’étais de retour à la maison!

Et puis, l’accueil du public m’a donné confiance: c’était possible, ce n’était pas une illusion, j’ai la possibilité de retourner dans ce milieu dont la vie m’avait fait sortir. Je construis un pont sur la route commencée il y a treize ans. Bon… il y a eu quelques virages, mais c’est encore la même route!

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