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«Mom shaming»: Il est grand temps d'arrêter de culpabiliser les mères!

Mom shaming arretons de culpabiliser les mamans

«Dans l’imaginaire collectif, la mère représente la perfection, la dévotion à l’autre, en particulier à sa famille. Dès la grossesse, les femmes sont alors d’autant plus soumises aux critiques et aux jugements.» - Léonie Chiquet, psychologue-psychothérapeute FSP

© GETTY IMAGES/JUANMA HACHE

La comparaison est aussi insidieuse que frappante: un homme offrant un hamburger à sa progéniture est un daddy cool. Une mère daignant lui présenter un demi-nugget est tout simplement indigne. Sur les réseaux sociaux, comme dans la vraie vie, les mamans sont culpabilisées au moindre geste jugé imparfait; si bien que certaines influenceuses se sentent obligées de préciser, dès leurs premiers mois de grossesse, qu’elles se réservent le droit d’élever leur bébé comme bon leur semble.

Les papas connectés, eux, on les laisse plutôt tranquilles, sauf si c’est pour applaudir, en commentaires, leur réchauffage exemplaire de biberon… Le 15 avril 2022, le chanteur français Vianney postait sur Instagram des photos de lui, affairé avec une boîte de lait en poudre. Les clichés avaient aussitôt déclenché une avalanche de compliments (et, par la même occasion, un vif débat). Mais gare à une femme qui tend du lait trop chaud à son fils ou cesse d’allaiter «trop» tôt! «On trouve extraordinaire qu’un père change la couche de son bébé ou le porte en écharpe, alors qu’il est attendu d’une mère d’effectuer toutes ces tâches, pour lesquelles elle n’est généralement ni valorisée ni reconnue, souligne Léonie Chiquet, psychologue et psychothérapeute FSP. On a également tendance à dire que le père «aide» la mère, alors que s’occuper de l’enfant et du foyer fait également partie intégrante de son rôle.» En effet, le post de Vianney n’a pas tardé à donner naissance au hashtag moqueur #jaidepapa, appelant à une plus grande responsabilisation des pères.

Cette inégalité souligne la pression énorme infligée aux mamans, attendues sur tous les fronts et dont la moindre erreur semble intolérable. Évoqué sous le nom anglais de mom shaming, le phénomène se décèle facilement dans le discours des femmes: «Je culpabilise si j’ai l’impression de ne pas passer assez de temps avec les enfants, de ne pas être là pour eux à 100%», nous confie Julia, 36 ans. Il en va de même pour Caroline, 39 ans, qui se souvient du discours culpabilisant de sa première sage-femme: «Elle voulait que tout soit fait de manière naturelle, qu’on fasse tout pour le bébé, alors que j’étais complètement épuisée».

Léonie Chiquet constate en effet que lorsqu’elles deviennent mères, on attend des femmes d’être quasiment irréprochables: «Dans l’imaginaire collectif, la mère représente la perfection, la dévotion à l’autre, en particulier à sa famille, poursuit-elle.

Dès la grossesse, les femmes sont alors d’autant plus soumises au regard des autres, aux critiques et aux jugements.»

Projection de perfection

Malheureusement, il arrive que le mom shaming impacte de façon significative le bien-être des mamans: «Cette pression peut engendrer une perte d’estime de soi, un sentiment de dévalorisation, de honte, de colère et d’incompétence, voire conduire à un épuisement maternel», énumère notre experte. Aussi indique-t-elle que les jugements d’autrui sont désormais bien plus visibles, sachant que des internautes tapis derrière un pseudo se permettent de donner un avis sur tout. N'oublions pas non plus les images filtrées et irréalistes que chacun-e peut diffuser sur la Toile.

Caroline et Julia expliquent aussi s’être désabonnées de certains comptes Instagram projetant l’illusion d’une maternité parfaite et facile: «J’essaie plutôt de me dire que je fais de mon mieux et que les mères parfaites n’existent pas», affirme la première. De son côté, Julia se souvient d'une thématique en particulier, qui l'a beaucoup affectée: «Lorsque mon fils aîné était petit, je suivais des influenceuses qui prônaient l'allaitement et la DME (diversification menée par l'enfant) sur les réseaux. Malheureusement, je n'ai pas pu allaiter aussi longtemps qu'il le faudrait, selon elles. Et cela a été dur à gérer émotionnellement, car je voyais sans cesse passer des posts sur les bienfaits de l'allaitement long et sur tous les dangers du lait maternel artificiel. J'ai beaucoup culpabilisé d'avoir pris cette décision, mais en y repensant, je n'aurais jamais dû être mal pour cela: j'avais fait ce qu'il fallait pour mon enfant et moi, pour que l'on continue à être en bonne santé tous les deux.» Depuis, la jeune femme, maman de deux enfants, se montre plus vigilante, et supprime les comptes qui la mettent mal à l'aise ou renvoient une image trop parfaite de la maternité.

