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«Je donne de la voix aux marionnettes»

Photo corinne sporrer vecu Sophie Marionnettiste

Sophie en compagnie de la marionnette inspirée de sa grand-mère.

© Corinne Sporrer

J’ai passé plus de temps à fabriquer des marionnettes que n’importe quelle autre activité professionnelle. Quand j’étais petite, parmi les métiers qui m’intéressaient il y avait trapéziste, facteur… j’ai toujours eu un attrait pour les arts visuels et le spectacle. Pourtant, au moment de déterminer une formation, j’ai opté pour le droit avec l’idée de faire carrière. Après mon diplôme, j’ai fait un stage dans une étude et je me suis rendu compte que je ne voulais pas continuer dans cette voie. J’avais l’impression qu’on ne pouvait qu’apporter une solution financière aux problèmes.

J’ai terminé ma formation très jeune, à l’âge de 20 ans. Du coup, lorsque j’ai choisi cette filière je ne me rendais pas compte de ce qu’elle impliquait. Mon orientation vers les marionnettes n’est finalement pas si radicale. Je faisais de la sculpture en fil de fer au moment de mon stage déjà. Et comme je n’ai pas continué dans cette direction, je me suis dirigée vers l’enseignement en me disant que je continuerais la sculpture en parallèle. Je suis donc retournée aux études et ai obtenu un diplôme en droit et économie à la HEP.

De fil en aiguille

J’ai un fils de 13 ans et, en 2010, alors qu’il était petit, j’ai décidé d’animer des ateliers créatifs pour enfants. J’avais envie d’ouvrir un espace où ils seraient hyper-libres de créer. Dans ce domaine, il n’y a pas de juste ou de faux, ce qui permet une prise de confiance applicable à d’autres champs. Forte de ce bagage pédagogique, j’ai commencé à organiser des activités dans mon salon. On a fait de la peinture, de la sculpture en fil de fer, des totems en carton… et je me suis demandé ce que je pourrais encore trouver qui pourrait plaire aux enfants. L’idée m’est alors venue de construire des marionnettes. En fait, ça m’a vachement plu à moi aussi, mais je ne m’attendais pas à rester dedans jusqu’à maintenant! Je me suis formée ici et à l’étranger et je continue à me perfectionner. Aujourd’hui, je travaille sur différents types de projets, comme des mandats pour fabriquer des personnages ou des masques pour des expositions. Certains musées me contactent pour animer des ateliers avec des enfants.

Je donne aussi des cours aux petits et aux grands pour apprendre à réaliser des marionnettes. Je crée aussi des spectacles pour lesquels je fabrique les personnages, le décor, je joue et compose même, parfois, les musiques. J’adore travailler de cette façon, c’est très intense.

Un spectacle naît de différentes manières. J’écris des textes, puis vient la sculpture d’une marionnette. C’est le cas d’un one-woman-show pour adultes que j’ai écrit durant 3 ans. Il s’appelle 3,84 tonnes de rencards et parle de mes rencontres avec les hommes. De façon humoristique, j’y recense les trucs incroyables qui me sont arrivés. Je crée aussi des personnages sur mesure pour un scénario précis. Parfois, je sculpte une figurine qui ne jouera peut-être jamais ou alors l’histoire vient de la marionnette. Selon la technique utilisée, la fabrication peut prendre jusqu’à trois semaines, voire un mois.

Les tests de manipulation prennent aussi du temps, car ils impliquent souvent des modifications. Par exemple, fixer le regard est très important. Alors je filme ou j’observe à l’aide de grands miroirs. Une fois ces aspects maîtrisés, c’est comme un instrument de musique, on n’a plus besoin de regarder, car on sait comment il fonctionne. Certains effets possibles grâce aux marionnettes ne le seraient pas au théâtre.

Une partie de mon corps peut notamment devenir une marionnette, comme mon cœur, si je veux le faire parler. Je peux également faire naître et mourir des personnages sur scène, effectuer des changements de taille…

Elles imposent leur propre personnalité

Pour mon tout premier spectacle, lors d’une répétition, une semaine avant la première, ça sonnait creux. Un peu désespérée, j’ai regardé ma marionnette, Momo, et il m’a soufflé que tout allait bien se passer. L’espace d’un instant, je me suis comme connectée à lui et sa personnalité est ressortie. Une fois que j’ai l’univers et que j’ai compris à qui je donne de la voix, je n’ai plus de soucis de jeu. On dit qu’on manipule les marionnettes, alors que j’ai l’impression qu’elles ont une sorte de vie propre. C’est ce que je trouve intéressant dans ce travail, se laisser porter par le personnage. Le regard ou l’interaction que les gens peuvent porter sur une marionnette va également aider à fixer son caractère. Ainsi, on affine l’attitude juste du jeu.

Le temps de maturation de certains projets est difficilement quantifiable. On y réfléchit passivement, mais c’est toujours en toile de fond. Tout à coup, c’est mûr et il faut passer à l’action. J’ai l’impression que les histoires qu’on raconte sont toujours un écho à quelque chose de personnel. C’est seulement au moment où je travaille l’histoire que je réalise qu’inconsciemment je ne l’ai pas choisie par hasard. Avec ce travail, j’apprends beaucoup sur moi. Récemment, lors d’un stage, j’ai sculpté ma grand-mère quasi grandeur nature et je me suis reconnectée à mon enfance à travers quelqu’un qui a eu de l’importance dans ma vie. D’ailleurs, l’idée d’un spectacle autour de ma grand-mère fait son petit bonhomme de chemin.

La marionnette va chercher là où c’est juste. De plus, il y a la confrontation avec la matière. De temps en temps, on a une idée précise de ce qu’on veut fabriquer et finalement on obtient un résultat différent. Il faut un certain lâcher-prise pour accepter l’indépendance des mains.

Quelquefois, on a des surprises et on peut aussi accueillir les erreurs qui se présentent. Lors de mes ateliers avec des adultes, ils viennent souvent par curiosité, parce que ça leur rappelle leur enfance, mais ils arrivent aussi avec beaucoup d’appréhension. Pourront-ils créer de leurs mains? J’aime défaire les nœuds qu’ils peuvent mettre à leur créativité. Au final, c’est très valorisant de voir qu’on est capable de créer un personnage, beau ou pas, ça n’a pas d’importance. C’est une façon de se reconnecter à soi-même.

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