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Nos enfants sont-ils plus intelligents que nous?

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Nos enfants ne lisent plus... l'intelligence humaine est-elle en péril?

© Getty

Ils traficotent sur leurs tablettes dès le plus jeune âge; tapent leurs SMS aussi vite que l’éclair sans même y penser; vous dégottent une info en deux temps trois mouvements; font de la programmation informatique comme Monsieur Jourdain faisait de la prose; n’ouvrent jamais un bouquin mais savent tout sur tout… nos chères têtes blondes, premières générations nées dans le bain numérique, nous épatent, nous obligeant même à remettre en question nos croyances les plus ancrées et nos principes éducatifs les plus stricts.

Le mois dernier, une étude menée à l’uni de Genève (et à ne pas mettre entre les mains des ados accros aux manettes sous peine de leur fournir une excuse imparable) révélait l’impensable: les jeux vidéo, qui plus est les jeux vidéo d’action, de tir ou de guerre, améliorent de manière significative les capacités cognitives du joueur, notamment au niveau de l’attention spatiale et de la capacité à gérer plusieurs tâches en même temps. Loin de ratatiner les cerveaux de nos enfants, les nouvelles technologies les aideraient à acquérir de nouvelles compétences. On se pince pour y croire.

Petits génies en augmentation?

Surdoués, nos millennials? On pourrait le penser tant la présence d’enfants HP (pour haut potentiel) n’est plus chose rare dans les classes, laissant penser que leur nombre serait en augmentation. Pour Claudia Janckech, psychologue à Lausanne et spécialiste du sujet, il n’en est rien:

«Il n’y a pas vraiment de boom du nombre d’enfants détectés, ni hausse du niveau général de quotient intellectuel (Q.I.). Le pourcentage d’enfants HP, c’est-à-dire dont l’indice de Q.I. atteint ou dépasse les 130, ne varie jamais, il est toujours de 2%. Par contre, les tests permettant cette mesure sont sans cesse réétalonnés selon plusieurs critères pour s’adapter à la culture, aux évolutions sociales.Dans le canton de Vaud par exemple, qui compte nonante mille enfants scolarisés, le nombre d’HP serait d’environ 1800. Mais je ne pense pas que tous soient identifiés.»

Pour cette spécialiste des enfants et adolescents, «on est aujourd’hui plus attentifs à ces jeunes car on a découvert avec le temps que beaucoup d’entre eux étaient en souffrance.» Thierry Lecerf, maître d’enseignement et de recherche en psychologie clinique différentielle à l’Université de Genève et grand spécialiste de l’intelligence, donne une simplissime explication démographique à ce sentiment ambiant: l’augmentation de la population.

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Diagnostics erronés

Stéphany Cronel Ohayon, neuropsychologue à Renens, soulève même un problème plus inquiétant: «Beaucoup d’enfants étiquetés HP ne le sont pas. Certains diagnostics sont en effet posés très rapidement ou par des personnes qui ne maîtrisent pas le WISC, la méthode de test le plus souvent utilisée et dont la méthodologie est très stricte (lire l’encadré). Reconnaître un enfant HP sans trouble associé, c’est facile. Mais dans un tiers des cas, les tests peuvent être faussés par un enfant anxieux ou souffrant d’un trouble de l’attention.»

La plupart des professionnels s’accordent donc sur le fait que nous ne sommes pas en train de donner naissance à des générations de super petits génies! Nombreux même tirent la sonnette d’alarme, pointant la détérioration de certaines compétences et le développement de troubles de l’apprentissage plus ou moins importants.

Dans son cabinet des hauts de Lausanne, Claudia Janckech, qui a commencé à exercer dans les années septante, le remarque: «Les compétences en graphisme ont tendance à se détériorer, ainsi que celles en lecture. Cela risque de devenir un problème.»

