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témoignage

«J'ai arrêté l’événementiel pour fabriquer de l’ail noir»

«J'ai arrêté l’événementiel pour fabriquer de l’ail noir»

Solaire, fonceuse, passionnée, Alexandra Grand d'Hauteville est devenue une ambassadrice de ce trésor local qu'est l'ail noir.

© ANNE-LAURE LECHAT

«Je ne crois pas à la chance. Pour obtenir quelque chose, il faut travailler avec acharnement, ne jamais lâcher, et on finit par y arriver. C’est mon grand-père, Eric Grand d’Hauteville, qui m’a inculqué ces valeurs. Il m’a soutenue financièrement pendant mes études, mais je devais marcher droit (il était colonel!), je n’avais pas droit à l’erreur. C’est cette attitude qui m’a permis de travailler dans les meilleures entreprises du moment tout au long de mon parcours.

Je suis née et j’ai grandi en Suisse, mais après ma matu fédérale, je ne me voyais pas entrer à l’Uni, dans ses auditoires avec 500 personnes, et ses cours auxquels on pouvait aller… ou pas! C’était trop de liberté, et j’étais trop exaltée! Je suis partie à Toulouse pour faire un BTS en tourisme, qui promettait une grande partie de stages pratiques. J’ai ainsi passé trois mois dans une petite agence de communication, et c’est ainsi que je suis tombée dans le monde de l’événementiel. Nous organisions des congrès médicaux, avec beaucoup de logistique, et j’adorais ça. J’ai poursuivi mon cursus en France et après un master en marketing, je suis revenue en Suisse travailler dans une agence médias, puis dans un magazine musical.

Je travaillais avec les marques jeunes du moment pour organiser des super événements, j’étais la personne parfaite, j’avais 23 ans, les cheveux roses, c’était très dynamique mais pas très sérieux.

Puis je suis entrée dans une nouvelle agence qui accompagnait des artistes s’exprimant par des happenings et des musicien-ne-s pas encore très connu-e-s, mais c’était peut-être un peu trop avant-gardiste. Je suis ensuite passée dans l’extrême inverse au Montreux Jazz Festival, comme si on retournait une boule à neige! Je travaillais au secteur backstage et côtoyais les artistes, avec leur entourage, leur manager. Dans ce contexte, j’ai rencontré le directeur technique du Miles Davis Hall, qui avait une agence à Genève, active dans le luxe, et qui m’a engagée.

Durant sept ans, j’ai voyagé aux quatre coins du monde pour organiser de très beaux événements d’ampleur internationale, notamment pour des marques horlogères. Ma vie était trépidante, mais mes actions me semblaient futiles. Ma quête de sens s’est muée en crise de la quarantaine, j’ai démissionné pour partir voyager sac au dos durant quatre mois, en Indonésie, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, etc. Ce que les autres font en général à 20 ans, je l’ai fait à 40! Et à mon retour, je me suis dit: qu’est-ce que je vais faire?

J’avais entendu parler du projet Solar Impulse en 1999, lors d’une expo de Yann Arthus-Bertrand, et je me suis demandé où ils en étaient. Nous sommes alors en 2013, l’avion No 1 vient de rentrer des États-Unis, et la construction de l’avion No 2 allait commencer. Je me suis dit: c’est ça que je veux faire! Je n’avais ni piston ni la jeunesse de leur équipe, mais je les ai contactés. J’ai mis en avant mon expérience, les régions du monde que je connaissais, ma très grande disponibilité.

Cela m’a pris un an, mais à force de rendez-vous et de mises en relations, j’ai intégré cette incroyable aventure humaine auprès de Bertrand Piccard et son équipe en octobre 2014. J’en ai encore les larmes aux yeux, c’était tellement extraordinaire.

En janvier 2015, l’avion a décollé d’Abu Dhabi, et j’ai organisé durant les deux ans du projet des événements au fil des escales, avec tous les défis que cela représentait, en Chine, en Inde et ailleurs sans savoir parfois où et quand l’avion allait atterrir. Ça a été incroyablement intense, on dormait à peine, on travaillait dans des conditions extrêmes. Pour reprendre la boule à neige, c’était assez magique mais aussi souvent flou: on ne voyait pas au travers!

Bienfait de la pandémie

Ce qu’il en reste aujourd’hui, c’est le message: cet avion a fait le premier tour de la Terre sans une goutte d’essence! En 2016, après le succès de l’aventure, je suis restée dans l’équipe pour organiser la vie publique de Bertrand Piccard. Après son exploit, tout le monde le voulait, je répondais à des centaines de mails par jour, c’était la folie. Puis cela s’est calmé, et j’ai ressenti que nous n’avions plus les mêmes objectifs. J’ai perdu la foi, mon âme et mon cœur n’étaient plus d’accord, j’ai éprouvé une immense fracture… qui s’est manifestée par une double fracture réelle cette fois du poignet, qui m’a tenue éloignée du travail durant six mois. Pendant cette période, je n’étais plus dans le coup, j’ai été remplacée, fin de l’histoire. Tout s’est arrêté, d’abord pour moi puis très vite pour le monde entier. Nous sommes fin 2019, début 2020, c’est la crise sanitaire au niveau mondial.

Coincés chez eux, les gens se sont mis à faire du pain, moi ça a été l’ail noir!

Je ne dirais pas que l’ail noir m’a sauvée, mais le processus de renouer avec une activité manuelle, de se lancer dans un processus long, qui transforme radicalement un produit aussi simple que l’ail en un trésor aux vertus infinies, ça a été une révélation.

Le processus alchimique est incroyablement nourrissant pour l’âme. Ces gousses confites deviennent moelleuses, prennent des saveurs de réglisse, de prune, on peut les manger telles quelles pour avoir tous les bénéfices de l’ail sur la santé sans avoir de problèmes d’haleine ou de digestion.

Comme un autre monde

Sous le nom «Le Ciel d’Axel», j’ai créé des recettes de tartinades à l’ail noir: caviar d’aubergines, houmous de pois chiches que j’achète à un producteur bio de la région, puis des recettes plus colorées à base de courgettes, poivrons, lentilles. Et ça marche! La demande pour mes produits ne cesse d’augmenter, ce qui me pousse aujourd’hui à devoir trouver un laboratoire pour produire avec plus de flexibilité et ainsi honorer de nouvelles commandes.

Je peux utiliser ma créativité, je suis tout le temps en train de faire des essais pour développer de nouvelles déclinaisons. J’ai découvert un autre monde.

Des fournisseur-euse-s aux acheteur-euse-s, tout le monde est gentil, j’ai trouvé une nouvelle voie qui me rend si heureuse. Je gagne nettement moins, c’est sûr, mais j’ai gagné en liberté, je peux dire non parfois, ce que je ne pouvais pas faire avant! Je ne regrette rien de mon parcours (je déteste le mot carrière), j’ai aimé tout ce que j’ai fait, je n’ai jamais fait deux fois la même chose. D’ailleurs qui sait, si je secoue une nouvelle fois la boule à neige…»

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