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J’ai rejoint l’Irlande avec mes deux chevaux

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Sans «Praline», je crois que nous ne serions jamais arrivés au bout...

© Sophie Brasey

Gamine, j’avais déjà la tête dure. J’ai toujours été un peu rebelle et mes amis me connaissent comme une fille solitaire qui n’a peur de rien.

Objectif, l’Irlande

L’envie de tout quitter pour découvrir le monde sac au dos avec mon cheval m’est venue quand j’avais 15 ans. Je venais de perdre mon père et vivais une période très difficile. Depuis, l’idée ne m’a jamais lâchée. Mon apprentissage d’assistante vétérinaire et l’achat de mon cheval «Dardo», c’était dans le but de concrétiser ce rêve. J’en parlais tout le temps, au point que les gens me présentaient comme «la fille qui va partir à cheval un jour».

Mon objectif, c’était l’Irlande, pour pouvoir y séjourner et apprendre l’anglais, faisant ainsi d’une pierre deux coups. Et puis c’est aussi le pays des chevaux…

Ce printemps, alors que je cherchais encore un cheval de bât pour porter le matériel, une amie m’a proposé de me prêter «Praline», sa jument. D’un coup, tout se mettait en place. Alors là, je me suis dit: départ!

Le 15 juillet en début d’après-midi, tous mes amis étaient là. Ça a été un moment extrêmement intense. J’avais à peine franchi dix mètres que les larmes me sont montées, moi qui ne pleurais jamais! Mais bon, personne n’a rien vu, je crois… Les deux premiers jours ont été les plus pénibles, moralement. Je me demandais soudain dans quoi je m’étais embarquée.

Durant toute la préparation, jamais je n’avais eu de craintes quant aux éventuels dangers, je n’y pensais même pas. Et voilà que toutes les mises en garde et inquiétudes de mon entourage se mettaient à tourner en boucle dans ma tête. Deux jours de lutte intérieure contre l’envie de tout laisser tomber! J’essayais de me raisonner, de me convaincre qu’après toutes ces années passées à en parler je ne pouvais pas abandonner comme ça! Je pensais à tous les soutiens que j’avais reçus… Je me suis donc accrochée. Et, à peine franchie la frontière française, j’ai senti un apaisement. Voir que j’avais accompli une telle distance en seulement 48 heures m’a rassurée.

Mais qu’est-ce que je leur fais faire?

Nous parcourions vingt à trente kilomètres par jour, sans pression inutile. J’avais planifié le trajet dans ses grandes lignes; pour les détails, je me laissais surtout guider par les conseils des gens rencontrés en route. En général, après une vingtaine de kilomètres je commençais à chercher un endroit pour la nuit. J’allais frapper à la porte des écuries ou des fermes, je demandais aux gens s’ils voulaient bien nous prêter un coin de pré ou un box pour la nuit. Souvent, en apprenant d’où je venais et où j’allais, ils m’invitaient à manger et dormir chez eux. J’ai rencontré des personnes vraiment magnifiques! Je ne m’attendais pas à ça. Parfois même je restais plusieurs jours: mes chevaux et moi nous nous reposions. Pour moi qui n’avais jamais craint la solitude, voire qui la cherchais, c’était étrange: je réalisais que ces rencontres m’étaient devenues essentielles. Et j’ai eu de gros coups de blues, certains soirs, lorsque je tombais sur des gens beaucoup moins sympas et qu’il me fallait batailler pour un verre d’eau ou un petit coin de pré. Il m’est arrivé de dormir dans l’écurie mais, ça, ça ne me dérangeait pas: j’aimais rester près de mes compagnons de route.

A force de passer toute la journée avec les chevaux, une relation très forte s’est installée entre nous. Durant notre périple, je devais garder en permanence un œil sur eux pour m’assurer qu’ils ne mangent pas n’importe quoi et veiller à ce qu’il ne leur arrive rien. En fin de journée, mon principal souci était de trouver à boire et à manger pour eux et un bon endroit où ils pourraient passer la nuit. Ils me donnaient tellement! Je ne voulais surtout pas les dégoûter. Certains jours plus difficiles, je me demandais avec angoisse: «Mais qu’est-ce que je leur fais faire?» Lorsque je ressentais la fatigue ou le découragement, je me disais que j’avais choisi cette situation et que je n’avais pas à me plaindre. Mais eux, ils n’avaient rien demandé!

«Dardo», qui est un cheval assez peureux, était perdu loin de ses repères. Il lui a fallu deux semaines pour trouver son rythme. «Praline», elle, c’était tout l’inverse: j’avais à peine le temps de poser la charge sur son dos qu’elle se mettait en route; peu importaient les obstacles, rien ne l’effrayait. «Praline», c’était le moteur de l’équipage. Sans elle, je crois que nous ne serions jamais arrivés au bout. Même si elle marchait derrière, elle donnait à «Dardo» la force d’avancer. Ces deux-là sont inséparables. Déjà, avant de partir, ils étaient toujours fourrés ensemble. Ils sont amoureux, sérieux!

Je suis humaine, finalement

Voyager avec les chevaux m’a permis de vivre des moments magiques: je garde gravées en tête des images de paysages fabuleux, des forêts immenses où nous croisions des chevreuils, et même un cerf, une fois! C’est pour vivre cela que j’étais partie. Mais il y a eu aussi des jours éprouvants au cours desquels nous ne pouvions éviter de marcher des heures sur le goudron, parfois sous la pluie… Je rêvais alors de tomber sur des gens accueillants, le soir, pour trouver un peu de réconfort.

Pile deux mois après notre départ, nous sommes arrivés à Cherbourg, avant-dernière étape du voyage. C’est là que j’avais prévu de prendre le ferry pour rejoindre l’Irlande. Face à la mer, j’ai été envahie par une foule d’émotions, un mélange de joie, de fierté et de soulagement. Les chevaux me regardaient bizarrement.

Un expérience bénéfique

Poser le pied en Irlande a été un autre moment fort. Ensuite, les choses ne se sont pas déroulées comme prévu: impossible de trouver un endroit pour m’accueillir avec mes deux chevaux. J’ai contacté trente écuries et essuyé autant de refus. Comme les chevaux avaient besoin de repos, et moi aussi, j’ai décidé de rentrer en Suisse. J’avais réalisé mon rêve de rejoindre l’Irlande à cheval, c’était ce qui comptait. J’avais pu prouver que, malgré les difficultés, j’étais capable de mener à bien un tel projet. C’était important pour moi. Et puis je l’ai fait aussi pour mon père, que j’ai senti présent durant tout le trajet.

Ce voyage a été une expérience très forte. Intérieurement, il m’a changée. Avant de partir, rien ne me faisait peur, je croyais être indémontable. J’ai réalisé que, finalement, non, je n’ai pas la tête si dure que ça. Je suis humaine! Et un jour, je vais repartir, c’est sûr… J’en ai besoin.


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