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«J’ai failli mourir en réanimation à cause du Covid»

Maman deux enfants failli mourir en reanimation a cause du covid

«Mon mari a dû beaucoup parler aux enfants pour leur expliquer la situation. Il leur a raconté que désormais, une machine respirait à la place de maman, que maman ne souffrait pas, mais que ça pouvait durer longtemps; que maman pourrait ne jamais se réveiller.»

© Getty Images

C’était quelques jours avant le début du printemps. On sortait enfin de la grisaille hivernale, mon mari et moi nous réjouissions de la belle saison. On venait d’ailleurs de réserver nos vacances dans le sud de la France pour l’été, tout contents de partager bientôt ces moments avec les enfants.

A ce moment on parlait de plus en plus du coronavirus, mais c’était encore quelque chose d’assez lointain et abstrait.

Et puis, nombre de scientifiques qualifiaient la maladie de grippette dans les médias. Autant dire qu’on était peu, dans mon entourage, comme partout, à prendre réellement des précautions. Une grippette, il y en avait d’ailleurs eu plusieurs cas dans mon bureau au mois de mars. Un collègue avait été arrêté deux semaines en février, à cause d’une fièvre persistante et d’une vilaine toux, puis semble avoir refilé sa crève à nombre d’entre nous au travail, dont moi. Je toussais un peu, je me sentais un peu fatiguée. Pas de quoi s’affoler ni même soupçonner un terrible virus. Mon mari a ressenti un mal de tête durant un jour et a dormi beaucoup plus longtemps que d’habitude, puis a retrouvé une forme olympique quasi dès le lendemain. Ma fille de 12 ans a vaguement vécu la même chose que lui, tandis que mon fils de 7 ans est manifestement passé à côté de cette crève plutôt contagieuse.

40 ans, en forme

Mais alors que les autres récupéraient vite, j’ai remarqué que mon état ne voulait pas s’améliorer avec le temps.

Au bout de dix jours, des taches violettes sont apparues sur mon bras.

C’est également à ce moment que la fièvre est arrivée, avec l’installation d’un véritable état grippal, et ces symptômes à la fois tardifs et bizarres ont semé le doute en moi. Et si c’était ce satané corona, en fait? A l’époque, on ne testait que les personnes avec des symptômes et considérées à risque. J’ai 40 ans, je n’ai pas de pathologies ni de traitements, je n’avais pas non plus voyagé ni en Chine ni en Italie, donc malgré une consultation chez mon médecin, je n’ai pu bénéficier d’un test. Mes proches, cela dit, ne s’inquiétaient pas vraiment. Pourtant, un soir, j’ai compris que ça n’allait pas bien tourner.

Je me suis retrouvée sur le canapé à bouger sans cesse, cherchant en vain la bonne position pour me sentir bien, je n’arrivais pas à respirer convenablement à fond, comme si mes poumons ne s’ouvraient pas entièrement. On a fini par appeler une ambulance.

Les symptômes nécessitaient effectivement un aller direct pour les urgences. J’avais alors plus de 39 degrés de température. Un test effectué à l’hôpital universitaire a confirmé que je souffrais du Covid. Mon taux d’oxygène s’est en outre révélé catastrophique et il a fallu me poser un masque pour mieux respirer. Seulement rien ne voulait inverser la tendance.

Dans les vapes

Après deux jours, mon oxygénation avait dégringolé à 50%. C’était critique, paraît-il. Le matin, mon mari est entré blême dans ma chambre, sa voix tremblotait. Des gens de l’hôpital venaient de l’appeler pour l’informer qu’ils allaient devoir me plonger rapidement dans un coma artificiel. C’est étrange, j’ai peu de souvenirs précis de cette période, je n’arrive pas à dire quels étaient mes sentiments, mes peurs. Lorsqu’on manque ainsi d’oxygène, on est dans les vapes, peu réactif. Je me souviens seulement avoir demandé à une infirmière si j’allais me réveiller et sa réponse fut:

«Vous êtes jeune, vous avez de grandes chances de vous réveiller, oui», bien que son ton ne me semblât pas tout à fait convaincu.

Mon mari est venu me dire au revoir, seul. Aucun autre proche ne pouvait entrer dans la chambre, pas même mes bouts de chou, pas même mes parents. Après ça, on m’a endormie puis intubée. Le trou noir. Contrairement au coma classique où une certaine communication est en théorie possible avec le patient, le coma artificiel est un sommeil profond. Les médecins ont cependant dit à mon mari qu’il pouvait quand même essayer de me parler tous les jours, s’il en ressentait le besoin. Parler à sa femme juste là mais presque sans vie. Il l’a fait, oui.

