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Témoignages: ces femmes qui se sont lancées dans l’investissement

Témoignages: ces femmes qui se sont lancées dans l’investissement

Pas assez de temps à disposition, trop peu de connaissances, peur de ce domaine et de ses codes, les barrières sont multiples, mais la crise que nous traversons, qui bouscule le système, semble tout remettre en question.

© Getty Images

Seules trois femmes sur dix gèrent leurs avoirs, les sept autres ne s’impliquent pas dans les décisions financières à long terme, déléguant cette tâche à leur partenaire. C’est le constat d’une enquête menée en début d’année par UBS. «Le manque de connaissances sur le sujet est abyssal, déplore Katell Bosser, spécialiste en gestion financière. Pourtant, placer son argent, c’est voter, soutenir une économie qui nous ressemble.» Cela est d’autant plus important lorsque nos chemins de vie ne sont pas linéaires, que nos carrières connaissent des pauses et que nos salaires restent plus bas que ceux de nos collègues masculins.

Pas assez de temps à disposition, trop peu de connaissances, peur de ce domaine et de ses codes, les barrières sont multiples, mais la crise que nous traversons, qui bouscule le système, semble tout remettre en question. Durant le confinement, de nombreuses femmes ont suivi des formations en ligne pour se familiariser avec l’investissement et les banques online ont pulvérisé leurs records. Swissquote a enregistré plus de 50 000 ouvertures de comptes au premier semestre, alors qu’elle en comptabilisait 30 000 sur l’ensemble de l’année 2019. Les boursicoteuses ne sont pas en reste: sur Yova, plateforme suisse d’investissements se voulant durable et transparente, le nombre de femmes est plus important que la moyenne. Le début d’une nouvelle ère, marquée par l’investissement au féminin? Quatre femmes partagent leurs parcours et nous racontent ce qui les a motivées à se lancer.

Nathalie, 35 ans, active dans les ressources humaines (canton de Zurich)

Je me suis inscrite à la formation d’Aysha van de Paer* au mois de juin. J’ai un parcours très littéraire, le monde de la finance m’était totalement étranger. Je n’avais aucune connaissance en investissement. A 35 ans, j’avais envie de mettre de l’argent de côté, de m’occuper de moi à ce niveau-là. Grâce à ce cours, j’ai acquis de solides connaissances, une meilleure compréhension de l’univers financier. Cela m’a ouvert un monde que je ne connaissais pas du tout et m’a donné une certaine confiance en moi.

Je comptais faire appel à un conseiller financier pour être certaine de mes choix, mais grâce à mes nouvelles compétences, j’ai pu le challenger, je lui ai posé énormément de questions, et j’ai finalement réalisé que je n’avais pas besoin de lui, je pouvais tout à fait procéder seule à mes investissements. Remettre en question les normes établies est extrêmement stimulant. Cela permet également de se poser des questions cruciales sur son avenir: où en sera-t-on dans 30 ans, de combien d’argent aura-t-on besoin à la retraite? On pense toujours qu’on a le temps de voir venir, mais une planification sur le long terme est essentielle pour ne pas avoir de mauvaises surprises.

No risk, no fun

J’ai ouvert deux comptes en 30 minutes, c’était extrêmement rapide. Depuis, je ne me connecte vraiment pas souvent. Je jette un coup d’œil tous les 15 jours, mais je n’effectue pas de transactions. C’est très éloigné de l’image qu’on a des boursicoteurs qui scrutent les cours, vendent et achètent à longueur de journée. C’est pourtant la stratégie qui fonctionne le mieux sur le long terme: moins on y touche, mieux c’est!

Ma devise? No risk, no fun! Je n’ai pas vraiment eu peur au moment de me lancer. Je n’ai pas de famille à charge, pas de crédits, je pouvais totalement me le permettre étant donné ma situation.

Par ailleurs, je préfère investir pour mon avenir plutôt que de dépenser des sommes folles pour des chaussures ou des sorties au restaurant. Mes proches m’ont pleinement soutenue. Beaucoup m’ont dit que si je ne le faisais pas maintenant, j’allais le regretter. Et c’est vrai, je m’en veux même de ne pas m’être lancée avant. Cette indépendance est primordiale pour moi.

Je parle ouvertement de la manière dont je gère désormais mes finances et j’ai l’impression que c’est un sujet qui se démocratise de plus en plus, ce n’est plus tabou. Je n’ai pas grandi avec ces thématiques, mes parents ne m’ont jamais parlé d’investissement. Si l’une de mes collègues ne m’avait pas parlé de ce cours, et si je n’avais pas eu cette curiosité intellectuelle, je n’en serais pas là aujourd’hui.

* Après un master en investissement immobilier et plusieurs années à exercer dans ce domaine concurrentiel, Aysha van de Paer a lancé InvestLikeAysha, un blog qui apprend aux femmes à investir. Elle propose plusieurs cours en ligne sur ce dernier.

