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«J’ai quitté l’Irlande pour m’établir en Suisse»

«J’ai quitté l’Irlande pour m’établir en Suisse»

«Par-dessus tout, j’ai l’ennui du fun à la sauce irlandaise. Dans mon pays, l’humour se glisse dans toutes les conversations ou presque.»

© Corinne Sporrer

J’ai toujours su qu’un jour j’habiterais dans un pays francophone, c’était mon rêve depuis toute petite. J’adore la langue française: n’est-elle pas la plus belle du monde? Plus jeune, je n’ai pas eu l’opportunité de beaucoup voyager à l’étranger. Si bien que lorsque l’occasion s’est présentée, mon mari Fergal, ma fille Saoirse et moi n’avons pas hésité une seconde à quitter notre Irlande natale pour rejoindre les rives du lac de Neuchâtel. Étant consultante en qualité dans le milieu pharmaceutique, les opportunités de travail intéressantes ne manquaient pas. Et c’est ainsi que nous avons déposé nos bagages en juillet 2018.

Après avoir vécu en Irlande et en Angleterre, il était important pour nous d’expérimenter une nouvelle culture, de découvrir de nouvelles traditions. C’est une ouverture d’esprit que nous souhaitons transmettre à notre fille. Mais les choses n’ont pas été si faciles… Avant de débarquer, j’étais persuadée d’avoir un très bon niveau de français. Mais j’ai vite déchanté: je n’étais plus aussi insouciante qu’à 20 ans, j’avais peur de mal m’exprimer, de faire des fautes, je n’osais pas parler. Un comble pour moi, qui suis pourtant d’une nature très sociable! J’ai dû me faire violence et sortir de ma zone de confort. Et c’est en côtoyant nos voisins ainsi que les gens du quartier que j’ai peu à peu repris confiance et osé me familiariser avec la langue. Ils ont été admirables et n’ont pas ménagé leurs efforts pour nous intégrer, j’ai vraiment été bluffée par cet élan de gentillesse.

In love with Neuchâtel!

Je suis immédiatement tombée sous le charme de la Suisse, et de Neuchâtel en particulier. Il y a beaucoup de similarités entre Cavan, la ville où j’ai grandi, et mon nouveau chez-moi. Le lac, les paysages, l’atmosphère me reconnectent souvent à l’Irlande. Je me sens si chanceuse d’habiter cette région. L’atmosphère est calme et relaxante, la vie culturelle hors Covid très enrichissante. Par contre, il nous a fallu du temps pour briser la glace avec les habitants et nous faire de nouveaux amis. Les gens sont bien plus timides et réservés qu’en Irlande, le contact est plus difficile à établir. La langue, ainsi que l’accent irlandais, sont des barrières qui se dressent souvent sur mon chemin. Je m’étais dit qu’en quelques semaines, je me serais acclimatée.

Mais il m’a fallu presque un an pour me sentir vraiment «à la maison», connaître de nouvelles personnes et comprendre tous les rouages administratifs. Pour autant, je me suis accrochée: il n’était pas question de rentrer en Irlande.

Le plus difficile? Ne plus avoir de contacts quotidiens avec ma famille et mes amis. Et la nourriture me manque, bien sûr! On retrouve certaines choses ici, mais pas mon Irish Brown Bread, un pain foncé au bicarbonate de soude, ainsi que les fameuses chips Tayto aromatisées au fromage et à l'oignon ou le chocolat Dairy Milk. Il n’est probablement pas aussi bon que celui que nous trouvons en Suisse, mais il me donne l’impression de savourer un morceau d’Irlande lorsque je croque dedans. Je donnerais cher également pour me rendre dans un chipper: Dans chaque bourgade, on trouve ces take-away spécialisés dans les frites à tous les coins de rue. Par-dessus tout, j’ai l’ennui du fun à la sauce irlandaise. L’humour se glisse dans toutes les conversations ou presque. On l’appelle craic, c’est une notion fondamentale dans notre culture. C’est un sentiment très agréable qui permet de rendre le quotidien un peu plus léger.

