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«J’ai appris à m’écouter après un burnout maternel»

Corinne sporrer

«Ce n’est pas pour rien que les compagnies aériennes ordonnent aux passagers de mettre leur masque à oxygène, avant d’aider leurs enfants, car si vous ne vous sauvez pas vous-même d’abord, il n’y aura plus personne pour protéger votre famille!»

© Corinne Sporrer

Tout semblait se dérouler comme d’habitude. Mon mari était parti travailler et je m’apprêtais à me lever pour m’occuper de nos deux enfants, âgés de 2 et 3 ans. Mais ce matin-là je n’y arrivais pas. Mon corps n’en pouvait plus, il ne voulait plus. À bout de forces, je suis parvenue à me traîner jusqu’au salon et à allumer la télévision, pour distraire les petits. Tout me semblait insurmontable, j’avais l’impression d’être plongée dans un épais brouillard. Impossible de bouger ou de parler.

J’ai téléphoné à mon mari, qui est rentré immédiatement pour prendre les choses en main. Moi, je me suis rendormie d’un sommeil profond pendant plusieurs heures d’affilée. En ouvrant les yeux, j’étais toujours aussi épuisée. Je n’arrivais pas à manger ni à sourire ou à prendre mes enfants dans les bras. Tout semblait agresser mes sens, la lumière et le bruit m’étaient insupportables.

Mon mari m’a interdit d’aller au travail le lendemain. De toute façon, je ne pense pas que j’aurais été capable de me déplacer jusqu’au bureau. Nous étions mardi et je me suis promis d’y retourner dès le jeudi matin. J’étais persuadée que ce coup de pompe passerait rapidement, comme s’estompent les symptômes d’une mauvaise grippe, mais la fatigue s’est fermement agrippée à moi, refusant de me quitter.

Burnout maternel: 4 signes qui ne trompent pas

Le calme avant la tempête

Réalisant que la situation était sérieuse, je me suis rendue en vitesse chez une psychologue. Je ressentais le besoin de parler. Sans surprise, elle a proposé de me mettre en arrêt maladie. Réticente, j’ai fini par accepter, forcée d’avouer que j’avais laissé déborder le vase: mon métier de graphiste, mon rôle de maman, le blog que je tiens avec une amie… c’était devenu trop, même pour moi que rien ne semblait pouvoir freiner. [Le blog de Valentine et de son amie, «L’heure de la sieste» s’accompagnait alors d’une fonction de boutique en ligne, qui demandait énormément de travail aux deux jeunes femmes. ndlr]

En vérité, j’ai toujours eu tendance à tirer sur la corde, à me convaincre que ça irait et que je garderais le dessus sur la fatigue. Cette fois-ci, elle avait pris le dessus sur moi.

Très sincèrement, je pense que je l’ai vu arriver, sans parvenir à l’empêcher ni à me l’avouer. Quelques mois avant de craquer, j’avais senti l’un de mes bras se raidir, avant de se bloquer complètement. «Vous êtes sûre que vous n’êtes pas stressée?» m’avait demandé mon ostéopathe, reconnaissant aussitôt l’un des signes précurseurs du burnout. «Non, non», lui avais-je répondu avec assurance. Ce bloquage s’accompagnait de sautes d’humeur et de crises d’angoisse qui me coupaient le souffle, et m’épuisaient brusquement. Pourtant, jamais l’idée d’un burnout ne me serait venue à l’esprit. Je balayais ces symptômes, leur trouvant rapidement des explications sans gravité, dont je me contentais.

«En voulant être une maman parfaite, j'ai fait un burnout»

Un soutien sans limites

J’ai donc accepté de commencer par un arrêt maladie de 3 semaines, sentant que je n’avais pas le choix. Un étrange sentiment de honte et de culpabilité m’a envahie: comment expliquer à mon entourage que j’étais simplement «trop fatiguée» pour aller au travail, et pour m’occuper des petits?! Je craignais terriblement le regard des autres. Le sujet du burnout étant encore un peu tabou, j’avais peur que l’on me juge. Après tout, j’ai tout pour être heureuse: une maison, un métier, un mari extraordinaire et deux beaux enfants en bonne santé.

Mais le burnout se fiche complètement de connaître votre cadre de vie. Il vous tombe dessus, et c’est tout. Cela peut arriver à n’importe qui.

Une fois le diagnostic posé, nous avons mis en place un système de garde, afin que je puisse me reposer pendant quelques semaines. Mes parents et mes beaux-parents se sont relayés pour s’occuper des enfants. En plus de son travail et de ses tâches ménagères habituelles, mon mari s’est chargé de toute la maisonnée. Je me souviens d’un soir où il a repassé trois paniers à linge, d’un seul coup! Moi, je restais à la maison, affalée sur le canapé. Je lisais, j’écrivais, et j’enchaînais les séries sur Netflix, pour m’empêcher de trop réfléchir. Je me suis complètement déconnectée des réseaux sociaux: j’ai disparu, en quelque sorte, pour me replier dans mon abri et attendre que tout cela passe.

Sentiment de culpabilité

J’essayais de ne pas montrer ma fatigue à mes enfants, car je me sentais coupable de ne pas pouvoir passer de temps avec eux, de ne pas être cette maman parfaite que l’on croit devoir incarner. Heureusement, les petits oublient vite et n’exigent pas de mets gastronomiques au souper. Tant qu’il y a des pâtes, ils sont contents!

Mon mari leur expliquait que «maman était fatiguée» et ils comprenaient. Pour eux, j’étais juste tombée malade. Souvent, ils venaient s’allonger auprès de moi quand je dormais sur le canapé. C’est pour ma famille que je me suis démenée pour m’en sortir. Sans eux, je ne sais pas comment j’aurais fait.

Selon une étude, être maman équivaut à assurer 2,5 jobs en même temps

Le retour du soleil

Après plus d’un mois de repos, mes sautes d’humeur se sont espacées, tenant davantage de vagues régulières que de montagnes russes violentes. Petit à petit, j’ai repris mes activités, retournant progressivement au travail et ressaisissant tranquillement les rênes de la maisonnée. J’ai recommencé à suivre des cours de Pilates, à alimenter notre blog, je prends le temps de dévorer des livres de développement personnel et m’accorde quotidiennement des pauses consacrées à la méditation. Cette épreuve a transformé le regard que je pose sur la vie.

J’ai décidé de partager mon histoire, afin que d’autres jeunes femmes concernées par une situation semblable se sentent moins seules. Au final, ce burnout a été un mal pour un bien. Ne pas avoir eu d’autre choix que de penser à ma santé m’a appris à prendre en compte mon bien-être: aujourd’hui, je sais ce que je veux et ce dont mon corps a besoin.

Ce n’est pas pour rien que les compagnies aériennes ordonnent aux passagers de mettre leur masque à oxygène, avant d’aider leurs enfants, car si vous ne vous sauvez pas vous-même d’abord, il n’y aura plus personne pour protéger votre famille!

J’ai appris à m’attendre, comme on attend patiemment un enfant qui ne marche pas encore à notre rythme. À présent, je me détourne du regard accusateur de la société qui nous pousse à aller toujours plus vite, et à être des parents parfaits. Je revis, à mon rythme, en essayant de profiter de chaque instant, et en m’autorisant à lâcher prise, quand il le faut.

Et si vous renonciez à être une maman parfaite?

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