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«Ces chiens seront les yeux de leur maître»

"Ces chiens seront les yeux de leur maître"

«Si j’avais le moindre doute sur le bien-être de ce animaux, j’arrêterais immédiatement. Je les vois naître, je vis à leurs côtés. J’y suis très attaché.»

© Corinne Sporrer

J’ai toujours voulu travailler avec les animaux. Aujourd’hui, ma vie personnelle et professionnelle sont complètement liées. Je travaille à la Fondation romande pour chiens guides d’aveugles, mais j’y vis aussi puisque je suis responsable de la structure de Brenles (VD) où la plupart de nos labradors naissent et sont formés. Originaire de La Chaux-de-Fonds (NE), j’ai toujours côtoyé chiens, chats, chevaux et autres bêtes à poils, à plumes et à écailles, car mon papa était vétérinaire. J’aurais adoré faire ce métier, mais des études à Berne et mon niveau d’allemand n’étaient pas vraiment compatibles. J’ai donc opté pour un master en biologie des parasites et éco-éthologie, à Neuchâtel. Mon diplôme en poche, j’ai bossé dans des labos avant de bifurquer pour travailler dans la physique des matériaux au sein d’une grande multinationale.

Un job coup de coeur

Très vite, j’ai senti que cet univers, ça n’était pas moi. C’est par hasard que je suis tombée sur une annonce. La Fondation, dont je connaissais la réputation, cherchait quelqu’un en contrat formation de trois ans, qui débouchait sur un job et un diplôme fédéral d’instructeur pour chiens guides d’aveugles. J’ai passé un entretien puis suis venu sur le site de Brenles, au-dessus de Moudon, pour un jour de stage. C’était en hiver, en pleine campagne. Je n’ai jamais eu aussi froid de ma vie, mais c’était incroyable, j’ai su tout de suite que ma place était là.

Des compagnons inoubliables

Dès mon entrée en fonction, j’ai eu un chien à former. Il s’appelait Wally, c’était un labrador croisé golden. Depuis, j’en ai formé quinze et je me souviens de chacun. Ici, et dans notre antenne de Magliaso, au Tessin, nous formons des chiens à accompagner des mal ou non-voyants, des labradors en particulier, une race de taille moyenne, au poil court, facile d’entretien, qui aime le contact humain et qui est très adaptable. Toute personne atteinte d’une déficience visuelle qui le handicape dans ses déplacements peut demander un chien guide et l’obtenir après une évaluation. Notre plus jeune détenteur a 14 ans. Il suffit d’être assez responsable et en mesure de s’occuper seul de son animal, car la collaboration n’est possible qu’en cas de fort attachement entre chien et détenteur.

Ce que j’aime aussi dans cette mission, c’est le fait que le chien soit donné gratuitement à celui qui en a besoin, qui voit sa vie bouleversée et qui sort ainsi de l’isolement pour retrouver autonomie et vie sociale.

Nous sommes financés à 80% par de généreux donateurs et le reste est couvert par les contributions de l’assurance invalidité. Il faut savoir que former un chien guide d’aveugle coûte en moyenne 55 000 francs, une somme que la plupart des gens ne pourraient pas payer.

Comportements automatiques

Le rôle de nos animaux? Aider la personne aveugle ou mal voyante dans ses déplacements, comme traverser une rue, marcher sur un trottoir, attendre le train. Le reste du temps, le chien vit sa vie… de chien. Sa formation terminée, il est capable de répondre à trente-six commandes vocales. Leurs compétences sont divisées en deux catégories. Les comportements automatiques, d’abord, sont ceux que le chien adopte de lui-même dès qu’il a le harnais sur le dos: éviter les obstacles au sol et en hauteur pour que la personne ne rentre pas dans un panneau ou un coffre de voiture ouvert, s’arrêter devant des changements de niveaux, etc.

Les comportements de recherche, ensuite, doivent permettre au chien de répondre à la demande de son maître pour repérer une place libre dans le bus, un guichet à la poste, un passage piéton pour traverser, le boîtier jaune pour faire arrêter les voitures, aller à gauche ou à droite. Lors de l’apprentissage, tout se fait sur la base du renforcement positif, à l’aide de récompenses et d’un clicker qui souligne une tâche accomplie. Les chiens guides d’aveugles ne sont pas dans la contrainte. Dès lors, la relation entre eux et leur détenteur est souvent très fusionnelle. Si j’avais le moindre doute sur le bien-être de ces animaux, j’arrêterais immédiatement. Je les vois naître, je vis à leurs côtés. J’y suis très attaché.

«Nous recherchons les personnes disparues»

Elevés en famille


Un certain nombre de chiens, sélectionnés pour leurs excellentes aptitudes, vivent dans le centre de Brenles, en pleine campagne, chouchoutés, promenés et soignés par des gardiens d’animaux, des instructeurs et… moi-même.

Lorsqu’il y a des naissances, les chiots passent les neuf premières semaines de leur vie avec leur mère et des bénévoles chargés de les câliner pour les habituer très tôt à l’humain [NDLR: alerte job de rêve!!!]. Lorsqu’ils sont sevrés, ils sont confiés à des familles de parrainage qui vont les prendre partout, travail, commissions, transports… pour qu’ils s’habituent à tous les environnements.

Ces familles prennent l’engagement de ne jamais laisser le chien seul et de le restituer au bout d’une année et demie environ. Là, ils sont évalués puis la moitié va entamer une formation de guides sur notre site de Brenles ou du Tessin et en conditions réelles, en ville. À la fin, ils passent un examen en situation. Ils ne pourront être confiés à un détenteur que s’ils font un sans-faute, car avec ce genre de mission, on ne peut rien laisser passer niveau sécurité. Un trou dans la chaussée non signalé ou le danger d’une route ignoré et c’est le drame. Les chiens qui ne seront pas guides pourront se destiner à vivre auprès d’enfants autistes, de personnes en fauteuil roulant ou en situation de stress post-traumatique.

De belles histoires

D’autres continueront leur vie dans des familles comme animaux de compagnie. En ce qui concerne nos chiens guides, ils exerceront leurs talents jusqu’à l’âge de 12 ans environ pour ensuite rester avec leur détenteur, si celui-ci le souhaite, ou couler une retraite heureuse dans une famille. Toutefois, la séparation est souvent inenvisageable à moins que la situation soit incompatible avec le fait de s’occuper d’un animal vieillissant J’ai connu une détentrice qui avait eu un chien très jeune. A l’issue de son doctorat, elle avait quitté Genève pour se rapprocher de la campagne et de ses parents afin de garder son compagnon. Entre le chien et son détenteur, ce sont toujours de belles histoires.

D’avril à décembre, chaque premier samedi du mois, le site de Brenles ouvre ses portes au public.

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