Les cafés et les pubs occupent une place centrale dans nos vies au pays. Par chance, Neuchâtel compte de nombreux tea room ainsi qu’un pub, le QG de mon mari lorsqu’il est en manque de Guiness. Il est plutôt pénible avec sa bière fétiche, il faut qu’elle soit servie d’une certaine manière. Et par chance, les gérants de ce bar maîtrisent cet «art»! A Dublin, il est tellement facile, hors période Covid, de sortir ainsi et de socialiser avec de nouvelles personnes. Tout le monde se salue, est prêt à engager la conversation. J’ai retrouvé cette atmosphère à Berne, par exemple, une ville que j’apprécie également énormément.

Une distance difficile à vivre au quotidien

La période est difficile à vivre pour tout le monde, elle rend la vie des expatriés comme nous bien moins insouciante. Ne pas savoir quand est-ce que l’on pourra à nouveau rendre visite à nos proches en Irlande est dur à vivre. Nous avons pris l’habitude d’échanger en nous envoyant des cartes, de petites lettres. J’ai l’impression que l’on se livre davantage ainsi qu’en postant un simple message sur les réseaux sociaux. J’essaie de me focaliser sur les bons côtés: le Covid m’a aussi donné l’opportunité de me reconnecter à certains amis d’enfance.

Et nous nous sommes rapprochés de nos voisins, avec lesquels nous partageons des pâtisseries ou quelques verres, pris sur terrasses interposées. Cela réchauffe le cœur en ce moment.

Mon mari travaille en Suisse alémanique, nous avons beaucoup de contacts avec des personnes issues de nombreux pays différents. Et j’adore cet environnement multiculturel, si enrichissant. Mais en même temps, j’ai peur de perdre quelque peu ma langue maternelle, le gaélique, et de ne pas pouvoir la transmettre à notre fille. Je suis très patriotique, et je m’efforce de cultiver certaines traditions irlandaises. Noël, par exemple, est essentiel pour moi. Je cuisine énormément, je prépare un christmas pudding composé de fruits épicés et d’une touche de whisky, j’en envoie également à ma famille. Ce n’est pas toujours évident de m’adapter aux produits suisses. La farine, par exemple, a été un vrai casse-tête à apprivoiser. J’adore organiser de petites fêtes à la maison, durant lesquelles on écoute du rock et, parfois, on se met à balancer au rythme des danses traditionnelles irlandaises. Cela fait des miracles lorsque j’ai le mal du pays! La musique occupe une grande place dans nos vies. Mon mari est bassiste dans un groupe, leur dernier album comprenait une chanson intitulée The Bells of Neuchâtel, en l’honneur de notre ville d’adoption.

Je suis de plus en plus attachée à mon pays d’adoption, mais j’ignore si j’y vivrai toute ma vie. Je n’arrête pas de me poser cette question en ce moment. Ce qui est certain, c’est que quitter la Suisse risque de nous briser le cœur. Tous les trois, nous nous épanouissons dans notre ville et nous nous sentons de plus en plus à l’aise. Ce pays est devenu notre second «chez nous».

Vivre en Suisse me donne l’opportunité de tenter sans cesse de nouvelles expériences, des activités que je n’aurais jamais pu pratiquer en restant en Irlande. L’été passé, je me suis mise au paddle sur le lac. Et cet hiver, j’ai testé le ski pour la première fois! Parfois je me dis que je suis un peu folle: je regardais les gens dévaler avec élégance les pistes, j’avais l’impression que c’était tout à fait à ma portée. Mais pas du tout, malheureusement (rires)! Tout le monde me dévisageait et semblait désolé pour moi. Les Suisses sont tellement à l’aise sur la neige, c’était embarrassant.

J’adore me lancer ce genre de défis. Grâce à ce nouveau départ, sortir de ma zone de confort est définitivement devenu ma nouvelle philosophie de vie.

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