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Quand les séries permettent de parler sexo en famille

Quand series permettent parler sexualite famille

Pour Jon Schmidt, il n'y a pas d'âge défini pour parler de sexualité. En gros, dit-il, «tout dépend des questionnements de l'enfant et de sa capacité à en parler ouvertement. En grandissant, l'adolescent va être en recherche d'un avis consultatif et non d'une réponse éducative de la part de ses parents. Or, connaissant leur progéniture, ceux-ci sauront quelle posture adopter: écouter, rassurer, cadrer ou encore parler d’eux-mêmes et de leurs propres questionnements face à ces sujets.»

© Netflix / «Sex Education»

Notion de consentement, désirs, attirances, coming out, abus, précautions pour éviter des maladies et des grossesses non désirées… De «Sex Education» à «Atypical» en passant par «Skam», «13 Reasons why» ou «Riverdale», les «teen séries» d’aujourd’hui abordent à peu près toutes ces problématiques. Du même coup, elles offrent une possibilité d’ouvrir des conversations utiles en famille - comme le confirme, par exemple, le psychothérapeute Jon Schmidt. Spécialiste des thérapies familiales à Lausanne, il explique que si peu d'ados aiment raconter leur vie privée à leurs parents, la série parlant de l’adolescence peut être un moyen pour les adultes de dialoguer avec leurs propres enfants sans avoir à les questionner directement et frontalement. En d’autres termes, «la série TV peut jouer le rôle de facilitateur dans la communication familiale et le débat peut alors s'ouvrir sur des thèmes sensibles comme le cyberharcèlement ou la sexualité!» Pratiquement… comment faire - surtout que tout cela nous gêne un peu! - et quelles séries regarder? Mode d’emploi en quelques points...

Quelles séries pourraient être conseillées?

A priori, toutes celles qui abordent des problématiques adolescentes - y compris «Gossip Girl», «Trinkets» ou «Degrassi», note le pédopsychiatre Michel Bader. De même, «Sex Education», «Skam» et «Skam France», «Elite», «Skins», «13 Reasons Why», «Atypical» ou encore «Riverdale» sont souvent citées par les spécialistes comme étant ce que les américains appellent de l’«edutainment» (condensé d'éducation et de divertissement en français!).

Et Jon Schmidt de préciser: «Je n'en déconseillerai aucune dans la mesure où il y a aussi quelque chose à apprendre d'une «mauvaise série.»

Il ajoute: «J'encouragerai cependant un développement du sens critique dans les discussions familiales - ce d’autant que les plus populaires sont souvent celles qui choquent le plus - comme «Game of Thrones» ou «13 Reasons Why».»

Le psychologue reprend: «Choquer pour être vu et attirer de l'attention et des likes est une tendance sociétale qui peut conduire à une dangereuse banalisation de conduites violentes ou de souffrances qui sont bien réelles. Pour le coup, parler de la série c'est bien, mais parler sur la série c'est encore mieux!» En substance, donc, il faut se demander comment une histoire est construite, quel est son message principal, où se situent ses intentions et essayer de la décortiquer pour comprendre si elle est choquante pour passer un message et susciter une réflexion ou juste pour obtenir une visibilité médiatique.

Y a-t-il un âge avant lequel on ne doit pas parler de sexualité avec son enfant?

Auteur de l’essai «La sexualité de vos ados, en parler, ce n'est pas si compliqué» (Ed. Solar), le psychologue Serge Comblez estime qu’on peut commencer tôt: «Dès l’école enfantine, on apprend à l’enfant le respect de l’autre et de soi, la capacité à dire non et à respecter le refus de l’autre. Dire à son petit que si un copain refuse de jouer avec lui, il en a le droit, c’est donner les bases des relations humaines. Pour la sexualité à proprement parler, le début de collège et l’accès au téléphone portable peuvent être un bon point de départ. Cette période correspond également au début de la puberté - avec des modifications psychiques et corporelles qui génèrent un intérêt plus marqué pour le sujet. C'est également un âge où l’imaginaire se développe et on peut l’accompagner avec quelques règles de bonne conduite.»

Pour Jon Schmidt, il n'y a pas d'âge défini pour parler de sexualité. En gros, dit-il, «tout dépend des questionnements de l'enfant et de sa capacité à en parler ouvertement. En grandissant, l'adolescent va être en recherche d'un avis consultatif et non d'une réponse éducative de la part de ses parents. Or, connaissant leur progéniture, ceux-ci sauront quelle posture adopter: écouter, rassurer, cadrer ou encore parler d’eux-mêmes et de leurs propres questionnements face à ces sujets.»

Faudrait-il visionner les épisodes avant nos ados pour se préparer?

«Jusqu'à un certain âge, oui», recommande Jon Schmidt. Pour le psychothérapeute, il est «important que le parent contrôle ce que son enfant regarde et sache de quoi il retourne.» Toutefois, dit-il, «avec la multiplicité des écrans, certains adultes seront inévitablement pris de vitesse en termes de visionnage de séries.» Ce qui n'est pas une mauvaise chose en soi, rassure-t-il: «C'est là que peut se créer une belle complicité puisque l'ado peut inviter son père ou sa mère (ou les deux!) à regarder avec lui une série qui lui a plu.»

Faudrait-il parler à la fin de chaque épisode ou plutôt en fin de saison / série?

Pour le psychologue lausannois, il n'y a pas de bon ou mauvais moment: «On a en général tendance à parler de ce qu'on vient de voir, il faut donc saisir les occasions dès qu’elles se présentent!»

