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Comment ne pas culpabiliser quand on ralentit le rythme en été

Psycho comment ne pas culpabiliser quand on ralentit le rythme en ete

«Sans moments de repos quotidiens, notre cerveau aura plus de mal à apprendre et à s’adapter aux événements de la journée. [...] Le repos fait donc partie intégrante du travail.» - Sarah Bezençon, psychologue FSP

© GETTY IMAGES/MALTE MUELLER

Toute l'année, on ne rêve que d'une chose: s'allonger au soleil sur une serviette moelleuse avec un livre, les orteils en éventail, notre to-do list exilée dans un tiroir fermé à double tour. L'idée est à faire pleurer d'envie, surtout quand le stratus de novembre se dépose sur notre humeur comme un rideau gris. Alors pourquoi, le moment venu, est-il si laborieux de décrocher totalement? Pourquoi culpabilise-t-on, même par 35 degrés, de ne pas avoir fait le ménage ou d'avoir repoussé notre cours de spinning pour se reposer au frais?

La question s'avère plutôt complexe, surtout en été, saison des vacances et de la farniente. Car parfois, c'est dans les moments d'oisiveté qu'on réalise à quel point notre quotidien est effréné, à quel point nous peinons à accepter l'idée de rien faire. Oui, il s'agit bien de l'accepter, sans s'autoflageller lorsqu'une journée n'a pas donné lieu à douze pots de confiture maison, une séance de yoga, un cours en ligne et un repassage de chemises.

«J’ai l’impression que cela vient d’un apprentissage acquis très tôt, à l’école ou au sein de notre famille, explique la psychologue FSP Sarah Bezençon. Nous sommes conditonné-e-s par un grand nombre de pressions différentes pour être des agents de production. Cela représente également un héritage social, sachant que les anciennes générations étaient formatées pour travailler à longueur de temps et que, dans beaucoup de pays occidentaux, les congés payés n’ont été légalisés qu’au XXe siècle.»

La culpabilité est une illusion de contrôle

Ainsi, le repos, malgré son caractère indispensable, se trouve relégué au second plan et moins valorisé: «Le travail est une institution et, dans notre société, il attribue de la valeur aux gens, poursuit la psychologue. Nous nous y identifions parfois de manière disproportionnée, en oubliant que notre personne ne se limite pas à un emploi. Lors d’une soirée par exemple, quand on fait la rencontre de quelqu’un, la première chose qu’on lui demande est quelle est son activité.»

Voilà qui pourrait expliquer les petites voix culpabilisantes qui résonnent dans l'esprit de nombreux-ses d'entre nous, dès qu'on s'installe sur un transat avec la ferme intention de se laisser vivre. «Nous sommes aussi conditionné-e-s à ressentir de la culpabilité quand nous allons à l’encontre de la norme, précise Sarah Bezençon.

Notre société impose de plus en plus une certaine manière de vivre, un certain idéal. Dès que nous avons le sentiment de faire quelque chose qui ne respecte pas totalement cela, on culpabilise.»

Mais ce sentiment pernicieux s'ancre plus profondément qu'on le pense: en plus de refléter de très hautes exigences, de la part de la société et de nous-mêmes, elle peut représenter un rejet de notre besoin de repos: «Il s'agit parfois d’une manière de lutter contre le sentiment d’impuissance, car en culpabilisant, on se persuade qu’on aurait pu faire autrement, que la situation ne tenait qu’à nous et qu’on avait du contrôle, relève l'experte. C’est une manière de nier le fait que nous ne sommes pas des machines inépuisables.»

Comment lutter contre ce mécanisme

Heureusement, bien qu'il s'agisse d'un schéma de pensée intégré depuis des années, il est possible de déraciner ce conditionnement. Sarah Bezençon précise toutefois que cela demandera un effort au début: «Il s’agit de changer notre discours intérieur, en repérant dans quelles situations nous avons tendance à culpabiliser.

Plutôt que de ressasser ce qu’on aurait pu faire de plus, mieux ou autrement, il pourrait par exemple être bénéfique de se répéter qu’on a fait de notre mieux.»

Afin de remonter à l'origine de ce conditionnement et mieux comprendre quelle part de ces réflexes nous a été inculquée par mimétisme, la psychologue cite trois questions à se poser: Quelle voix résonne dans notre tête lorsqu'on se reproche de prendre du repos? Quel comportement reproduisons-nous ou quelle personne essayons-nous inconsciemment de rendre fière, en agissant ainsi? Quelle part de ces réflexes nous appartient à nous, et seulement à nous?

D'un autre côté, ce processus doit passer par une forme d'acceptation: «Il s’agit aussi de s’autoriser à s’adapter au rythme des saisons, d’accepter que nos organismes ont besoin de repos et de temps, en été, pour s'acclimater à la chaleur, explique Sarah Bezençon. De même, au cours d’une seule journée, il faut comprendre que certains moments sont plus productifs que d’autres. Et c’est totalement normal!»

L'importance sous-estimée des pauses quotidiennes

Normal, oui, et même complètement indispensable. Notre experte rappelle que le cerveau fonctionne sur des alternances de rythme: en effet, si l'on est concentré-e durant un certain laps de temps, celui-ci devrait être suivi d'un moment naturel de repos. «Notre physiologie est basée sur cette succession de phases d'attention et de phases d'inattention. Ces dernières sont très importantes, car notre cerveau a besoin de ces moments de repos pour trier les informations. Si nous remplissons ces temps de pause de stimuli constants, on aura plus de mal à recharger nos batteries, à apprendre et à s’adapter aux événements de la journée.

Pour cette raison, les psychologues du travail répètent souvent que le repos fait partie intégrante du travail.»

En 2022, les instants de silence et de vraies pauses se font de plus en plus rares: réseaux sociaux, AirPods et autres plateformes de streaming nous bombardent constamment de stimuli... au point où ils nous manquent lorsqu'on s'en prive pendant quelques minutes! «Nous sommes devenu-e-s tellement multitâches depuis l’invention des smartphones et cela est addictif, déplore Sarah Bezençon. Même quand elles doivent simplement étendre une lessive, de nombreuses personnes pensent qu’elles devraient profiter de ce moment pour apprendre quelque chose, pour écouter un podcast ou de la musique, tout en pliant leur linge… Cela peut nous rendre plus nerveux-ses ou anxieux-ses, car nous perdons ainsi l’habitude essentielle de décrocher.»

Alors, cet été, quand on s'allongera enfin sur cette serviette moelleuse, on ne gardera qu'un seul point sur notre to-do list: couper le son, ôter les écouteurs et écouter le bruissement des feuilles, le chant (le caquètement) des mouettes et le roucoulement des colombes. Peut-être que c'est ça, la voix du bonheur.

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