Élodie, 26 ans, pharmacienne doctorante (canton de Berne)

Il n’y a pas vraiment eu de déclic, je me suis lancée dans l’investissement après une réflexion sur le long cours. Passée du statut d’étudiante à celui d’employée, je me suis demandé de quelle façon je pouvais exploiter l’argent que j’épargnais sans le laisser bêtement dormir sur un compte. Je me suis ainsi inscrite sur la plateforme Yova au mois de mars. J’ai beaucoup aimé qu’on puisse choisir les entreprises qu’on soutenait selon leurs considérations éthiques et nos intérêts personnels. De plus, je n’ai pas besoin de me connecter chaque jour ou d’effectuer des transactions, le gestionnaire de fortune fait travailler mon argent sans que j’aie à m’en charger.

Je finance des entreprises sensibles à l’égalité salariale, au congé paternité. Pour moi, il est essentiel qu’une femme puisse allier carrière et vie familiale. Je suis aussi très soucieuse de la cause environnementale et je soutiens ainsi activement les firmes qui proposent des solutions alternatives, par exemple dans le domaine de la mobilité douce ou du recyclage des déchets. Avoir un impact en subventionnant directement de telles initiatives me parle beaucoup.

Le sujet n’est pas du tout tabou dans mon entourage, j’en parle volontiers. Beaucoup se sont d’ailleurs lancés durant le confinement. En regardant autour de moi, j’ai l’impression que nous sommes nombreux à nous poser les mêmes questions. Ce n’est pas une décision à prendre à la légère. J’ai investi de l’argent dont je pourrais me passer, ce n’est pas quelque chose dont j’aurai besoin dans l’immédiat. Le risque, c’est que je le perde. J’espère que les choses évolueront positivement, mais rien ne me le garantit.

Ça fait partie du jeu, il faut l’accepter lorsqu’on investit, mais je suis jeune, je n’ai pas le poids d’une famille ou d’une maison sur les épaules, ça me laisse une certaine liberté financière.

«Mon Dieu, qu’est-ce que tu as fait?»

Dans ma famille, l’investissement n’est pas quelque chose qui se pratique. Certains proches n’ont pas compris, ils m’ont regardé d’un œil mauvais en me disant: «Mon Dieu, qu’est-ce que tu as fait?» Toutefois, en leur expliquant ma démarche, ils ont finalement trouvé que c’était une bonne idée. Par contre, je n’ai pas encore réussi à les convaincre de suivre mon exemple, ils sont encore un peu réfractaires.

Au début, je suivais chaque jour l’évolution des marchés. Depuis, les choses ont changé et je me connecte une fois par semaine. Indirectement, en investissant, j’ai appris énormément de choses. J’ai commencé à suivre de près les différentes entreprises que je finance. Ça me permet de me former indirectement, de comprendre les rouages de cet univers. J’ai ainsi pu acquérir une certaine indépendance, je comprends mieux les actions, les obligations, etc. Et si un jour je dois gérer seule mon portefeuille, je sais que j’en serai capable.

Sylvie, 41 ans, entrepreneure dans le domaine de la beauté (canton de Vaud)

Je ne me suis pas encore lancée, mais j’ai pris la décision de le faire. J’ai envie de placer l’argent que j’ai de côté, car je me suis bien rendu compte que le mettre sur un compte épargne ne rapporte plus rien. Je me suis sentie démunie, car je n’avais jamais fait ça. J’ai alors suivi la formation de Katell Bosser*, Apprendre à investir durablement.

Grâce à ce cours, j’ai acquis de précieuses connaissances et j’ai réalisé à quel point le fait d’investir me permettrait d’avoir un impact sur l’économie réelle. Investir, c’est décider de soutenir des entreprises qui partagent mes valeurs. Actuellement, j’ai un compte 3e pilier auprès d’une assurance et un compte épargne dans une grande banque, mais je n’ai aucun contrôle sur la façon dont cet argent est utilisé! J’ai pris conscience du fait qu’en investissant, je pouvais, à mon échelle, influencer positivement les compagnies qui me tiennent à cœur. Le risque ne m’effraie pas, il me semble proportionnel au gain que l’on peut en tirer. Je suis tranquille avec cette idée. De plus, je n’ai pas besoin de cet argent à court terme, je pense le récupérer dans 20 ou 25 ans. Je vais également faire un mix entre actions et obligations pour limiter la prise de risque.

Ne plus subir le système

Les multiples crises que nous traversons, tant sociales qu’écologiques ou sanitaires, m’ont fait perdre confiance dans les institutions. Le climat actuel a contribué à ma prise de conscience. J’ai envie d’avoir un impact, de maîtriser les choses et de savoir à qui m’en prendre si ça ne fonctionne pas. Je ne veux plus subir simplement le système économique sans essayer de faire bouger les choses.

* Katell Bosser a été infirmière, puis responsable administrative, avant de créer son agence de rédaction puis l’association suisse des Mampreneurs. Elle s’intéresse à la permaculture et n’hésite pas à transposer les principes de celle-ci à différentes sphères, à l’instar de la finance.