Apprentissages disparus

Les parents et les enseignants s’en désolent: l’ère des grands lecteurs semble bel et bien terminée et les moments passés sur un exemplaire du Club des Cinq ou même plus récemment sur un tome de Harry Potter sentent un brin la naphtaline.

L’enquête PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), qui étudie, chaque trois ans environ, les performances des systèmes d’éducation à travers le monde est formelle: les enfants lisent de moins en moins bien et sont de plus en plus nombreux à ne pas parvenir à comprendre un texte simple.

Les neurosciences à la rescousse

Un constat peu étonnant, que nuance toutefois Thierry Lecerf: «On a progressivement renoncé aux dictées, à l’apprentissage du vocabulaire, au profit peut-être d’autres matières plus en lien avec l’époque, comme l’informatique. Mais on va y revenir…» Chez nos voisins français, la résistance s’organise pour faire remonter le niveau: le Ministère de l’éducation vient tout juste de mettre en place un conseil scientifique qui se fondera sur la recherche en neurosciences pour jeter les bases des futures orientations pédagogiques.Mais ces compétences qui s’émoussent ne sont pas les seules menaces observées. L’augmentation des troubles de l’apprentissage, voire des troubles cognitifs, est plus inquiétante encore pour l’avenir.

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De plus en plus de troubles autistiques

Stéphany Cronel Ohayon relève des chiffres inquiétants: «En une vingtaine d’années, le taux de troubles autistiques est passé d’un cas pour mille à un cas pour cent. Aujourd’hui, j’ai environ un ou deux rendez-vous par semaine pour des suspicions de troubles autistiques. Je les confirme pour la plupart, dans des formes plus ou moins importantes. Alors certes, on doit cette augmentation à une meilleure détection, à de meilleurs outils de diagnostic, plus larges et plus précis. Mais on pense qu’il y a quand même à ce sujet des phénomènes environnementaux et épigénétiques [ndlr: c’est-à-dire non transmissibles par l’ADN] qui touchent le cerveau.»

Aux Etats-Unis, cela prend même la tournure d’un enjeu de santé publique: en Californie, entre 1990 et 2001, le nombre d’enfants autistes a ainsi augmenté de 600%.

Sur l’ensemble des USA, un enfant sur soixante-huit est même diagnostiqué comme souffrant de troubles liés à l’autisme. Conséquence, le Q.I. baisse. Et nombre de pays plus proches de nous s’en inquiètent aussi. En Finlande, une étude anthropologique menée sur des recrues* démontre que la courbe de quotient intellectuel connaît une chute, certes légère, mais constante. Celle-ci était pourtant ascendante jusque dans les années nonante.

Interrogé par «Arte» dans «Demain tous crétins», un documentaire diffusé récemment, un des auteurs de l’étude dressait un constat alarmant: «Nous devenons de plus en plus stupides et cela ne va pas s’arrêter. Si nous ne faisons rien, la civilisation, qui repose sur l’intelligence, va régresser.»

Perturbateurs endocriniens

Les causes de cette catastrophe annoncée sont, aux USA eten Finlande, mais aussi partout à travers la planète, à chercher du côté des facteurs environnementaux. Pesticides et autres molécules dérangeraient en effet l’action des hormones thyroïdiennes, des substances essentielles au développement du cerveau. Leur déséquilibre contribuerait tant à cette baisse inquiétante du Q.I. qu’à la multiplication des troubles de l’attention chez l’enfant. A Paris, Barbara Demeneix, endocrinologue au CNRS, le centre français de la recherche scientifique, pointe du doigt ces poisons du quotidien. Dans son ouvrage, Cocktail Toxique, comment les perturbateurs endocriniens empoisonnent notre cerveau (Ed. Odile Jacob), elle dénonce des substances chimiques comme le bisphénol A présent dans certains plastiques et notamment les biberons des plus petits, malgré son interdiction dans de nombreux pays.

