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«Greffée du foie, je dis merci pour ce cadeau de la vie!»

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«En ce qui concerne le don d’organes, je faisais l’autruche, un peu comme tout le monde. Je ne pensais pas en avoir besoin un jour. Il y a une chose que j’ai apprise là: on a plus de chances d’être en position de devoir recevoir un organe que de le donner, tant les conditions de décès pour être donneur sont restrictives.»

© Julian Salinas

Quand on me tient la porte pour que je passe, je dis merci. Alors, quand il s’agit d’un don que l’on m’a fait afin que je puisse continuer à vivre et à voir grandir mes enfants, c’est plus que normal de dire merci aussi, non? C’est pour cette raison qu’aujourd’hui, je passe beaucoup de mon temps à œuvrer pour mieux faire connaître le don d’organes dans le cadre de mon job à Swisstransplant ou à travers les Jeux mondiaux des transplantés auxquels je participe comme secrétaire de la Fédération et parmi les sportifs. Il faut pas mal d’énergie pour tout ça, mais ça tombe bien, je n’en manque pas. Mon mari dit souvent que je vis 48 heures en 24!

Et puis, j’ai toujours voulu être actrice, conter des histoires. Là, je raconte la mienne ou celle des autres pour que les gens réfléchissent et prennent une décision tellement importante. Je suis Anglaise, et j’ai grandi à Londres où ma maman était styliste pour des personnalités comme la princesse de Suède ou Vivien Leigh. J’ai commencé ma vie en exerçant le même métier qu’elle. À 18 ans, je suis venue skier à Anzère, en Valais, et j’y ai rencontré mon mari. Après des allers-retours et de nombreuses lettres, je me suis dit que j’allais tenter l’aventure et le rejoindre.

Des quartiers chics de Londres, me voici à la crêperie d’Anzère où j’avais trouvé un petit job. C’était le choc, mais je l’avais choisi. Petit à petit, je me suis mise à créer des tenues de ski et j’ai enchaîné les petits boulots dans la restauration, à l’école de ski ou derrière le bar dans une boîte de nuit… j’étais jeune, amoureuse et tout arrivait un peu par hasard, comme souvent dans ma vie. Ensuite, nous avons décidé de nous marier puis, en 1987, nous avons repris un magasin de sport dans la station, dans lequel je travaillais l’hiver. L’été, je donnais des cours de fitness. En 1988, je suis tombée enceinte. La même année, mon papa est décédé en Angleterre. C’était très dur, avec la distance, mais quand il est parti et que notre fils est né, je me suis dit que c’était ainsi: l’un partait pour que l’autre vive. Cette philosophie de vie m’a sans doute aidée pour la suite. Trois ans après, ma fille est arrivée. On a acheté un chalet à Anzère, notre vie de famille commençait bien.

«J'ai donné mon foie pour sauver ma fille»

La greffe ou la mort

En 1997, j’avais 35 ans, je traversais la France en voiture pour me rendre en Angleterre lorsque j’ai eu soudainement des maux de ventre hyperdouloureux. Là-bas, je souffrais, je marchais courbée et ma mère m’a dit: «Liz, tu ne pleures jamais, là ça suffit, tu vas consulter.» Je suis allée à la clinique et j’ai passé un scanner. On a vu que mon foie était plein de sortes de lésions suspectes. J’ai tout de suite demandé si cela pouvait porter atteinte à ma vie. Je n’aurais pas dû… car le médecin n’a pas nié.

On m’a fait une biopsie. Comme je souffrais d’une pathologie rare, le diagnostic a été difficile à poser et j’étais déjà de retour en Valais quand les résultats du prélèvement sont tombés: j’avais une sorte de cancer du foie sans possibilité de traitement. Seule une greffe pouvait me guérir. Sans elle, c’était la mort.

En ce qui concerne le don d’organes, je faisais l’autruche, un peu comme tout le monde. Je ne pensais pas en avoir besoin un jour. Il y a une chose que j’ai apprise là: on a plus de chances d’être en position de devoir recevoir un organe que de le donner, tant les conditions de décès pour être donneur sont restrictives. Tout de suite, j’ai été mise sur une liste d’attente et j’ai décidé de me battre. Je ne pouvais pas ne pas voir grandir mes enfants.

Pendant les neuf mois d’attente, j’étais en forme avec peu de douleurs. J’ai continué à vivre, encore plus intensément peut-être. J’ai fait du ski, du sport et lorsque la nuit, l’angoisse montait trop, j’allais m’enivrer de l’odeur des cheveux de mes enfants. J’ai aussi tout de suite décidé de parler, de raconter, de sensibiliser sur ce sujet qui était encore tabou. J’ai participé à un reportage au Téléjournal avec mon amie Romaine Jean. J’ai témoigné à une conférence de presse de Swisstransplant pour mettre un visage sur ces chiffres un peu abstraits. Une journaliste qui travaillait à l’époque pour la chaîne valaisanne Canal 9, Flore Dussey, a fait un documentaire d’une trentaine de minutes qui relate cette attente.

Fédérer autour du don

Il y a même les images du matin de mon départ pour l’hôpital, quand, enfin, un foie a été disponible pour moi. C’était en mai 1998, je venais de fêter mes 36 ans et, quelque part, un jeune homme qui avait une corpulence semblable à la mienne et un groupe sanguin identique décédait. Et me donnait son foie. L’opération qui s’est déroulée au CHUV s’est très bien passée.

Elle a duré sept heures et demie et je me suis réveillée au bout de douze heures dans une ambiance de tuyaux et de bips incessants. J’étais bien, je voyais mon père qui veillait sur moi. Ensuite… eh bien ensuite, chaque heure qui passait me faisait me sentir mieux, malgré un rejet sévère dix jours après l’intervention qui a nécessité un traitement.

Aujourd’hui, 21 ans après, je suis en pleine forme. Mon traitement se résume à une pilule antirejet par jour. Je travaille à 60% pour Swisstransplant, à Berne. Je gère des chambres d’hôte dans mon chalet, donne un coup de main à mon mari au magasin. J’ai participé aux Jeux mondiaux des transplantés. Chaque hiver, j’organise un camp international de ski pour les enfants transplantés à Anzère. Mon projet du moment? Emmener des enfants suisses aux Jeux mondiaux des transplantés qui se tiendront à Newcastle (GB) au mois d’août prochain. J’ai 57 ans et lorsqu’on me demande mon âge, je n’ai aucun problème à le donner. Quand on a failli perdre la vie, vieillir, même avec l’organe d’un autre, c’est un cadeau!

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