Comment s'y prendre pratiquement pour initier le dialogue?

Pour le psychologue, chaque famille a son style et il n’y a pas de «juste ou faux». A son avis, «l'humour est toujours une bonne porte d'entrée et la simplicité reste le meilleur moyen: on peut s'asseoir à la cuisine, sortir les glaces du congel et dire: Alors t'en as pensé quoi?»

Y a-t-il des choses qu’il vaut mieux taire pour ne pas provoquer de gêne de part et d’autre?

«Quand on dit parler de sexualité, les parents pensent devoir discuter de leur propre vie sexuelle, comme si l'enfant allait leur poser des questions intimes. Mais aucun adolescent ne demandera comment son père et sa mère font l'amour, ils ont bien intégré que cela relevait de l’intimité. Et même si un jeune un peu aventurier s’amusait à le faire, on pourrait toujours lui dire qu’il va trop loin et que cela ne le regarde pas!» explique Serge Comblez. Quant à Jon Schmidt, il note: «C'est à mes yeux la simplicité et l'authenticité qui comptent!» Et de poursuivre:

«La plupart des séries mettent en lumière des tabous et des interdits. Utilisons-les pour ouvrir le dialogue plutôt que de le fermer. L'enfant qui devient adolescent est un individu qui prend conscience qu'il est l'acteur de sa propre vie, qu'il est son propre héros. Dans la mesure du possible, c'est à lui de venir questionner ses parents, qui ont déjà fait le voyage. Il s’agit d’être disponible et à l'écoute de son ado en quête de sens, ni plus, ni moins».

Quelques suggestions

«Sex Education»

Le sujet: Lycéen plutôt discret, Otis vit seul avec une mère sexologue aussi libérée que lui est coincé. Par un concours de circonstances improbable, il commence à conseiller ses copains d’école en matière de sexe…

Ce dont on peut parler: Cette série à voir sur Netflix aborde sans tabous mais avec souvent beaucoup d’humour tous les sujets liés à la sexualité, y compris les plus délicats, dont la masturbation, les bons lubrifiants, la contraception ou l’IVG, par exemple. De quoi parler de tout, tout, tout!

NB: Mieux vaut regarder cette série séparément - certaines scènes très crues pouvant mettre ados et parents un brin mal à l’aise.

«Skam France»

Le sujet: Cette websérie ultra-réaliste qui suit le quotidien d’une bande d’adolescents, avec un personnage «zoomé» par saison, est diffusée via France.tv Slash et YouTube.

Ce dont on peut parler: Il y est notamment question d’attirance, d’identité sexuelle, de harcèlement, d’homophobie, de racisme et des souffrances que ces problématiques génèrent. De manière très naturelle et déculpabilisante, la série place aussi des jeunes LGBTQ+ hyper chouchous et attachants au centre de l’intrigue, une façon assumée de prôner l’acceptation des différences. De quoi dialoguer sans tabou - sans oublier de questionner sa propre capacité de non-jugement.

«Elite»

Le sujet: Là encore, cette série espagnole diffusée sur Netflix s’attache à décrire le quotidien de jeunes lycéens.

Ce dont on peut parler: Relations amoureuses, recherche d'identité sexuelle, moqueries, coming out, trouple, séropositivité… tous les phénomènes vécus par la génération Y sont abordés sans retenue (ou presque). De quoi converser sans fin - tout en insistant sur l’aspect «prévention» des maladies.

NB: Plus adaptée à de jeunes adultes qu’à des tous jeunes, mieux vaut regarder cette série séparément - certaines scènes très crues pouvant mettre ados et parents un brin mal à l’aise.

«13 Reasons Why»

Le sujet: La série Netflix raconte la descente aux enfers d’une adolescente qui finit par se suicider - non sans avoir expliqué longuement les raisons de son acte sur des cassettes audio. Dans les saisons suivantes, on voit les conséquences directes ou indirectes de cet acte désespéré.

Ce dont on peut parler: Souvent décriée, considérée comme «trop américaine», voire accusée de faire l’apologie du suicide, «13 Reasons Why» a de nombreux détracteurs. Il n’empêche que cette histoire aborde nombre de problématiques adolescentes - certaines trop peu abordées, comme le harcèlement scolaire ou le viol. De quoi (notamment!) insister sur l’importance de parler - si ce n’est à ses parents, tout au moins à un adulte de confiance.

«Atypical»

Le sujet: La série (encore sur Netflix!) décrit le quotidien pas toujours simple de Sam, un ado atteint de troubles autistiques.

Ce dont on peut parler: Difficultés relationnelles, amitié, acceptation des différences, éveil à la sexualité, homosexualité, etc. La vie de Sam et de ses proches (très présents!) pose de nombreuses questions pas forcément si attendues que cela. De quoi interroger ses propres visions et schémas familiaux, tout en parlant de ressentis qui peuvent nous paraître étrangers ou incompréhensibles.

«Riverdale»

Le sujet: Petite bourgade d’apparence tranquille et sereine, «Riverdale» cache bien des secrets... pas très reluisants.

Ce dont on peut parler: Tout en bousculant joyeusement les stéréotypes habituels (il ne faut pas se fier aux apparences!), cette série CW à voir en famille sur Netflix aborde les thématiques adolescentes «classiques». A savoir: les relations amoureuses et sexuelles, la jalousie, les pressions et incompréhensions parentales mais aussi l’identité sexuelle et la difficulté de faire un coming out. De quoi souligner les impacts potentiels des réseaux sociaux, par exemple.

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