Traduction: Le cycle de la culpabilisation maternelle. La société dit aux mères qu'elles devraient être capables de tout faire > La mère essaie donc de tout faire (et finit épuisée et angoissée) > La mère ne parvient pas à tout faire (parce que c'est impossible, bien sûr) > La mère se sent coupable et indigne car elle «échoue sur tous les plans» > La mère tente de chercher de l'aide et des réponses auprès de la société

Les erreurs sont normales (et même bénéfiques, parfois!)

Soulignons qu’aux yeux de Léonie Chiquet, le fait de viser l’irréprochabilité n’est pas une si bonne idée, que ce soit pour la mère ou l’enfant.

«Il est important de pouvoir s’écouter, se faire confiance et surtout accepter ses erreurs, car elles font partie de l’apprentissage de la parentalité», ajoute-t-elle.

«Une "bonne mère" devrait être suffisamment "mauvaise", c’est-à-dire permettre à l’enfant d’expérimenter la frustration, les émotions difficiles, la colère envers son parent. À l’adolescence, il sera important que l’enfant puisse adresser des reproches à son parent pour pouvoir se différencier et s’autonomiser, processus difficile voire impossible si ce dernier s’est toujours comporté "parfaitement"».

En outre, pour notre experte, le simple fait qu’une femme se demande si elle est «une bonne mère» fait d’elle «une bonne mère». Voilà qui devrait rassurer de nombreuses femmes, soucieuses de tout faire bien: «Le questionnement sur le rôle de mère, la capacité de remise en question, la recherche de solutions sont des éléments qui démontrent une attention au bien-être de l’enfant, ajoute la psychologue. Interroger une femme qui craint de ne pas être à la hauteur quant à sa représentation de sa propre mère permet également de mieux comprendre quel modèle maternel elle a reçu. Le travail peut ensuite consister à déconstruire cette représentation et à faire la différence entre sa propre mère et elle-même.

Enfin, il est important de faire preuve de bienveillance envers soi-même: être mère n’est pas inné, cela s’apprend.»

Et les papas?

Si le mom shaming s’inscrit clairement parmi les inégalités de genre, il peut aussi impacter les pères, dont on semble attendre beaucoup moins de perfection - comme s'ils n'étaient pas capables de la fournir. «Dans certaines publicités ou contenus en ligne, on sent vraiment que toute la responsabilité incombe aux mamans, comme si elles étaient les seules à savoir s’y prendre, remarque Caroline. C’est un peu injuste pour les papas, on ne leur laisse pas forcément beaucoup de place pour s’installer dans leur rôle, alors que ce n’est pas évident pour eux.»

Éric, le compagnon de Julia, explique effectivement se sentir mal à l'aise lorsqu'il constate cette différence de traitement. «Je pense que la pression est moins forte que si j'étais une femme, je me sens moins jugé, affirme-t-il. Si tu t'occupes de ton enfant en tant que père, c'est déjà perçu comme étant exceptionnel, donc j'ai l'impression que c'est forcément bien. J'entends souvent des remarques du type: "oh mais c'est formidable ce papa qui s'occupe des enfants". Alors que ça n'a rien de formidable, c'est juste mon rôle de père! Et ça me fait toujours bizarre, car personne ne fait jamais de commentaire à ce sujet à mon épouse.»

Le jeune papa remarque toutefois une seule exception, sachant qu'il se sent parfois observé lorsqu'il se montre plus autoritaires que les autres: «Je ne vais pas laisser mes enfants faire n'importe quoi à la place de jeux par exemple, et ça n'est pas un problème pour moi de les reprendre, même s'il y a d'autres personnes, explique-t-il. Le regard des autres ne remet pas en question mes choix. Mais je n'ai encore jamais eu de graves crises à gérer, ils ne se sont jamais roulés par terre dans un magasin par exemple. Là peut-être que je me sentirai mal à l'aise.»

Les choses changent enfin!

Heureusement, en parallèle de l’éveil des consciences, des voix s’élèvent pour dénoncer les inégalités liées au mom shaming: c’est ainsi que des artistes telles que Tiffany Cooper ou la dessinatrice américaine Mary Catherine Starr font le buzz sur Instagram en soulignant les différences de traitement entre pères et mères. Sous ce genre de contenus, des centaines de commentaires affluent: des parents discutent et partagent, des femmes se soutiennent, luttent contre la culpabilisation. On y arrive, lentement mais sûrement!

C'est également le constat de Julia, qui parvient facilement à aborder ce genre de sujets avec d'autres parents. «J'ai l'impression que nous sommes de plus en plus à partager les "mauvais" côtés de la parentalité, à mettre en évidence les choses qui n'ont pas fonctionné, les erreurs que l'on a commises, note-t-elle. C'est tellement libérateur! Et c'est également rendre service à celles et ceux qui réfléchissent à avoir un enfant ou non: j'ai horreur des parents qui ne parlent que des bons côtés. Je me suis beaucoup rapprochée d'amies qui osaient dire qu'elles n'allaient pas bien, que tout n'était pas parfait.»

En 2022, l'illusion démasquée de la perfection perd donc beaucoup de ses disciples, pour laisser place, petit à petit, à la vraie vie dans toute sa splendeur.

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