Sandrine, 37 ans, entrepreneure dans le milieu de la construction (canton du Valais)

Le confinement a presque été une aubaine pour moi, car j’avais prévu d’investir depuis un moment déjà, mais je n’avais jamais pris le temps de m’y intéresser vraiment. Débutant en mars, au tout début de la crise, le cours d’Aysha van de Paer, Invest Like Aysha, est tombé à pic. Ça m’a permis d’investir au bon moment, les marchés étant très bas durant cette période.

Je m’étais déjà approché de mon banquier auparavant, mais je ne savais pas comment m’y prendre. C’est toujours compliqué, on ne comprend pas tout à fait ce que la banque nous explique, on a toujours un peu le sentiment de se faire avoir. Le cours a été un déclic, une découverte. Il m’a permis de devenir pragmatique sur ma manière d’investir, d’être au clair sur la méthode que j’allais mettre en place. J’ai réalisé un plan budgétaire, je sais exactement quel argent va pour quel poste. Le gros avantage de la méthode d’Aysha? Elle nous apprend à investir de manière passive. On ne doit pas s’en soucier au quotidien, bien au contraire. Il suffit de se connecter tous les six mois, voire une fois par an, pour suivre l’évolution de ses investissements.

Commencer à boursicoter chaque jour, ça n’est pas du tout gérable. D’autant plus qu’on a alors bien plus de risque de perdre de l’argent…

Mes proches me soutiennent dans ce projet. Mon ami investissait déjà, il a trouvé génial que je me lance aussi. En suivant le cours, j’ai aussi pu lui montrer différents outils qu’il ne connaissait pas. C’est moi qui lui donne des conseils désormais! Dans mon entourage, je constate que très peu de femmes se lancent. Ce sujet les laisse de marbre, c’est vraiment dommage. J’essaie d’expliquer à mes amies proches ma démarche. Certaines se montrent ouvertes, d’autres me répondent clairement que c’est leur mari qui gère les finances. Pourtant, c’est tellement important de s’intéresser à ces thématiques! Il est capital de se prendre en charge, de ne pas être passive. On ne sait jamais ce que l’avenir nous réserve, se reposer sur l’autre pour toutes les questions financières est une grave erreur selon moi.

Oser, enfin!

Je m’étais beaucoup renseignée avant de franchir le pas, je me rendais bien compte qu’investir devait se faire sur le long terme. Cela ne m’a pas effrayée, c’est dans mon caractère, je n’ai pas peur de prendre des risques. Les femmes devraient davantage oser, comme dans le milieu de l’entrepreneuriat. J’ai souvent l’impression que s’il y a peu de femmes qui occupent des postes de cadres ou des fonctions dirigeantes, c’est dû à l’éducation. Nous sommes conditionnées à occuper certaines fonctions, certaines tâches. On se projette rarement comme CEO, par exemple. Et pour les finances de la famille, la tradition veut que ce soit l’homme qui s’en occupe. Il faut absolument changer ça, impliquer les filles dès leur jeune âge, les responsabiliser et leur donner les outils pour acquérir leur indépendance financière, seules.

3 Questions à Sonia Ruegger, ambassadrice de Women’s Wealth, plateforme de conseil financier pour les femmes d’UBS

FEMINA Pourquoi avoir créé un site web pour les femmes qui souhaitent investir?
Sonia Ruegger Nous nous sommes rendu compte que, très souvent, les femmes géraient le budget quotidien, mais que c’était l’homme qui prenait les décisions financières. Or, les femmes ont aussi leur mot à dire! La Women’s Wealth Academy d’UBS leur permet d’élargir leurs connaissances, d’être plus à l’aise avec les termes spécifiques et de prendre leurs finances en main, peu importe leur chemin de vie.

Quelles différences constatez-vous entre les femmes et les hommes en matière d’investissement?
Les femmes aiment maîtriser le sujet avant de se lancer. Elles se renseignent beaucoup et font souvent des choix plus réfléchis que les hommes. Elles ont une aversion au risque peut-être plus marquée, mais ne laissent rien passer. Les études le prouvent: leurs performances financières sont meilleures!

Malgré la crise que nous traversons, devrait-on investir aujourd’hui?
J’en suis convaincue, oui. Le Covid a montré qu’il était essentiel de prévoir son avenir. La crise sanitaire nous rappelle que rien n’est gravé dans le marbre, que tout est toujours sujet à d’inévitables fluctuations et aux incertitudes. Il est primordial de prendre le temps de s’interroger sur ses projets de vie, de planifier son avenir. Placer de l’argent, c’est également investir dans notre société, dans notre circuit économique. C’est une opportunité à saisir pour faire fructifier ses acquis tout en apportant sa pierre à l’édifice. Au contraire, laisser dormir son argent sur un compte d’épargne, c’est passer à côté de cette chance et perdre de l’argent, étant donné l’inflation et les taux nuls, voire négatifs.

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