Sociétales, culturelles, environnementales… les atteintes à l’intelligence des jeunes générations ne relèvent malheureusement pas du mythe, mettant à mal notre impression première d’omniprésence des enfants HP. En 2007, le metteur en scène américain Mike Judge réalisait Idiocracy, un film dans lequel deux personnes placées en hibernation se retrouvaient parachutées cinq siècles plus tard dans une civilisation rendue stupide et décadente par les problèmes de pollution et l’anti intellectualisme. On y voyait une fiction. Il s’agit peut-être d’une anticipation.

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L’intelligence, ça se mesure?

De la taille du périmètre crânien aux tests de Q.I., les manières de cerner le potentiel du cerveau humain ont évolué.

Qu’est-ce que l’intelligence?

Pour répondre à cette question, Claudia Janckech cite le biologiste et philosophe suisse Jean Piaget: «L’intelligence, ça n’est pas ce que l’on sait, c’est ce qu’on fait quand on ne sait pas.» Selon la psychologue lausannoise, cela reste une notion difficile à définir, tant les éléments qui entrent en compte sont nombreux: «L’intelligence ne se résume pas à bien assimiler les apprentissages, mais elle permet l’adaptation, elle offre la capacité de rebondir.» Thierry Lecerf, maître d’enseignement et de recherches à l’Université de Genève, précise quant à lui: «Pour les experts, l’intelligence se définit dans un contexte socioculturel précis. En ce qui nous concerne, elle se distingue par les capacités que l’on met en avant pour résoudre les problèmes, notre faculté d’apprendre à apprendre et à nous adapter à l’environnement.»

Comment l’évaluer?

C’est au début du XXe siècle, à l’époque où les sciences avancent à pas de géant, que l’on se met à vouloir tout quantifier. Au commencement, les méthodes sont plus que contestables: on mesure le périmètre crânien, on pèse le cerveau. C’est en France, sous l’impulsion du Ministère de l’éducation, que naît, en 1905, la première échelle métrique de l’intelligence élaborée par le psychologue Alfred Binet et le psychiatre Théodore Simon. C’est là aussi que naît la notion de niveau intellectuel. Depuis, les tests n’ont cessé d’évoluer selon les contextes idéologiques. De nos jours, la méthode la plus usitée est l’échelle de Wechsler et sa version pour les enfants en âge scolaire, le WISC, soit le Wechsler Intelligence Scale for Children, du nom de son auteur américain David Wechsler, qui l’a élaborée en 1949.

Le test de Wechsler, qu’est-ce que c’est?

Inventée aux USA, cette méthode est ensuite adaptée selon le contexte socioculturel du pays dans lequel elle est utilisée, et réétalonnée chaque dix ans environ, selon les évolutions sociales. Il existe une édition pour les enfants en âge préscolaire, le WPPSI; pour les 6-16 ans, le WISC; et pour les adultes à partir de 16 ans, appelée le WAIS IV. Pour Claudia Janckech, cet outil permet de mesurer «l’intelligence spontanée», c’est-à-dire «celle qui permet de faire des choses sans les avoir apprises». Pour calculer le quotient intellectuel, on établit, entre autres, une synthèse entre cinq indices: trois indices d’intelligence spatiale, linguistique et fluide (la logique) et deux indices d’efficience: la mémoireet la vitesse de travail. Ce test est effectué par un psychologue reconnu.

La répartition des résultats se fait selon une courbe de distribution normale de l’intelligence, appelée courbe de Gauss, dont la moyenne est établie à 100 avec un écart type de 15 et échantillonnée sur mille cent enfants et adolescents. Selon cet indice, 95% de la population présente un Q.I. compris entre 85-110 voire 90-110 et a donc une intelligence moyenne. 2,3% de la population présente un Q.I. égal ou supérieur à 130 et est donc dite à haut potentiel intellectuel. Seuls 0,13% des individus résentent un Q.I. égal ou supérieur à 145, pouvant être qualifié de très haut quotient intellectuel. Dans le cadre de détections d’enfants à haut potentiel, ces chiffres sont en général complétés par un bilan psychologique.

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