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«J’ai vécu un mois dans l’aéroport de Zurich»

Temoignage jai vecu un mois dans laeroport de zurich

«Jamais je n’avais pensé à quitter mon pays et ceux qui me sont chers, surtout de cette manière. Je ne savais rien du lieu où je me trouvais et j’avais toujours peur qu’on me retrouve. Cela m’a aidé d’être croyante, j’ai beaucoup prié.»

© DR

Alors que je travaillais comme journaliste dans un journal étatique dans mon pays d’origine d’Afrique centrale, j’ai reçu l’opportunité de partir suivre une formation de trois semaines aux Etats-Unis grâce au programme d’une institution locale. A trois jours du départ, je découvre que mes supérieurs tentent d’annuler mon voyage, car ils préfèrent envoyer une personne proche du parti au pouvoir. Pour justifier leurs actes, ils suggèrent alors que j’ai des intérêts politiques particuliers avec les Etats-Unis. En clair, je suis soupçonnée d’espionnage.

J’ai eu la chance extraordinaire d’avoir été avertie par un ami des menaces qui pesaient sur moi et qui me dit: «Si tu as les moyens, fuis le pays!» Dans un contexte politique où le régime fait disparaître les dissidents, j’ai pris cet avertissement au sérieux. Je me suis enfuie sur-le-champ vers le pays voisin. Toujours en possession d’un visa et la peur au ventre, je décide alors de prendre un avion pour les Etats-Unis. Je me sentais poursuivie, je me voyais morte, je devais partir. J’étais seule et perdue.

Une longue attente

Le vol faisait escale à Zurich. Lors du transit, je suis arrêtée. On m’informe que mes papiers ne sont plus en règle, que mon visa a été annulé. Je réalise alors à quel point mon affaire est prise au sérieux dans mon pays. Je ne peux plus continuer mon trajet vers les Etats-Unis.

On m’annonce que je dois rentrer chez moi, mais je ne peux pas retourner d’où je viens, c’est hors de question, je sais que ma vie en dépend. J’ai alors fondu en larmes. Je ne savais pas quoi faire, j’étais seule dans cette zone internationale et personne pour m’aider.

J’ai alors été mise en contact avec les services de l’immigration. On m’installe dans une toute petite salle, je suis intégralement fouillée, interrogée, on prend mes empreintes, cela a duré toute une journée. Je suis ensuite escortée dans une autre zone de l’aéroport, une sorte de centre où d’autres gens attendaient aussi. Il y a des lits, on m’en désigne un et on me donne le nécessaire pour mon séjour. C’est alors que commence une longue attente. Les interrogatoires se poursuivent, on me demande de fournir des preuves de mon histoire. Moi et d’autres personnes dans mon cas pouvions nous promener dans certaines zones de l’aéroport. Une fois par semaine on venait nous chercher pour sortir prendre l’air sur une terrasse.

Une fois par semaine également, la Croix-Rouge nous prêtait des téléphones pour contacter nos proches. Le reste du temps, on ne pouvait normalement pas se connecter à internet, mais quand les passagers prenaient les codes aux bornes pour se connecter au wi-fi de l’aéroport, je me débrouillais pour récupérer discrètement leur reçu et me connecter après eux. Je pouvais ainsi me renseigner sur ce qui se passait chez moi et récolter les preuves exigées. Pendant des jours et des jours je n’ai pas su ce qui m’attendait. Jamais je n’avais pensé à quitter mon pays et ceux qui me sont chers, surtout de cette manière. Je ne savais rien du lieu où je me trouvais et j’avais toujours peur qu’on me retrouve. Cela m’a aidé d’être croyante, j’ai beaucoup prié.

Seule… vraiment seule

Un jour, tout à coup, après un mois passé dans l’aéroport, un employé de ce centre m’a annoncé que j’allais partir. J’ai emballé ce que j’avais et quelqu’un m’a accompagnée jusqu’à la gare. Il m’a laissée avec un billet de train et un itinéraire vers une destination inconnue à plus de deux heures de là. J’ai compris plus tard que c’était en Suisse romande. J’ai demandé à ce monsieur: «Vous me laissez seule?» Il m’a répondu que c’était comme ça que ça se passait, qu’il avait seulement pour mission de me laisser à la gare et il m’a dit au revoir. Je n’avais jamais pris de train, je me retrouvais dans une nouvelle situation où je devais me débrouiller. On m’avait rendu mon téléphone, mais il n’était pas connecté.

Heureusement, toutes les personnes que j’ai rencontrées ce jour-là ont été très gentilles et m’ont aidée à trouver le bon train, à comprendre les connexions et les changements pour arriver à destination. Quelqu’un m’a même accompagnée jusqu’à la bonne voie.

J’ai eu de la chance, je ne me suis pas perdue. J’ai finalement pu arriver à l’adresse mentionnée, un centre d’accueil. J’ai par la suite été transférée dans un autre centre encore où j’ai passé plusieurs mois avant de recevoir une décision favorable à mon établissement en Suisse.

Formée à un autre métier, je travaille aujourd’hui en EMS. Je reste très traumatisée par ce qui m’est arrivé et la peur est toujours présente, même ici. Je ne peux pas témoigner à visage découvert, car je crains des représailles contre mes proches restés au pays. Je ne sais pas si je pourrai à nouveau exercer le métier de journaliste, mais j’espère pouvoir m’apaiser un jour et me reconstruire petit à petit.

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