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Vie de famille

Quels sont les défis des nouveaux grands-parents?

Quels sont les défis des nouveaux grands-parents?

«On l’oublie parfois, mais les retombées d’une séparation n’affectent pas seulement la famille nucléaire: elles touchent également les grands-parents.» - Vittoria Cesari Lusso

© CYNDI MONAGHAN/GETTY IMAGES

Vittoria Cesari Lusso se passionne pour la thématique des grands-parents depuis près de 20 ans. Lorsqu’elle est devenue grand-maman en février 2001, elle a découvert que très peu d’ouvrages étaient consacrés à ce lien familial si particulier. «En tant que psychologue, j’ai senti qu’il y avait de nombreuses recherches à effectuer sur le sujet», explique-t-elle. Depuis, l’experte a publié cinq ouvrages décortiquant ces relations familiales singulières. Son dernier, Lettres aux nouveaux grands-parents (Éd. Loisirs et Pédagogie), a été coécrit avec le journaliste Simon Corthay.

FEMINA Pourquoi avez-vous choisi le qualificatif de «nouveaux» grands-parents pour votre dernier livre? Qu’ont-il aujourd’hui de différent?
Vittoria Cesari Lusso Le contexte socio-démographique-culturel a énormément changé. Dans les dernières décennies, l’image des aïeuls a beaucoup évolué. Les grands-parents d’aujourd’hui ne sont plus assis à côté de la cheminée avec une canne. La plupart sont très actifs. L’espérance de vie a augmenté, les gens sont en bonne santé bien plus longtemps. C’est la première fois dans l’histoire de l’humanité que trois, voire quatre générations, vivent ensemble sur cette planète. À la naissance, la quasi-totalité des bébés ont leurs quatre grands-parents biologiques en vie.

En demande-t-on trop aux grands-parents?
Je ne suis pas sûre. Certains grands-parents mettent eux-mêmes la barre très haute, sans qu’on le leur demande. Pour éviter les soucis, je conseillerais à chacun de se poser la question de son engagement, avant-même la naissance de l’enfant. En tant que parents, quel soutien aimerions-nous recevoir des grands-parents? Et en tant que grands-parents, quels sont nos souhaits? Chacun-e devrait se sentir libre par rapport à cela, aucune loi n’oblige les grands-parents à garder leurs petits-enfants. Ils sont trois quarts à le faire et ce chiffre est encore plus important à la campagne ainsi qu’en Suisse alémanique.

Et la plupart des grands-parents d’aujourd’hui s’en occupent avec plaisir, mais toujours avec une certaine crainte: ils prennent des pincettes pour ne surtout pas correspondre aux stéréotypes de la belle-mère ou du beau-père qui s’en mêle trop. Mes enquêtes sur le terrain ont démontré que cette préoccupation est bien présente.

Comment être certain-e de ne pas trop les solliciter?
Ce sont des adultes, il peuvent s’exprimer si la charge est trop lourde pour eux. Chacun-e devrait être conscient-e de ses limites: les grands-parents doivent parfois s’occuper encore de leurs parents ou d’autres personnes âgées. En devenant grand-papa ou grand-maman, on est toujours dans l’ambivalence: on apprécie les moments de calme, mais on affectionne également les journées passées avec les petits-enfants, très intenses sur tous les plans. On parle souvent des «chic-ouf»: chic mes petits-enfants arrivent, ouf ils repartent. Je pense que cela résume bien la situation! Manier cette ambivalence demande toujours de l’équilibre.

Vous consacrez tout un chapitre à la crise sanitaire. Comment cette dernière a-t-elle affecté les grands-parents?
C’est la première fois dans l’histoire de l’humanité qu’une pandémie d’une telle ampleur sévit. Cela a permis de faire un bond au niveau de l’utilisation des ressources technologiques pour garder l’essentiel de certaines relations. Celles et ceux qui n’avaient pas accès à ces dernières ont été très frustré-e-s. Beaucoup ont pris sur eux durant quelques mois, car on n’imaginait pas encore que la pandémie allait s’installer dans la durée. Avec la distance, les liens peuvent s’appauvrir extrêmement vite. Les grands-parents ont rapidement remarqué que se parler «simplement» via Skype ou Zoom n’était pas suffisant: beaucoup ont commencé à anticiper les appels, à préparer de petites animations. Cela s’est généralisé petit à petit.

