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Guerre, Covid, climat… Comment préserver les enfants?

Guerre, Covid, climat… Comment préserver les enfants?

«Il est important de s’intéresser à ce que voient les enfants, de pouvoir en discuter, partager en famille sur ces sujets. Il ne faut pas les laisser seul-e-s avec ces visuels, mais les accompagner dans leurs questionnements.» - Hélène Faignot, pédopsychiatre fribourgeoise

© GETTY IMAGES/CATHERINE FALLS COMMERCIAL

FEMINA Guerre en Ukraine, réchauffement climatique, pandémie… À partir de quel âge un enfant peut-il se sentir affecté par ce qui se passe dans l'actualité?
Hélène Faignot Ils peuvent se sentir affectés à tout âge, mais avec des questionnements et des ressentis très différents. À partir de trois ou quatre ans, généralement, l’enfant commence à avoir un raisonnement plus complexe, à réfléchir à ce qui se passe autour de lui. Il va pouvoir alors penser les choses, notamment la question de la guerre ou du Covid, car l’impact se voit, se ressent. La question du réchauffement climatique est probablement plus complexe à comprendre à cet âge-là. Les petits vont saisir des concepts plus ou moins vagues, des images, des discussions entre adultes et demander des explications. Dès qu’ils savent lire, ils sont moins protégés.

Quels signes devraient alerter les parents?
Les signes de souffrance ne sont pas spécifiques à cette problématique. Cela peut se traduire par exemple par des difficultés d’endormissement, une plus grande agitation, davantage d’anxiété par exemple. Les enfants sont des éponges, ils absorbent les émotions. S’ils peuvent poser des questions et que les parents répondent, cela leur permet de réguler leur ressenti. Mais effectivement, certains enfants qui ont déjà vécu des choses difficiles peuvent être davantage affectés par la menace d’une maladie ou d’une guerre.

Faudrait-il directement aborder le sujet de la guerre avec les enfants?
Cela dépend de l’âge et des circonstances. Pour les petits, il est préférable d’attendre que cela émerge d’eux. Il ne faut pas vouloir cacher à tout prix, mais les confronter directement à la réalité de la guerre est contre-productif. Il ne faudrait pas être pro-actif, mais se préparer à répondre aux questions si elles surviennent. D’une manière ou d’une autre, les plus grands y auront accès, et c’est à ce moment-là que l’encadrement prodigué par un adulte est essentiel. Les images de guerre, de violence au sens large, ne sont pas nouvelles malheureusement. Ce qui est inédit, c’est que cela occupe le devant de la scène médiatique, il n’est pas évident de s’y soustraire.

Il est important de s’intéresser à ce que voient les enfants, de pouvoir en discuter, partager en famille sur ces sujets. Il ne faut pas les laisser seul-e-s avec ces visuels, mais les accompagner dans leurs questionnements. Et initier un dialogue, une discussion, si cela ne vient pas d’eux spontanément.

Comment s'y prendre pour les préserver?
L’idée n’est pas de les préserver des informations, car ils vont les avoir d’une façon ou d’une autre. C’est un thème qui occupe toutes les sphères ou presque, beaucoup en parlent à l’école. Par contre, il est important de les protéger de cet accès immédiat à tout: on peut alors facilement se sentir assailli lorsque l’on fait face à un flot incessant de nouvelles, de photos. Il peut être intéressant, pour les adultes également, de se limiter à consulter l’actualité une à deux fois par jour. Il est important de préserver des espaces où la vie et les préoccupations quotidiennes prennent le dessus, avec les joies et les peines que l’on connaît. Cela devient dangereux lorsque la menace empiète sur toutes les sphères. La capacité des enfants à créer, jouer, rêver doit rester intacte.

Comment gérer les peurs et les cauchemars?
Ce qui est important, c’est que les enfants puissent s’exprimer et que les adultes puissent les écouter et donner des explications adaptées et rassurantes. Lorsque l’on fait face à un petit enfant qui commence à dessiner des armes, à jouer à la guerre, cela peut choquer. Or, ce n’est pas pour autant inquiétant: un enfant qui s’exprime, c’est toujours un bon signe. Ensuite, il faut trouver les mots pour le rassurer, sans l’inquiéter, le faire relativiser.

Quel comportement les parents devraient-ils adopter, lorsqu'eux-mêmes sont paniqués au sujet de l'actualité?
Le Covid, puis aujourd’hui la guerre, peuvent impacter de manière sournoise les familles. Il est toujours compliqué de prévoir des week-ends, des vacances, des activités, ces moments où chacun-e se ressource généralement. Ces rituels qui permettent de réguler les conflits et les choses qui se passent dans la vie quotidienne ont été bouleversés.

