technologie
Univers virtuel: Tout le monde dans le métavers?
FEMINA Qu’est-ce exactement, ce fameux métavers?
Fanny Parise D’un point de vue anthropologique, on le définit comme un espace virtuel hébergeant des interactions et des pratiques sociales. Mais ce qui complique beaucoup notre perception du sujet, c’est qu’il existe tout un imaginaire fort autour de ça, porté notamment par les jeux vidéo et la fiction. On y projette nos peurs des excès de la technologie et de la gestion opaque des données personnelles. Cela, évidemment, attise les passions.
Est-il pertinent de le comparer à Second Life, ce jeu lancé en 2003 proposant de se créer une existence parallèle dans un univers virtuel commun?
Les jeux Second Life, Animal Crossing ou encore Fortnite sont des métavers car ils assurent une continuité des comportements sociaux, mais dans la sphère virtuelle. On ne s’en rend peut-être pas encore compte, mais ces métavers sont déjà très présents dans notre quotidien, en particulier depuis la pandémie, qui a vu une augmentation de l’usage des pratiques virtuelles.
À l’ère où nous sommes à mi-chemin entre présentiel et télétravail, le métavers jouera-t-il un grand rôle, comme le croit Microsoft?
Il pourrait effectivement remplacer une grande partie des pratiques physiques et des modes d’interactions. De plus en plus d’entreprises développent des espaces virtuels pour leurs collaborateurs et leurs clients.
Pour autant, son avènement est-il si proche de nous, comme le laisse penser Facebook?
Il y a un effet d’annonce où nos croyances anticipent de loin ce qui existe déjà. On projette trop de fantasmes sur le métavers. Or, il ne faudrait pas oublier qu’il reste encore beaucoup de chemin à faire pour y arriver. Certes, on dispose déjà de casques virtuels, de salles immersives, de combinaisons haptiques faisant ressentir le toucher d’objets qui n’existent pas devant nous, on a vu apparaître une panoplie d’objets connectés faisant coïncider nos sens physiques avec ceux dans cet univers virtuel, mais toute cette technologie est encore loin d’être aboutie.
D’autant plus que demeurent en suspens plusieurs questions de taille sur l’identité de ceux qui construiront et géreront ce métavers.
Le défi est ainsi de réussir à mettre en place tout cet écosystème parallèle. Il y a déjà toute la partie technique, sans parler des serveurs et des processeurs ultra-performants à développer pour gérer cette gigantesque masse de données. D’autres chapitres restent entièrement à écrire. Par exemple, la question de la gouvernance. Qui dirigera ce métavers? Une seule entreprise? Des États? Car il peut y avoir un seul et unique métavers, tout comme il peut en exister autant qu’il y a d’entités, ensuite connectés entre eux.
Mais le premier arrivé ne sera pas forcément le plus souhaitable, le plus éthique. Il suffit de regarder les scandales à répétition de Facebook…
Plusieurs observateurs évoquent d’ailleurs le risque d’un retour au féodalisme en mode technologique, qui pourrait mener à une hégémonie numérique. Le plus probable est, au début, qu’on assiste à la naissance d’une constellation de métavers qui, petit à petit, vont s’agréger dans un technoféodalisme.
Comment savoir si l’emballement actuel et la révolution qu’on annonce ne seront pas juste un pétard mouillé, comme celui de la 3D avec Avatar?
L’impulsion donnée par Facebook ne va pas faire pschitt. Elle aura un effet boule de neige et fonctionnera comme une prophétie autoréalisatrice. Il est clair que le métavers est la suite logique d’internet. Il permettra d’apporter des choix supplémentaires dans les possibles, au-dessus des contraintes physiques actuelles.
Plusieurs marques de luxe ont déjà initié des collections adaptées aux avatars, certains géants immobiliers achètent des terrains virtuels pour plusieurs millions… C’est un territoire vierge à préempter qui offrira une réponse aux espaces réels parfois saturés.
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