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Résoudre nos problèmes et s'autoriser à vivre: 10 questions sur le bonheur à Fabrice Midal

10 questions bonheur fabrice midal 0

«Être heureux, c’est sentir que sa vie possède une direction et du sens. Les petits bonheurs du quotidien sont importants, certes, mais ce qui nous rend heureux, c’est voir nos enfants grandir, sentir que notre travail aide les autres, savoir qu’on est un support pour un ami qu’on est parvenu à aider. On est heureux, parce qu’on sent que quelque chose nous grandit.»

© Liana Mikah

Installé devant son thé vert, Fabrice Midal déconstruit calmement la vision du bonheur que nous avions intégrée, un peu malgré nous. Le zen qu'on pourchasse tous? À fuir absolument. La gestion du stress, pour éviter le burnout? Une très mauvaise idée... Rougir de sa sensibilité, d'une effusion de colère ou d'une larme retenue? Tout à fait inutile!

Dans son dernier ouvrage, «Traité de morale pour triompher des emmerdes» (Ed. Flammarion), le philosophe français distille des histoires, des clés de vie, des pensées susceptibles d'ouvrir les portes qui nous barrent la route. Le but de l'ouvrage? «Désapprendre l'impuissance», résume l'auteur. Apprendre à faire face aux problèmes, à affronter la réalité telle qu'elle est, afin de la tourner à notre avantage.

De passage en Suisse, le fondateur de l'Ecole occidentale de méditation, auteur du fameux «Foutez-vous la paix!», nous a parlé du bonheur, le vrai, et ce qui nous empêche de l'atteindre.

FEMINA Votre livre contredit une idée du bonheur très à la mode actuellement, qui nous encourage à viser le calme et le zen à tout prix: est-ce une fausse piste vers l’épanouissement?
Fabrice Midal
Pour moi, cette idée est extrêmement fausse et néfaste: personne ne réussira jamais à être constamment calme et zen. Plus on encourage les gens à se conformer à cette idée, plus ils se sentent mal de ne pas parvenir à correspondre à cet idéal.

Ce qui nous mène au bonheur, c'est la capacité à faire la paix avec nos émotions, nos blessures et nos difficultés. Et certainement pas de se calmer! L’injonction à rester calme nous donne le sentiment qu’on ne devrait pas vivre ce que l’on vit.

Quand quelqu’un voit son enfant malade, quand quelqu’un est harcelé au boulot ou maltraité, il est nécessaire qu’il ressente du chagrin, de la colère et toutes les émotions humaines. Vouloir être calme, en revanche, nous empêche de rencontrer ce qui nous arrive: il absolument central de se donner les moyens d’entendre ce que tente de nous dire ce chagrin, ou cette colère. Je n’ai jamais vu quelqu’un de calme. Les gens qui le sont font semblant de l’être, ce qui induit des mécanismes d’hypocrisie et de manipulation tout à fait néfastes.

D’où vient cette illusion qu’il faut être zen à tout prix?
Psychologiquement, nous entretenons le rêve d’être calme, puisqu’il n’est pas agréable de se sentir triste, en colère ou frustré. Mais il s’agit d’un rêve infantile: car devenir adulte, c’est tout l’inverse!

Mais je pense que l’illusion vient surtout d’une injonction sociale. Car lorsqu’on est calme, on devient un rouage de la machine, on n’existe plus en tant qu’individu. On nous demande d’être calmes, pour que nous soyons performants, sans histoires, sans états d’âme. C’est cela qui a conduit notre société à cette hémorragie de burnouts, de souffrances, de suicides chez les jeunes.

Les gens ne se laissent pas dormir, ils dorment moins de 7 heures par nuit. Pourquoi? Parce qu’ils doivent être performants, calmes, lisses… Lorsque quelqu’un fait un burnout, on lui assure que cela ne se serait pas produit s’il avait été plus zen, moins stressé. Alors que tout ce dont il avait besoin, c’était qu’on lui dise «Merci, tu as fait du bon travail, tu as mis du cœur à l’ouvrage.» C’est cela qui enlève la pression! Et pas un exercice pour être plus calme… Se calmer, c’est ignorer le problème.

La volonté d’être calme comporte donc également une forme de fuite. Il est bien plus facile d’ignorer le problème que d’y faire face, et de le considérer la réalité telle qu’elle est. Notre société a-t-elle tendance à se victimiser, à abandonner trop vite?
Dans notre société, il existe une injonction à éviter la prise de risque, à tout contrôler, pour prévenir les emmerdes. Il y a 2 centimètres de neige dans le jardin? On le ferme, car il pourrait y avoir un risque de glisser. Tout doit être maîtrisé à un tel point qu’on n’est plus dans la vie! Cela nous apprend à être impuissants. Si l’on veut être vivant et heureux, il faut accepter de prendre des risques, accepter de de se tromper, parier pour l’impossible, apprendre à aimer… L’ouverture à la vie est le sel de la vie. Soyons ouverts même à ce qui nous fait peur, avec attention et bienveillance!

Mais que faire face à la peur?
Si on n’a pas peur, on ne vit pas. J’ai rencontré aujourd’hui un musicien qui m’a expliqué que s’il ne ressentait pas de trac avant une représentation, il n’était pas aussi bon que d’habitude. De même, quand nous rencontrons la personne que nous aimons, nous ressentons tout d'abord un sentiment de peur. Mais celui-ci témoigne de l’amour, du fait que nous sommes vivants! Il faut évidemment transformer la peur négative en peur positive, mais il serait absurde de viser à une absence totale de craintes!