Il a aussi dû beaucoup parler aux enfants pour leur expliquer la situation. Il leur a raconté que désormais, une machine respirait à la place de maman, que maman ne souffrait pas, mais que ça pouvait durer longtemps; que maman pourrait ne jamais se réveiller.

Le petit, c’est normal à cet âge, n’a sans doute pas compris tous les concepts et les implications. Il était un peu inquiet, posait des questions, sans pour autant s’arrêter de jouer dans la maison comme si de rien était. En revanche, la grande a basculé aussitôt dans un mutisme presque total. Elle a accusé le choc en se repliant sur elle-même. Elle s’est réfugiée dans les cours de l’école, dans le travail et dans le silence.

Mon mari, qui avait pris congé pour rester auprès des enfants, tournait en rond toute la journée, rongé par la peur qu’un coup de téléphone lui apprenne soudain le pire.

Une semaine est passée sans que mon état ne s’améliore. La possibilité d’un réveil devenait de moins en moins palpable. Et puis, après dix jours, le taux d’oxygénation et les autres indicateurs ont montré un mieux. Les médecins ont baissé la quantité de drogues. Je me suis réveillée.

12 kilos de perdus

J’avais l’impression d’être le lendemain de mon intubation, alors que pas loin de deux semaines s’étaient écoulées. Le respirateur est alors passé en mode semi-automatique pour permettre à mes poumons de reprendre doucement le relais. Parfois, ils ne veulent plus fonctionner, il faut les forcer. Dans mon cas, heureusement, ils sont repartis aussitôt. Quand j’ai ouvert les yeux, mon mari était là. Ma gorge était sèche et raide. J’ai voulu parler, avant de comprendre que j’étais toujours intubée. Les premiers échanges se sont donc déroulés sur une ardoise. Mais écrire dessus me demandait un effort extraordinaire. Tout comme manger. Après l’extubation et une première nuit sans masque à oxygène, j’ai voulu essayer un yogourt. On me l’a amené… ainsi qu’un bavoir. Voulant montrer que tout allait bien se passer, j’ai pris une première cuillère, qui n’a cependant jamais atteint ma bouche, ma main allant percuter mon épaule. J’avais perdu 12 kilos, dont une grande partie de muscles. Ma récupération allait durer très longtemps. Retrouver une voix normale aussi, avec mes cordes vocales bien abîmées. Il m’a fallu une aide pour marcher au cours des trois semaines suivantes.

Revenue enfin à la maison, je montais l’escalier à quatre pattes et le redescendais sur les fesses, décidée à continuer à vivre normalement. Je ne voulais pas installer ma chambre dans le salon, au rez-de-chaussée.

Pourtant, de nombreux handicaps subsistaient. Je pouvais à peine rester assise, j’avais la tête qui me tournait lorsque je me redressais, je mangeais les mêmes portions que mon fils de 7 ans.

La remontée vers une vie normale ne se passait pas progressivement, mais plutôt par paliers. Mon premier défi fut d’aller à la boîte aux lettres toute seule. Puis ce fut marcher jusqu’au bout de la rue. Je testais chaque jour jusqu’où je pouvais aller sans défaillir. Heureusement, mon mari et les enfants faisaient beaucoup de choses à la maison pour m’aider. Des troubles de l’attention m’empêchaient de rester concentrée devant un écran plus de dix minutes, sans parler des douleurs articulaires persistant encore aujourd’hui, de même que ma difficulté à respirer à fond. J’essaie d’aller marcher une heure avec mes enfants plusieurs fois par semaine. J’en reviens détendue, mais percluse de douleurs aux jambes.

Les médecins m’ont expliqué que les produits injectés pendant la réa ne s’étaient sans doute pas entièrement évacués de mon organisme. Il faut un mois pour éliminer les produits d’une anesthésie pour une simple opération en ambulatoire, alors imaginez pendant plus de dix jours! Désormais, ça va mieux, en dépit de symptômes toujours présents. J’envisage de recommencer à travailler bientôt, enfin, mais à temps partiel d’abord. Je veux aller de l’avant et ne pas m’apitoyer sur cette expérience qui est loin derrière. J’ai juste envie de ne pas avoir à repasser par-là!

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