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Santé mentale

Les interventions psy en ligne, c'est quoi? Même Facebook s'y met

Le concept de lintervention psychologique en ligne en plein essor grace a la pandemie

En ce qui concerne les deuils difficiles, plusieurs études démontrent maintenant qu’on peut vraiment aider les personnes à aller mieux avec une intervention par internet.

© GETTY IMAGES/OSCAR WONG

Déjà utilisé dans certains pays nordiques et anglophones, le dispositif des interventions psychologiques en ligne est actuellement au cœur de recherches universitaires en Suisse depuis le boom des consultations en visio lors des confinements. Même Facebook s’y met. Le but? Offrir un soutien complémentaire au cabinet du psy. Entretien avec Anik Debrot, maître d'Enseignement et de Recherche en psychologie à l’Université de Lausanne.

FEMINA Une intervention psychologique en ligne, qu’est-ce que c’est?
Anik Debrot Il s’agit d’une dénomination pouvant regrouper différentes choses, d’une séance de psychothérapie en visio, finalement classique, à une consultation par échange de mail, en passant par un site web, sur lequel une personne peut avoir son propre login d’accès, afin de trouver des infos sur des thématiques spécifiques et des ressources susceptibles de la soutenir dans ses démarches.

Les interventions proposent ainsi plusieurs degrés d’accompagnement, bien que la plus commune soit le contact par mail.

Quand est apparu ce concept?
Dès la fin des années 90, plusieurs pays ont fait œuvre de pionnier en ce domaine. Ce sont notamment les pays nordiques, l’Allemagne, le Royaume-Uni mais également l’Australie, qui a vu dans ce système un outil intéressant pour résoudre les problématiques découlant de la géographie particulière de l’île-continent, où une partie de la population vit éloignée des villes, voire très isolée.

Grâce à l’expérience acquise sur le terrain et grâce aux études menées, on dispose de suffisamment de recul pour affirmer que ce concept fonctionne très bien dans certaines configurations et chez certaines personnes. La pratique de l’intervention en ligne a même parfois été, depuis, intégrée au système de soin étatique dans plusieurs pays, mais on constate un certain retard pris par les régions francophones, avec peu d’offres validées scientifiquement.

Votre projet semble montrer que les choses sont en train de changer.
L’avènement de la pandémie, la forte demande de soutien et l’explosion des consultations psychologiques à distance lors des confinements ont effectivement permis de prouver que le principe était viable, attisant l’intérêt de la recherche en Suisse. Cette période a donné un véritable coup d'accélérateur et généré une plus grande ouverture d’esprit. Une fois les résistances brisées, on a pu se rendre compte de tout ce qu’il était possible de faire en ligne.

On constate par exemple qu’il est parfois plus aisé pour les gens de se livrer devant un écran qu’en face à face.

Les données convergent aujourd’hui pour dire qu’une consultation par mail peut être aussi efficace que la thérapie en face à face pour tout un éventail de problèmes. En ce qui concerne les deuils difficiles, plusieurs études démontrent maintenant qu’on peut vraiment aider les personnes à aller mieux avec une intervention par internet.

Ceci est particulièrement important pour ce domaine, car il est encore tabou de parler de la mort et du deuil dans nos sociétés en général, et parfois aussi chez les psychothérapeutes. Ainsi, après l’Université de Berne, c’est celle de Lausanne qui lance un projet d’étude sur la question.

Quel rôle précis pourraient jouer ces interventions en ligne?
Elles peuvent avoir un intérêt dans certaines configurations, notamment pour les phases de deuil suite à un décès ou une séparation, où les réactions émotionnelles peuvent être assez similaires, comme le manque, la colère. Dans ces situations courantes, la majorité des gens se remettent par eux-mêmes, mais environ 10% des personnes concernées voient leurs difficultés perdurer. Ce qui est un vrai problème, puisque ces situations peuvent ébranler le fonctionnement et l’identité.

