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«L'autisme de mon fils a marqué le début d’un nouveau monde!»

Vecu Marjorie et Silas enfant extraordinaire autisme

«Non seulement il fait des trucs dingues, qui nous font rire, mais en plus on voit ses progrès, qui sont de petits miracles. [...] Et puis il y a ce qu’il dégage. Il est souriant, sociable, affectueux et joyeux, pique des fous rires, chantonne… il est merveilleux!»

© Corinne Sporrer

On dit bienheureux les fêlés car ils laissent passer la lumière. Eh bien Silas nous éclaire de manière incroyable, c’est un vrai rayon de soleil!

En fait, notre vie a basculé fin 2014. A l’époque, nous étions expatriés en Jordanie, travaillant avec des réfugiés, notamment en animant des programmes pour enfants. Nos deux filles et nos deux fils allaient bien, nous aimions notre job, bref nous étions heureux. Mais le 7 décembre, tout a changé.

Ce matin-là, au réveil, Silas, qui allait avoir 6 ans, n’était plus lui. C’était comme s’il s’était perdu dans ses rêves et était passé dans un monde parallèle.

Dès cette date-là, il a en effet cessé de nous répondre, s’est mis à parler tout seul, à avoir des hallucinations et des crises de paranoïa. Il n’osait par exemple plus entrer dans la piscine parce qu’il était persuadé qu’il y avait des requins dans l’eau ou hurlait des phrases du style: «Papa, maman, ils veulent me tuer!» Chaque jour qui passait, on le voyait perdre une capacité: la parole, la compréhension, la propreté, ses aptitudes sociales et motrices… on aurait dit qu’il tombait dans une espèce de démence. C’était effrayant. Au bout de six mois, il n’y avait plus rien. Il n’était plus le Silas qu’on connaissait. Il était toujours aussi mignon et parfait au niveau corporel, mais il ne vivait plus sur la même planète que nous.

Comme j’ai suivi des études en psychologie et que je me suis particulièrement intéressée au développement de l’enfant, je pensais depuis un moment qu’il était un peu différent. En effet, s’il avait été un bébé tout à fait facile et normal, sans aucun signe de problème quelconque, dès l’âge de 3 ans, j’avais repéré des signes qui me faisaient penser qu’il avait peut-être des traits autistiques.

De fait, très calme, souvent dans la lune et rêveur, il préférait jouer tout seul dans sa chambre et était passionné par les trains, comme beaucoup de petits autistes. De plus, dès son entrée au jardin d’enfants, on s’était rendu compte qu’il avait ce qu’on appelle un mutisme sélectif. Il parlait normalement à la maison, mais dès qu’il entrait dans un contexte formel, il ne disait plus un mot. Nous avons d’abord pensé qu’il y avait potentiellement un problème de langue. Entre nous, nous parlions français ou suisse allemand, arabe et anglais à l’école. Pour le coup, histoire d’éviter cette difficulté et ce stress-là, nous l’avions sorti de sa classe et il avait fait de la logothérapie et de l’ergothérapie. Les effets étaient positifs: il avait enrichi son vocabulaire et, d’autre part, lui qui n’était habituellement que dans le présent et était incapable de se projeter dans le futur ou dans le passé semblait commencer à pouvoir le faire.

En novembre, par exemple, il nous avait dit: «Ah! c’est bientôt Noël et c’est moi qui vais mettre l’étoile sur le sapin!» On était aux anges, non seulement il se souvenait de Noël mais en plus il anticipait! C’est dire si sa régression spectaculaire nous a pris par surprise.

En 6 mois, il a perdu toutes ses capacités

On lui a fait subir une batterie de tests: IRM, scans, électroencéphalogrammes… mais les médecins ne trouvaient rien. C’était désespérant. De mon côté, je faisais des recherches et je suis tombée presque par hasard sur le syndrome de Heller, ou trouble désintégratif de l’enfance, un trouble rare du spectre autistique qui décrivait mot pour mot ce qui arrivait à mon fils.

Après en avoir parlé en famille, nous nous sommes résolus à rentrer en Suisse pour des questions pratiques.

Ça a été un déchirement, mais fin 2015 nous sommes revenus. Et nous nous sommes adaptés.

Moralement, d’abord, nous avons dû admettre qu’il ne redeviendrait jamais comme avant. Ce n’était pas simple. Moi qui suis de nature optimiste et joyeuse, j’avais souvent l’impression de marcher avec des chaussures de plomb! Ce d’autant qu’il était devenu hyperactif et ne dormait plus – ce que nous avons maintenant stabilisé avec des somnifères. Comme nous sommes chrétiens, nous avons beaucoup prié pour lui. Ça nous a aidés à l’accepter tel qu’il est, à voir que ce qui compte, c’est de lui donner tout l’amour qu’on peut et de lui offrir la plus jolie vie possible.

Pratiquement, ensuite, il nous a fallu changer beaucoup de choses. A la maison, qui est par chance à la campagne, nous avons dû tout sécuriser: clôturer le jardin pour éviter qu’il ne fugue (ce qu’il a déjà fait!), tout fermer à clé et cadenasser, car même si c’est involontaire, il fait une bêtise après l’autre. Il démolit tout, vide les flacons, les boîtes ou les bouteilles qu’il trouve et, comme il a très souvent faim, il essaie toujours de prendre de la nourriture. D’ailleurs, ça complique bien notre vie sociale.

Sans filtre, il va se servir dans le verre ou l’assiette de n’importe qui et peut sans autre prendre la glace de quelqu’un et se mettre à la lécher.

Aujourd’hui, nous avons réussi à trouver un bon équilibre. Il passe une partie de la journée à la Fondation de Verdeil, où il bénéficie d’un encadrement absolument formidable, grâce à quoi je peux travailler à 50%. Par ailleurs, via l’AI, des personnes peuvent nous aider ponctuellement. Il a beau être adorable, il doit être surveillé H24.

C’est… intense et épuisant pour nous tous, notamment pour mes autres enfants. En même temps, il nous rebooste.

Non seulement il fait des trucs dingues, qui nous font rire, mais en plus on voit ses progrès, qui sont de petits miracles. Comme il ne dit plus un seul mot, alors qu’il parlait correctement, et n’utilise pas de pictogrammes, on a de la peine à le comprendre. Or, il a maintenant appris à faire un geste qui signifie encore. Ça paraît minime, mais pour nous, c’est énorme! Et puis il y a ce qu’il dégage. Il est souriant, sociable, affectueux et joyeux, pique des fous rires, chantonne… il est merveilleux! Même si le chemin est parfois compliqué, il est aussi plein d’espoir et de beauté. Alors oui, ce syndrome a marqué la fin d’un monde, mais il nous en a surtout ouvert un nouveau!

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