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Bienveillance VS style stricte

Sur quelle méthode éducative miser?

Enfant automne methode educative

«Il n’y a pas de modèle ou de courant éducatif meilleur que les autres. Ce qui compte, c’est de trouver le plus approprié par rapport à l’évolution sociale», note le professeur Abdeljalil Akkari, de la section des sciences de l’éducation de l’Université de Genève.

© Getty Images

«J'ai tout essayé pour fixer une heure de coucher à mon fils de 5 ans. Classiquement, d’abord, j’ai tenté l’histoire du soir pour instaurer une routine et créer une respiration complice. Toutefois, de complice, elle est vite devenue supplice, car dès le lendemain, Hugo me demandait deux, puis trois lectures… explique Nathalie, une quadra mère de deux enfants. J’ai alors essayé la discussion pseudoscientifique pour lui expliquer les bienfaits du sommeil sur sa santé, dans l’esprit éducation positive prôné par le bouquin qui trônait sur ma table de chevet. Un échec. Je suis passée à la menace, le priver de foot avec ses copains ou pire, le chantage, et après, ni lui ni moi ne dormions. Je me sentais coupable d’être tombée si bas. Plus le temps passait, plus il trouvait des feintes pour ne pas aller au lit. Et moi, j’étais à bout de forces.»

Que ce soit pour l’heure du coucher, l’utilisation des écrans, les devoirs ou passer à table, le témoignage de Nathalie, et son abattement, font écho à la plupart des parents qui tentent de faire au mieux pour élever leur progéniture. Face à la pléthore de livres qui disent tout et son contraire, de «L’éducation approximative», d’Agnès Labbé, qui invite à appliquer l’éducation positive dans la vraie vie au «Parent bienveillant», de Florence Millot, en passant par «Il n’y a pas de parent parfait», d’Isabelle Filliozat, le déboussolement est permanent, comme le souligne le professeur et psychothérapeute Philip Jaffé, auteur de «L’enfant toxique» (Ed. Favre):

«C’est la rançon d’une société qui se cherche et de meilleures connaissances du fonctionnement des enfants et de l’influence des attitudes de leurs parents. Le problème, toutefois, ce sont les contradictions internes qui ressortent de tous ces ouvrages éducatifs. Je ne pense pas qu’il faudrait prendre un livre pour en faire une bible, mais plutôt piquer des conseils de-ci de-là en essayant de construire des échafaudages de parentalité. Les parents doivent se faire confiance.»

La bonne nouvelle, c’est que s’il n’y a pas de recette miracle en matière d’éducation, il y a quand même quelques principes de base desquels s’inspirer. L’histoire des courants éducatifs le montre et les spécialistes le confirment. «Il n’y a pas de modèle ou de courant éducatif meilleur que les autres. Ce qui compte, c’est de trouver le plus approprié par rapport à l’évolution sociale, note le professeur Abdeljalil Akkari, de la section des sciences de l’éducation de l’Université de Genève. Il faut une diversité de styles éducatifs qui devrait correspondre à la multitude de modèles familiaux qui existent aujourd’hui.» Aux parents, donc, d’élaborer la bonne panoplie…

Le style stricte

Le concept Une éducation calquée sur le modèle familial classique d’après-guerre: un père qui travaille, une mère au foyer et plusieurs enfants. Cette génération a fait grandir sa progéniture dans les idées d’effort et de mérite. Le système se structure autour d’une hiérarchie totalement verticale, l’autorité du père dictant les moindres faits et gestes des enfants, sans discussion possible.

Les moins «Les enfants des générations précédentes n’existaient pas en tant que tel: c’était tout pour la famille, la patrie, mais la singularité, la créativité, la favorisation de l’estime de soi étaient mises de côté, explique Didier Pleux, docteur en psychologie du développement et psychothérapeute, directeur de l’Institut français de thérapie cognitive et auteur de nombreux livres sur l’éducation. Le rapport parental n’était pas sympathique.» A la limite de l’autoritarisme, donc. Cette éducation quasi coercitive a été reprise et mise au goût du jour des parents actuels par Amy Chua, une professeure de droit de Yale, qui prône une éducation à la chinoise dans son livre «L’hymne de bataille de la mère Tigre» (Ed. Gallimard). L’idée? La tigresse ne laisse pas son enfant dormir tant qu’il ne maîtrise pas son morceau de violon… entre autres exemples d’éducation à la baguette.

Les plus Ce sont justement ces règles qui font dire à certains parents, las de la permissivité ambiante en matière d’éducation, que «c’était mieux avant». «Sans vouloir encenser le passé, je pense qu’il y a des principes qui sont un peu éternels. En plus de la présence, de l’investissement affectif, de la prévisibilité et de la répétition, il faut un cadre qui reste toujours le même. Ça rassure les enfants et ça leur permet de le tester, de rencontrer les limites de ce qui est autorisé à chaque fois», explique Philip Jaffé. Toutefois, il faut introduite ces limites en amont pour asseoir son autorité, comme le prône Didier Pleux:

«Les enfants ne peuvent pas s’auto-contrôler dans l’autonomie. Il faut quelques fois des limites. L’autorité en amont, c’est se demander quelles contraintes on peut introduire dans l’éducation: on ne s’habille pas n’importe comment, on ne coupe pas la parole, on ne pique pas les objets du voisin. Bref, du bon sens!»

La stabulation libre

Le concept Il est interdit d’interdire. La vague peace and love de Mai 68 a fait exploser les cadres stricts de l’éducation en vigueur jusqu’alors. Place au libre choix et à la créativité de l’enfant.