Reste qu’une certaine partie de ces personnes n’a pas forcément l’envie, ou ne se sentent pas assez mal pour franchir le pas et s’adresser à des professionnels. Et même lorsqu’elles le font, elles se heurtent parfois à un manque de disponibilité, des délais d’attente très longs.

En Suisse, comme ailleurs, il y a en effet davantage de gens en demande de soins psychologiques que de professionnels pour les aider.

En outre, ces problématiques de deuil et de séparation s’avèrent assez spécifiques. Les psychothérapeutes ne sont pas toujours bien formés pour ces thématiques et ne sont pas forcément à l’aise avec ça. Certes, il existe des groupes de paroles, mais ces espaces ne conviennent pas à tout le monde.

Peut-on imaginer qu’elles rendent obsolètes le cabinet du psy?
Non, les interventions en ligne n’ont pas vocation à se substituer aux consultations classiques, en particulier pour des problématiques aiguës ou complexes. En outre, elles ne conviennent pas à tout le monde. Elles doivent d’abord être pensées comme un complément, un outil de soutien supplémentaire dans l’offre existante, et elles ne remplacent pas toujours la thérapie en réel. Mais on sait désormais que ces dispositifs marchent sur une grande diversité de profils.

En quoi consiste une telle intervention?
Cela commence souvent par un site web facile d’utilisation, qui vise à guider et épauler les personnes qui s’y adressent. Elles y trouvent des réponses à certaines de leurs questions, par exemple sur les raisons de leur mal-être, ou sur le caractère normal ou non de leurs émotions. Ce genre de plateforme propose aussi des exercices.

Le protocole de suivi consiste quant à lui en une consultation par mail une fois par semaine en moyenne, ce rythme pouvant être plus ou moins élevé selon la problématique, en plus de l’accès au site. Pour notre programme LIVIA visant à soutenir les difficultés suite à une perte difficile, le suivi total s’étend sur dix séances, autrement dit pendant deux mois et demi à trois mois.

Pourrait-on bientôt voir ce système être instauré dans nos contrées?
Notre équipe, ainsi que d’autres chercheuses et chercheurs des universités suisse, travaillent à développer des interventions basées sur des connaissances valides et scientifiques. Actuellement, nous testons une intervention pour soutenir les personnes en deuil. Nos résultats préliminaires révèlent que plus de la moitié des personnes ayant uniquement choisi l’accès au site internet se disent satisfaites ou très satisfaites de ce soutien.

Elles confient s’être senties libérées d’un poids.

Ces données prouvent déjà que les interventions en ligne devraient être intégrées dans le futur au système de soin, mais bien sûr dans certaines conditions, pour combler un manque dans l’offre actuelle. Il faudra néanmoins veiller à ce que le développement de ces dispositifs ne donne pas lieu à des abus et des arnaques, car une intervention en ligne doit d’abord être validée scientifiquement et gérée par des professionnels, afin de s’assurer de son efficacité.

Les réseaux sociaux s’y mettent aussi

Le 10 octobre 2021, à l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale, le groupe Meta de Mark Zuckerberg a lancé plusieurs services d’intervention psychologique en ligne, en collaboration avec des ONG et des professionnels. Facebook a notamment inauguré plusieurs guides et outils visant à apporter un soutien aux victimes de discrimination raciale, et mis à disposition une liste de ressources recommandées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour aider les gens traversant des moments difficiles ou de crise.

De son côté, WhatsApp a collaboré avec l’UNICEF et l’OMS pour la création de plusieurs chatbots, dont le Health Alert, pour permettre à ceux qui en ressentent le besoin de communiquer sur leur mal-être et de trouver des réponses. Il est également possible de rejoindre des communautés de discussion. Gros bémol toutefois: ces services ne sont pas tous disponibles dans nos régions.

Sur Facebook:

Page dédiée à la santé émotionnelle

Page pour la prévention contre le suicide

Sur WhatApp:

Chatbot proposé par l'OMS

Sur Messenger:

I Care for You, un sticker pour aider à démarrer une conversation en réaction à des propos difficiles.

Site du projet mené par l'Université de Lausanne

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