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Guerre en Ukraine

Violences: Les Ukrainiennes sous la menace des prédateurs

Violences des millions dukrainiennes sous la menace des predateurs

«À cause d’un certain imaginaire, les femmes slaves font toujours l’objet d’un regard masculin sexualisé», note Léa Moreau Shmatenko, chercheuse au Global Studies Institute (GSI) de l’Université de Genève et spécialiste des migrations post-soviétiques.

© GETTY INAGES/SEAN GALLUP

Vladimir Poutine est obsédé par l’Ukraine, mais pour certains hommes, l’intérêt, ce sont plutôt les Ukrainiennes. Le 24 février 2022, l’invasion n’avait commencé que depuis quelques heures à peine que, déjà, on signalait que de nombreux soldats russes tentaient de draguer les femmes locales sur l’application de rencontre Tinder. Au fil des attaques, des bombardements et des menaces opérés par le Kremlin, la détresse et la vulnérabilité des Ukrainiennes n’a fait qu’augmenter, mais un certain regard lubrique masculin, lui, n’a pas cessé pour autant.

Au contraire: plus le pays s’enfonce dans la guerre et plus ses habitantes suscitent une attention pas tout à fait désintéressée. Il y a quelques jours, un député brésilien, qui venait de rentrer d’une mission soi-disant humanitaire sur les lieux du conflit, s’est ainsi retrouvé au cœur d’une polémique après que plusieurs de ses messages vocaux ont fuité dans la presse. Le problème? Sa manière peu philanthrope d’envisager les Ukrainiennes sur place. «Elles te regardent et elles sont faciles, parce qu’elles sont pauvres. Je viens de traverser la frontière entre la Hongrie et l’Ukraine et je n’ai jamais vu autant de jolies filles», a-t-il raconté à un proche. Des propos qui ont jeté un doute sur les véritables motivations de son voyage.

Criminels et délinquants sexuels aux aguets

Aujourd’hui, plus de 3 millions de personnes ont déjà fui l’Ukraine, essentiellement des femmes, souvent accompagnées d’enfants. Les hommes âgés de 18 à 60 ans, mobilisés pour les combats, ne sont, eux, généralement pas autorisés à franchir la frontière. Les Ukrainiennes se retrouvent donc seules, isolées et sans beaucoup d’argent une fois arrivées en Pologne, en Hongrie, en Roumanie, en Slovaquie, en Moldavie, ou parfois en Russie.

«Nous sommes inquiets, car les fuites de masse présentent des risques spécifiques pour ces populations, qui peuvent attirer les criminels de toutes sortes, pointe Anja Klug, cheffe du Bureau pour la Suisse et le Liechtenstein de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). La vulnérabilité des femmes dans ce type de situation attire toujours des gens cherchant des victimes faciles à abuser ou à exploiter sexuellement.»

Hébergement sur critères

Internet, ces dernières semaines, a effectivement prouvé que les Ukrainiennes faisaient l’objet d’un fantasme malsain en train de se répandre autour du globe. L’association StopFisha a ainsi dénoncé une hausse des recherches ukrainian girls ou ukrainian porn sur les sites pornographiques depuis les premières vagues de réfugiés. De son côté, l’administrateur d’un groupe Facebook flamand voué à l’accueil des Ukrainiens fuyant la guerre, Steun Oekraïne, s’est dit atterré de lire de nombreux messages d’internautes masculins, volontaires pour héberger des femmes «belles, jolies, intelligentes et attentionnées».

Ruée dans les agences matrimoniales

Mêmes propositions indécentes venues d’Asie, où on semble aussi avoir un faible pour les Ukrainiennes en transit. Un article du magazine Vice recense plusieurs groupes de discussion sur le réseau social chinois Weibo, avec des hommes souhaitant faire venir une Ukrainienne à domicile, prêts à se montrer solidaires et bien plus si affinités. «Priorité sera donnée à celles qui sont jeunes, jolies, célibataires et bien faites. La guerre est cruelle, mais l’homme est un être plein d’amour», écrit sans sourciller l’un des participants.

Cette convoitise opportune se ressent également au sein des agences matrimoniales. Un responsable du site de rencontre UkReine.com, qui met en contact des hommes européens avec des prétendantes slaves, nous confie ainsi que les demandes pour les femmes ukrainiennes ont doublé depuis le mois de février. «On est passé de dix à vingt hommes par jour cherchant une fiancée venue de ce pays, explique-t-il. Certains passent même par nous pour se proposer d’héberger des réfugiées, mais ce n’est évidemment pas notre travail. Ils ne comprennent pas toujours qu’actuellement, les Ukrainiennes ne sont pas trop en recherche de l’amour, elles luttent pour leur survie et ne s’inscrivent plus à ce type de service.»

Féminines et peu féministes

En effet, un stéréotype fort frappe encore les natives d’Europe de l’Est, note Léa Moreau Shmatenko, chercheuse au Global Studies Institute (GSI) de l’Université de Genève et spécialiste des migrations post-soviétiques: «À cause d’un certain imaginaire, les femmes slaves font toujours l’objet d’un regard masculin sexualisé. Les hommes étrangers les voient comme d’une beauté supérieure à la moyenne, mais aussi comme des partenaires dociles, passives, féminines et peu féministes, voire vénales donc peu regardantes sur les caractéristiques de Monsieur. Pourtant, les études montrent que les candidates s’inscrivant aux programmes des agences matrimoniales cherchent plutôt des hommes fiables avec une vision plus égalitaire au sein du couple.»

La surreprésentation des Ukrainiennes parmi les actrices pornos et autres modèles érotiques suivis par les hommes en ligne concourt, en outre, à alimenter ce fantasme de femmes à disposition du désir masculin.

Un statut protecteur

Ces initiatives plus lubriques que solidaires demeurent, on l’espère, marginales, et ne doivent pas freiner l’immense mouvement européen pour accueillir les Ukrainiennes et Ukrainiens.

«Bien sûr on salue la grande solidarité des personnes qui veulent aider, il faut se réjouir d’être dans une société si généreuse, relève Anja Klug, mais certaines personnes ont d’autres intentions et il est de la responsabilité des autorités de veiller à la sécurité des personnes réfugiées. Ce qu’il faut réussir à faire, c’est centraliser les offres d’hébergement dans chaque pays et établir des critères que les hôtes doivent remplir.»

L’octroi rapide d’un statut légal de protection aux personnes réfugiées venues d’Ukraine, décidé par l’Europe et la Suisse, «est aussi une bonne mesure pour lutter contre les risques d’abus et d’exploitation, car cela pousse moins les migrantes et migrants à passer par des réseaux parallèles», constate Léa Moreau Shmatenko. Preuve que les inquiétudes des ONG sont fondées, un homme a été arrêté cette semaine, en Pologne, pour le viol d’une Ukrainienne de 19 ans qu’il hébergeait chez lui.

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