Les moins Des parents limite laxistes qui ont élevé leurs enfants comme des copains. C’est depuis là que la hiérarchie familiale est devenue horizontale, comme le regrette le Dr Pleux: «La hiérarchie dans la famille est nécessaire. Elle ne doit pas être dictatoriale, mais les parents ont plus d’autorité, de liberté, de savoir, donc plus de force.» Et la frustration dans tout ça? «Justement, je me suis toujours un peu offusqué de ces théories valorisant la créativité et la valorisation de soi qui oublient d’inclure la frustration. Elle n’est pas synonyme de castration à l’ancienne dans l’autoritarisme où l’enfant n’a qu’à se taire. La frustration, c’est apprendre progressivement à l’enfant qu’il y a un principe de réalité, qu’on ne peut pas faire tout ce qu’on veut et que les autres existent.»

Les plus L’enfant est un être à part entière et l’action éducative doit aller dans le sens de l’expression de sa personnalité. S’il préfère suivre des cours de théâtre plutôt que de faire du foot, il peut choisir. S’il ne veut pas aller au catéchisme, pas grave, il choisira sa position face à la religion plus tard. Ou pas. Pas de censure et totale créativité. Une bonne idée sur le papier, avec les préceptes de Françoise Dolto, qui voulait donner la parole à l’enfant, mais avec un laisser-faire parfois extrême… jusqu’à ne plus proposer de règles du tout à l’enfant ou le laisser les fixer lui-même. «Ce style d’éducation s’est fait en réponse à celui plus rigide des années 50-60, mais malgré quelques dérives dans le tout laisser-faire, il a amené du bon en donnant plus d’espace et de liberté à l’enfant», souligne Edouard Gentaz, professeur de psychologie du développement à l’Université de Genève. Cet encouragement à la liberté et à la créativité a d’ailleurs posé les fondations de l’éducation bienveillante…

La négociation

Le concept De la crise aux caisses du supermarché aux refus d’éteindre son téléphone portable, il s’agit d’anticiper tout conflit, avant qu’il n’éclate, en expliquant, en négociant, voire en marchandant.

Les moins Une fois qu’on a enclenché ce mode éducatif, et que junior a pris le pli, il faut être prêt à négocier sur tout, tout le temps. Ce qui peut marcher un jour pour éviter le conflit ne marchera peut-être pas le lendemain. Il va falloir sans cesse changer de tactique et se renouveler. «Quand les parents décident que ce sont leurs valeurs familiales, leur idéologie parentale qui dominent, il ne faut pas de négociation. Ça ne veut pas dire qu’il faille les imposer sans les expliquer. On a le droit de dire à un ado pas de tatouage chez moi ou pas d’écran chez moi, même si toute la classe en a. Et s’il y a transgression, on sanctionne», ajoute Didier Pleux.

Les plus Le conflit n’est pas forcément négatif, c’est plutôt une opportunité de débattre et d’échanger, selon Laurent Combalbert, négociateur professionnel et papa expérimenté: «Avec un enfant, il me semble important de rendre positive cette notion de conflit. Il y a des désaccords qui méritent d’être exprimés pour voir comment trouver une solution qui va satisfaire tout le monde. Le corollaire, ce sont des désaccords non négociables, où la position du parent l’emporte.» La politesse, l’hygiène, la sécurité, le respect des lois et des règles ne peuvent faire l’objet de transaction, estime le spécialiste. Selon l’âge de l’enfant, la liste des sujets négociables se modifie.

«On ne discute pas l’heure du coucher avec un jeune enfant, on peut en discuter avec un adolescent si les circonstances s’y prêtent. L’autorité parentale n’est pas forcément l’autoritarisme et négocier n’est pas une marque de faiblesse», conclut le spécialiste.

La bienveillance

Le concept Une démarche positive centrée sur les besoins de l’enfant, un refus du rapport de force, un mélange idéal d’attention et de fermeté. En gros, valoriser les bonnes conduites au lieu de dévaloriser les mauvaises.

Les moins S’il a du mal à se lever le matin, faites-en un jeu. S’il est pénible pendant les courses, emportez son petit jouet favori. S’il ne veut pas aller se coucher, lisez-lui de petites histoires… ces conseils sont bienveillants. En tous les cas, on nous l’affirme dans les livres sur le sujet. «Tout est toujours fait dans le sens où, dès que l’enfant n’est pas d’accord avec la réalité, on essaie d’aménager les choses. Ça peut marcher avec des enfants craintifs ou anxieux, pourquoi pas. Toutefois, avec les enfants rois, intolérants aux frustrations, si on n’applique que de la bienveillance ça ne marche pas, car ils ont besoin d’une autorité bien précise, ils ont besoin de temps en temps que la relation soit cassée, ils ont besoin de conséquences s’ils n’ont pas compris par la communication et les interdits», décortique Didier Pleux.

Les plus En théorie, il n’y a que des plus. C’est quand même plus sympa d’être bienveillant, non? Bien sûr, on rêve de ce juste dosage d’attention, d’écoute et de créativité dans tous nos rapports quotidiens avec notre progéniture. Toutefois, dans la pratique, la réalité est moins rose. «Cette approche, qui vise à soutenir l’estime de soi de l’enfant, à tourner les choses en leçons positives et soutenantes, ce n’est pas une mauvaise chose en soi, pour autant qu’on ne se passe pas de fixer un cadre», note le Dr Jaffé. Dès lors, on crée une forme de démocratie familiale où tout le monde a voix au chapitre avec des règles qu’on peut discuter ensemble. Une utopie? «Le style éducatif peut moduler l’enfant, mais pas le déterminer. Ces interactions sont importantes, de même que la consistance dans le temps des valeurs que les parents choisissent. On ne peut être bienveillant un jour et autoritaire le lendemain, sinon l’enfant ne comprend rien», conclut Edouard Gentaz. Un savant dosage est nécessaire, donc, mais avant tout, il s’agit de faire preuve de constance.

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