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Cela s’est passé il y a deux ans

Nos jumelles Juliette et Louise avaient 2 ans et demi, Eliott 4 ans, Eva 11 ans. Avec Nicolas, mon compagnon, nous sortions de cette période difficile avec des jumeaux. Après la naissance des filles, j’avais senti qu’un autre enfant pourrait venir. Pour Nicolas, en revanche, il était suffisant d’avoir trois enfants à lui et un enfant de ma relation précédente. Quand je suis tombée enceinte, nous avons été très surpris puisque notre contraception était sûre… Moi, j’étais ravie, alors que Nicolas pensait que nous n’avions pas les ressources pour l’accueillir. Il était même envisageable pour lui qu’on ne le garde pas. Je ne m’attendais pas à cette réaction. On s’est retrouvés dans une situation tendue… Peut-être parce que Nicolas n’en voulait pas, moi, j’étais très investie de cet enfant. Je le sentais avec force. J’ai rapidement eu des espèces de conversations silencieuses avec lui. Quelque chose communiquait naturellement, ce qui n’était pas arrivé avec mes autres enfants. Du moins pas si tôt.

Un jour, je me suis mise à saigner

Ça a été la panique. Je suis allée à l’hôpital avec Nicolas, l’échographie a montré que tout était normal, le bébé se portait bien. Mais cette alerte a transformé les choses. Nicolas s’est tout à coup senti très impliqué. L’éventualité de perdre l’enfant devenait impensable pour lui aussi. A partir de là, il a été plus attentif. Même si l’appréhension est restée.

Quelque temps plus tard, nous sommes allés au contrôle du premier trimestre. La gynécologue a fait l’échographie, et là, elle a constaté que mon bébé était mort. Il avait 14 semaines. Pour moi, ça a été un choc. Mais le plus étonnant, c’est qu’il paraissait tranquille dans le bas de mon ventre, comme s’il était dans un cocon. Je me sentais abandonnée par lui mais il y avait cet énorme réconfort de voir que c’était serein. Nicolas, lui, était très triste.

Là, tout s’est déroulé comme dans un prospectus

Phase 1: on accueille la maman et ses pleurs. Phase 2: on appelle l’hôpital pour qu’elle puisse subir un curetage dans les heures qui suivent et, ainsi, vite se débarrasser du problème. Alors que, pour moi, vivre encore un petit moment avec mon bébé, c’était comme pouvoir le bercer au creux de mon être. La gynéco m’a dit de me rendre à l’hôpital le lendemain. En sortant, au restaurant, j’ai dévoré un steak avec mon appétit de femme enceinte. Et tout à coup, je me suis dit: «Je n’ai pas besoin de faire ce curetage!» Je pouvais garder mon bébé quelques jours sans risque de septicémie, j’en étais sûre. Je pouvais attendre que mon corps l’évacue par lui-même. J’ai appelé la gynéco pour savoir de combien de temps je disposais. Elle a été très surprise, n’a pas pu me donner de réponse précise, mais m’a fortement encouragée à me rendre à l’hôpital le lendemain.

Je me suis alors renseignée auprès d’une sage-femme

Elle m’a conseillé de rester attentive sans pouvoir me fournir de délai. Je me suis donnée dix jours. Pendant ces dix jours, j’ai vécu avec le bébé sans aucun sentiment de morbidité. J’ai côtoyé une petite mort au creux de mon être. Une expérience unique. Le 9e jour, il n’était pas parti… Je désespérais car je n’avais aucune envie de subir une intervention. Mais j’ai dû accepter que je ne pouvais plus attendre, la situation devenait dangereuse pour moi.

Nicolas et moi sommes allés à l’hôpital le jour suivant. L’attente a été interminable. Finalement, ils m’ont donné un ovule pour ramollir le col, ce qui a provoqué un accouchement. J’ai commencé à avoir des contractions. J’étais courbée en deux, c’était insoutenable! Evidemment, j’ai eu besoin de pousser. Je suis allée aux toilettes et il est sorti. Un tout petit être… si petit et parfait. Je l’ai pris dans la paume de ma main. Nicolas était avec moi, il l’a tenu aussi. Cet instant d’une grande profondeur a soudé notre couple. L’obstétricienne est venue, elle a respecté ce moment-là. Mais je savais qu’ils allaient nous le prendre et ne pas nous le rendre. J’ai laissé faire. Ils ont mis le bébé dans du formol et nous ont demandé si on voulait une autopsie. On a répondu que non mais que l’on souhaitait le récupérer pour l’enterrer à notre manière. La gynéco nous a dit que c’était illégal. Elle n’entrait pas en matière. Nous, on voulait simplement le remettre à la terre, sinon il allait être brûlé avec tous les déchets humains…

Notre combat pour le récupérer a commencé

Aux pompes funèbres, on nous a déclaré qu’on ne pouvait pas faire incinérer un être de ce gabarit. C’est une question de poids, et à 3 mois, un bébé n’est pas considéré comme tel. On aurait pu le mettre dans un cercueil au cimetière, mais cette solution nous semblait démesurée. On se retrouvait devant un vide juridique mais on n’allait pas abandonner, il nous fallait le récupérer. On a appelé le service de la Santé publique du canton de Vaud qui nous a dit: «Il n’y a pas de solution.» J’étais très choquée et hors de moi! On nous privait du droit fondamental de prendre soin d’un être aimé. Puis j’ai appelé la femme qui a créé un jardin du souvenir pour les morts périnatales à Yverdon. Elle nous a orientés vers le crématorium de Neuchâtel, qui a été d’accord d’incinérer notre bébé. Mais impossible d’aller le chercher nous-mêmes… Les pompes funèbres de Morges l’ont apporté au crématorium. J’ai récupéré les cendres, signé les papiers, et on en a profité pour le nommer Benjamin car on était presque sûrs que c’était un garçon.

Un dimanche très venteux et pluvieux, on s’est mis autour de la table avec les enfants et on a dessiné une œuvre collective pour lui dire au revoir. Ensuite, on s’est emmitouflés et on est allés l’enter rer au-dessus du cimetière, là où pousse un très beau mélèze. On a simplement mis les cendres dans la terre, dans un cercueil en feutre. On a accroché le dessin autour de l’arbre, de sorte qu’il puisse finir par s’envoler. Dans cette expérience, chaque étape a été une épreuve. J’en suis ressortie très grandie. Pendant toute la durée de vie de Benjamin, si courte fut-elle, j’aurai été sa mère et le resterai.»

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