Pourtant, nous avons le sentiment d’avoir échoué, quand nous avons peur…
Soyez heureux, sans devenir un superman! Aujourd’hui, on nous dit qu’on ne pourra pas être heureux, tant qu’on ne sera pas devenu un surhomme. Il faut qu’on soit une mère parfaite, un employé irréprochable… C’est terrible! On nous donne l’impression que les états d’âme, les émotions et les faiblesses sont des échecs! Cette idée nous enlève toutes nos ressources. Car c’est au moment où nous entrons dans le réel, en acceptant de ne pas tout contrôler, que nous les découvrons vraiment. Acceptons de rencontrer notre peur, et de se sentir plus forts.


© Heather Schwartz

Comment trouver sa force?
Comme l’écrivait La Fontaine, la vraie force n’est pas celle du chêne, mais celle du roseau. Rien que cette idée nous libère déjà de l’injonction à devenir un superman. Echouer parfois et avoir des faiblesses ne signifie pas que nous sommes faibles. Au contraire! Reconnaître sa vulnérabilité est une force. Comme le roseau, on plie, mais on ne se rompt pas. On est heureux, en acceptant que parfois, inévitablement, on sera malheureux. Il est idiot de penser que le bonheur revient à ne plus jamais éprouver de chagrin! L’ataraxie, ce n’est pas le bonheur: l’ataraxie, c’est la mort.

En reconnaissant le chagrin, on le dépasse bien plus facilement qu’en faisant semblant de ne pas en avoir. Ce qui nous rend heureux, c’est d’être humains.

Quelle serait alors la meilleure façon de faire face à un événement difficile, tel qu’un licenciement par exemple?
Comme je l’écris dans mon livre, les emmerdes sont des questions qui nous sont posées. Si je suis licencié, je peux évidemment être malheureux pendant un moment, mais il s’agira ensuite de regarder la situation telle qu’elle est et de se demander ce qu’on peut en faire. Cela demande beaucoup d’humilité. Lorsqu’il nous arrive une mésaventure, notre première réaction est de se dire «C’est injuste!». Et c’est normal. Mais si on ne cesse plus de râler et si la plainte devient un cycle sans fin qui nous empêche d’agir, elle nous immobilise: il est préférable de retrousser ses manches, et de se demander ce qu’on peut faire avec le réel. De toute façon, c’est ça la vie, il y aura toujours quelques emmerdes par-ci par-là. Sans celles, ce ne serait pas la vie.

En va-t-il de même pour les relations de couple?
Vouloir que tout aile bien, cela rend hypocrite. A un moment, dans une vie de couple réussie, il peut y avoir des divergences ou des heurts, qui donnent justement l’occasion de réinventer à neuf la relation. On ne peut rester figé: nier le mouvement, c’est nier la vie. Je ne dis pas qu’il doit y avoir des disputes, mais nous ne devrions pas craindre les désaccords, car ils représentent des opportunités d’écouter l’autre, d’accepter que chacun a des émotions et qu’on ne peut être un couple parfait. D’ailleurs, être un couple, c’est accepter une certaine métamorphose, un changement constant. Car le réel change, nos désirs évoluent. On doit donc s’ajuster.

Vous évoquez souvent l’importance d’avancer constamment. Qu’est-ce qui nous en empêche?
C’est un ensemble de croyances malencontreuses, comme l’idée qu’on doit éviter à tout prix les emmerdes, qui nous pousse à ne prendre plus aucun risque. Ou l’idée qu’il faut toujours réagir de la même façon lorsqu’on est confrontés à un problème. Alors que non! Parfois, il convient d’être comme le chien qui ne lâche pas sa proie. D’autres fois, il vaut mieux être un escargot qui se retire sans sa coquille, ou une araignée qui tisse sa toile en attendant le bon moment… On nous conseille de ne jamais lâcher prise, mais cela dépend de la situation: battre en retraite peut également être une bonne idée, selon les circonstances. Cette flexibilité, cette agilité, nous aide à faire face aux problèmes.

Et en revanche, qu’est-ce qui nous permet d’avancer vers le bonheur, le vrai?
Le fait de regarder avec encore plus d’attention ou de bienveillance ce qu’il se passe dans la situation réelle. C’est la définition même de la morale: faire attention au réel, pour trouver la réaction juste, adaptée à cet instant précis. Il est très important de le comprendre, car cela peut faire toute la différence. D’ailleurs je suis étonné des retours que je reçois de la part de mes lecteurs: je crois que de tous mes ouvrages, «Traîté de morale pour triompher des emmerdes» est celui qui a le plus aidé les gens! Certains m’expliquent avoir découvert des possibilités qu’ils n’avaient encore jamais vues, face à un problème. J’ai l’impression qu’un «switch» mental s’opère: et c’est cela qui nous fait avancer. Des petits déclics, des petits déplacements, des portes qui, soudainement, s’ouvrent…

Et pour terminer… quelle est votre définition du bonheur?
On nous encourage continuellement à nous réjouir des petits plaisirs de la vie. Je n’en peux plus de cette injonction! Le vrai bonheur, ce n’est pas ça!

Être heureux, c’est sentir que sa vie possède une direction et du sens. Les petits bonheurs du quotidien sont importants, certes, mais ce qui nous rend heureux, c’est voir nos enfants grandir, sentir que notre travail aide les autres, savoir qu’on est un support pour un ami... On est heureux, parce qu’on sent que quelque chose nous grandit. Le fait de créer quelque chose, d'apporter quelque chose aux gens.

À force de nous dire d’apprécier les petits moments, on nous rend une fois de plus impuissants. Je n'en peux plus de l'instant présent. Pour être heureux, il faut pouvoir se projeter dans l'avenir.



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