Je crois que toutes et tous, nous nous sentons menacé-e-s en ce moment. Mais il est important de faire la part des choses et de retrouver en tant qu’adulte, en tant que parent, suffisamment de calme pour donner des réponses puis passer à autre chose. Il ne faut pas se sentir coupables de cela: c’est ce qui nous permet de continuer à créer, à travailler, à vivre.

Il est essentiel de s’informer correctement et de se renseigner sur les manières d’agir, d’aider, en impliquant l’ensemble de la famille. Les adultes devraient trouver les moyens de se rassurer, pour pouvoir ensuite, à leur tour, rassurer leurs enfants. Lorsqu’on est suffisamment outillé et équilibré pour s’informer, pour avoir des échanges, cela régule l’inquiétude. Ce que nous vivons actuellement touche effectivement quelque chose d’intime chez nous, nous avons toutes et tous une façon subjective de vivre cette menace, ce stress, selon notre sensibilité, notre vécu. Quand on se sent débordé-e, que l’on a du mal à retrouver du calme, il ne faut pas hésiter à demander de l’aide de professionnel-le-s, afin de comprendre ce qui nous touche particulièrement et pour quelles raisons se sent-on envahi-e-s. Cela permet de retrouver suffisamment de calme pour continuer à vivre notre quotidien le mieux possible et de s’engager si l’on s’en sent capable.

Comment les aider à rester des enfants, à cultiver leur innocence, en ces temps compliqués?
Ce qui est en train de se passer représente une vraie menace, également pour le psychisme. Mais nous avons toutes et tous des ressources, et les enfants aussi. Il est capital qu’il y ait toujours des espaces où les enfants peuvent jouer et oublier. Il faut leur permettre d’être des enfants, simplement. Chanter, dessiner, bouger est essentiel pour leur bien-être. Il faudrait pouvoir parfois oublier les choses qui font peur pour se focaliser sur celles qui sont porteuses. Actuellement par exemple, on constate un véritable élan de solidarité autour de la guerre en Ukraine, on assiste à des mobilisations extraordinaires. Se focaliser sur ces aspects porteurs permet de ne pas se laisser trop envahir par ce qu’il y a de menaçant, de négatif.

Comment cette anxiété pourrait-elle impacter la vie future des enfants d’aujourd’hui?
Nous sommes dans une situation de crise, mais cela n’est pas nouveau malheureusement. Depuis le 11 septembre, nous devons toutes et tous apprendre à composer avec ce climat anxiogène. Il est vrai que le Covid a précipité cette crise, mettant en évidence le fragile équilibre du monde, et toutes les choses à changer à différents niveaux pour le préserver.

La guerre est un traumatisme, c’est certain. Les jeunes font partie d’une génération qui se sait vulnérable. La crise sanitaire l’a démontré, la guerre accentue cette perception.

Pour les générations à venir, intégrer cette notion de vulnérabilité, de fragilité, va être un défi. Il va falloir être inventif pour composer avec cette prise de conscience des incertitudes de notre monde. Par leurs questionnements, leurs actions, les enfants, souvent, nous montrent comment innover. Il faut avoir confiance en eux, en leur capacité à créer. Ils vont nous apprendre, on doit les écouter.

5 ressources à consulter:

Ciao.ch, un portail d’informations, d’aides et d’échanges qui regorge de conseils et de bons plans sur la thématique de la violence, mais également en lien avec la famille, l’estime de soi, la sexualité, etc.

Brouhaha: l’émission radio de la RTS a consacré un sujet à la guerre en Ukraine. Korine Amacher, professeure d’histoire de la Russie et de l’URSS à l’Université de Genève répond aux questions des enfants. Le réchauffement climatique et le Coronavirus ont également été traités par Anouck Merz et son équipe.

Palmir, de Gilles Baum et Amandine Piu (Éd. Amaterra): le récit s’adresse à des enfants âgés de 3 ans ou plus. L’album raconte l’histoire d’un petit dragon qui fuit son pays avec, pour seul bagage, une valise vide. Grâce à son inventivité, il va pouvoir s’en servir pour franchir bien des obstacles.

Les Chaussures de Gigi Bigot, Pépito Matéo et Isabelle Chatellard (Éd. Didier Jeunesse): les sobres dessins d’Isabelle Chatellard nous plongent dans l’histoire de deux petites chaussures qui ne peuvent plus avancer, bloquées par la neige et le froid. La guerre, mais aussi la fuite et la peur, sont abordés avec subtilité et pudeur. À recommander pour les enfants dès 6 ans.

Partir au-delà des frontières, de Francesca Sanna (Éd. Gallimard Jeunesse): avec ses magnifiques illustrations, l’ouvrage permet d’aborder le thème de l’exil. L’histoire raconte le périple d’une maman et de ses deux enfants qui fuient la guerre et tentent de trouver un endroit où vivre en paix (dès 8 ans).

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