Le vaccin a également été la source de conflits entre les générations. Entre celles et ceux qui refusaient de se vacciner, les autres qui étaient intransigeants: cela a créé des moments dramatiques dans beaucoup de familles et risque bien de laisser des traces.

Peut-on se préparer à devenir grand-parent?
Non, je ne crois pas. Mais je recommande de se poser des questions sur l'implication que l’on souhaite avoir, ou pas. Et d’ouvrir le débat avec les jeunes parents, bien sûr. Il faut également se mettre d’accord sur les choses que l’on accepte ou non. Le cadre est souvent un peu plus libre chez les grands-parents, mais ce ne doit pas devenir un lieu où tout est permis, notamment par rapport aux écrans pour ne citer qu’un exemple.

Vous utilisez également le qualificatif de «nouveau» pour parler des situations familiales découlant d’une séparation.
Oui exactement. On l’oublie parfois, mais les retombées d’une séparation n’affectent pas seulement la famille nucléaire: elles touchent également les grands-parents. Les conséquences peuvent être terribles. Lors de divorces conflictuels, on assiste souvent à deux schémas extrêmes: les conséquences sont soit beaucoup trop lourdes pour les grands-parents (c’est notamment le cas lorsque les enfants et petits-enfants reviennent vivre à la maison, par exemple), soit très dures à vivre, avec un lien qui peut être totalement rompu de par la distance qui s’installe. Il y a un juste milieu à trouver pour que les protagonistes soient le moins affectés que possible. Cela demande de ne pas prendre de décisions sur la base de pulsions émotionnelles, mais en ayant la tranquillité psychique de raisonner avec sa matière grise. Cela n’est jamais facile et demande souvent du temps et de l’espace mental.

Selon vous, pour un enfant, passer du temps avec ses grands-parents peut être extrêmement bénéfique pour sa perception du monde. Comment expliquez-vous cela?
Être en contact avec les parents de ses parents pousse les plus jeunes à s’interroger sur les liens familiaux. Tante, oncle, cousin, parent: ils apprennent concrètement à appréhender les générations qui passent au fil de l’histoire. Ce travail avec l’arbre généalogique est essentiel pour comprendre qu’il y a un passé, un présent, un futur. Et les enfants y prennent un plaisir fou! La venue au monde d’un petit-enfant est également souvent synonyme de rapprochement avec ses propres enfants: c’est la première fois que l’on partage un rôle similaire, une même expérience. Beaucoup retrouvent alors une nouvelle complicité. Au niveau psychologique, c’est extrêmement riche.

Quelle est la clé pour une relation parents-grands-parents-enfants qui soit apaisée?
C’est un peu une banalité de le dire, mais c’est la communication. Pour nourrir la relation d’une façon constructive, il faut essayer d’exprimer ses besoins en restant sensible à ceux d'autrui. Les nouvelles technologies peuvent poser problème à ce niveau: on peut parfois avoir tendance à écrire un e-mail incendiaire sans prendre le temps de relativiser et de réfléchir avant. La communication passe beaucoup par ces moyens immédiats, l’écriture n’est pas réfléchie, elle exprime ce qui se passe dans les tripes. Cela peut devenir dangereux. Le grand piège, lorsqu’il s’agit d’émotions négatives, c’est que l’on ressent profondément ces dernières dans notre corps. Cela nous semble totalement vrai, on est certain-e d’avoir raison.

On manque parfois de ressources pour tempérer cet état émotionnel. C’est un jeu d’équilibre, car il faut rester authentique tout en ne nuisant pas à la relation. Il faut une certaine maturité pour bien communiquer.

Quel conseil donneriez vous à un-e futur-e grand-parent?
Écoutez-vous vous-même. Quel est l’effet que cette annonce me fait? Quelles sont les craintes, les envies, que cela génère? Je trouve également important d’en parler avec son conjoint, avec les futurs parents, sans contrainte normative, en se laissant le temps de réaliser un brainstorming constructif.

Vittoria Cesari Lusso, Lettres aux nouveaux grands-parents, en collaboration avec Simon Corthay (Éditions Loisirs et Pédagogie).

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