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«L’hypersensibilité est un don à explorer»

Lhyersensibilite est un don

«Ma vie ressemblait à un puzzle démonté dont les pièces ne me paraissaient pas s’accorder entre elles ni même avoir un rapport les unes avec les autres», raconte Fabrice Midal dans son livre sur l'hypersensibilité, publié dix ans après que lui-même se soit découvert hypersensible.

© Getty Images

FEMINA Dans cet ouvrage, vous partez de votre expérience. Vous découvrez votre hypersensibilité à 42 ans. Qu’est-ce que ça a changé pour vous?
C’était il y a dix ans, lors d’un congrès aux Etats-Unis. Un spécialiste en neurosciences m’a dit, pendant le dîner, que j’étais hypersensible. J’ai pris ça un peu comme une attaque, parce que j’avais vraiment des a priori assez tranchés, pensant que les hypersensibles étaient des gens particulièrement fragiles et je ne me sentais pas fragile. Je ne comprenais pas trop, jusqu’à ce qu’il commence à m’expliquer quelles étaient les particularités des hypersensibles.

Lesquelles?
Certaines perceptions sensorielles sont particulièrement accrues, les émotions font parfois les montagnes russes, tandis qu’au niveau empathique on a la capacité à sentir ce que les autres ressentent et que, niveau cognitif, on a les idées qui fusent dans tous les sens, impliquant qu’on ne pense pas toujours de manière logique et ordonnée. D’un seul coup ça a complètement changé ma vision de l’hypersensibilité. J’ai mis ensemble les pièces d’un puzzle dont je n’avais jamais vu le rapport entre elles. Ça m'a beaucoup éclairé.

Mettre un mot sur qui vous êtes, ça vous a libéré?
Oui. En y repensant les mois suivants je me suis rendu compte que j’avais toujours eu quelque chose de pas complètement normal. Je voyais bien que, depuis que j’étais enfant, les choses étaient toujours dans le trop.

Mes parents disaient de moi que je me trouvais sur une scène de théâtre. Ils pouvaient allumer la télé et, d’un seul coup, j’éclatais en sanglots.

Ça a été libérateur, car en découvrant que j’étais hypersensible, j’ai pu mettre un mot sur une expérience. Au lieu de penser que j’étais anormal ou que j’avais un problème, je me suis rendu compte que j’avais une singularité, que c’était comme ça, et qu’une fois qu’on l’acceptait, ça changeait absolument tout. J’étais content et apaisé.

«Suis-je hypersensible?», Fabrice Midal, Ed. Flammarion/Versilio © Aglaé Bory

L’hypersensibilité est un terme qu’on utilise un peu à toutes les sauces, alors qu’il est finalement assez méconnu non?
Oui. Dans l’enquête que j’ai menée sur le sujet, j’ai essayé de montrer qu’on trouvait l’analyse du phénomène chez Aristote déjà, puis tout au long de l’histoire de la philosophie. On n’a pas attendu aujourd’hui pour discerner qu’il y avait un certain pourcentage de la population, peut-être entre 15 et 20%, dotée d’une sensibilité un peu exacerbée qui lui permettait de repérer des signaux faibles que les autres ont tendance à ne pas repérer.

Dans les études que j’ai menées, on voit que dès les temps les plus anciens les sociétés ont eu besoin d’hypersensibles: en temps de guerre, pour percevoir les dangers là où les autres ne les percevaient pas; en temps de paix, pour percevoir des plantes qui permettraient de guérir. L’hypersensibilité a toujours joué un rôle, à toute époque.

Etre hypersensible, c’est posséder un pouvoir ou traîner un boulet?
Un hypersensible qui ne sait pas qu’il l’est se vit comme un boulet. Parce qu’il ne peut pas faire les choses comme les autres, il a l’impression qu’il est anormal et se sent coupable. Il va du coup avoir tendance à se protéger et à lutter de toutes ses forces contre son hypersensibilité. Mais ça ne fonctionne pas, on ne peut pas lutter contre, c’est une fausse piste. La solution est d’arriver à comprendre la singularité du fonctionnement de l’hypersensibilité. Quand on en comprend le fonctionnement, on se rend compte qu’on n’a pas de problème, on n’a que des possibles. La clé du livre, et probablement celle de ma vie, c’est d’avoir pris conscience que quand on a cette singularité, si on ne le sait pas, on est très malheureux, mais quand on le sait, on est heureux. C’est ma conviction.

Le plus grand danger pour un hypersensible, c’est de rejeter son hypersensibilité?
Malheureusement, je crois que tout hypersensible est tombé dans ce piège. On s’en veut tellement de ne pas être comme les autres… c’est pour ça que j’ai écrit mon livre, pour qu’on sorte de ça. La grande recette c’est d’explorer son don au lieu de s’en vouloir.

Je ne crois pas du tout au fait qu’il faudrait que les hypersensibles se protègent comme certains discours le prônent.

On dit beaucoup que les hypersensibles ont des difficultés, mais ils ont aussi beaucoup d’atouts. Dans un boulot, ils ne se soucient pas du pouvoir, d’écraser les autres, des fonctions. Ils ont envie de faire leur travail, ils ont plein d’idées, ils préfèrent l’harmonie à tout le reste. Ils font bouger les lignes. Il vaut la peine d’explorer ces émotions qui nous submergent. Moi, je l’ai fait en écrivant des livres. J’ai pris appui sur mon hypersensibilité pour en faire quelque chose qui me permette de vivre dans ce monde-là. Si je l’avais niée, j’aurais été très malheureux.

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