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Stéphane Goël: «Le combat pour l’égalité n’est de loin pas terminé»

Stéphane Goël: «Le combat pour l’égalité n’est de loin pas terminé»

1er mai 1969, manifestation sur la Place fédérale, à Berne. Une image illustrant la colère et la révolte, qui a profondément marqué le réalisateur.

© RTS/DR

FEMINA Pourquoi vous êtes-vous intéressé à cette thématique?
Stéphane Goël Le film que vous pouvez voir aujourd’hui est une nouvelle version d’un documentaire, projeté pour la première fois il y a 10 ans. En 2011, je m’étais questionné sur le fait qu’il n’y avait quasi aucun événement organisé pour célébrer le 40ème anniversaire du suffrage féminin. Pas de publications, d’expositions ni de films. Ça m’avait étonné, car j’avais 6 ans en 1971 et j’ai de vagues souvenirs d’enfance de cet événement majeur de l’histoire suisse.

Je me souviens aussi très bien des refus systématiques en Suisse centrale, au niveau cantonal, par la suite. C’était quelque chose qui était difficile à vivre, nous en avions honte.

Je me suis alors plongé dans les archives, et j’ai découvert une mine d’or pour raconter cette histoire. Il y a eu tellement de suffrages organisés, entre 1919 et 1990, presque 90 votes au total, au niveau cantonal et fédéral. Il y avait des affiches, des reportages, des opinions, des débats pour chacun. On avait ainsi à disposition une photographie des inégalités homme-femme unique au monde.

Contrairement à 2011, 2021 fourmille d’actions pour célébrer le suffrage féminin...
Effectivement, une myriade d’événements sont organisés, malgré la crise sanitaire. En 10 ans, les choses ont totalement changé. Cela m’a donné envie de me replonger dans ce récit, de réactualiser ce film. Et de montrer que le combat pour l’égalité n’est de loin pas terminé.

Selon vous, pourquoi les Suissesses ont-elle mis si longtemps à sortir de ce «ghetto domestique»?
C’est la grande question. Il y a certainement un problème lié à la démocratie directe: on est le seul pays au monde où ce sont les hommes qui ont dû voter systématiquement pour permettre aux femmes d’atteindre l’égalité. Chaque combat, que ce soit pour l’avortement, l’assurance maternité ou le droit du mariage, a pris un temps infini.

C’est également lié à ce sentiment, malheureusement encore aujourd’hui prégnant, d’une position qui est attribuée différemment, selon qu’on soit un homme ou une femme, dans la société. Dans le film, l’historienne Brigitte Studer explique que l’on a assigné aux femmes la place de la vie privée et domestique, aux hommes celle de la vie publique.

Malheureusement, je suis persuadé que les problèmes que l’on rencontre aujourd’hui, notamment par rapport aux plafonds de verre, témoignent du fait que cette mentalité résonne encore.

Quelles images d’archives vous ont particulièrement marquées?
Je citerais l’image de la manifestation du 1er mai 1969 sur la Place fédérale. On voit une femme, sur les épaules d’une autre manifestante, qui brandit un drapeau. 5000 femmes étaient alors réunies. C’est l’image de la colère, de la révolte, du combat. Je citerais également la toute première image d’archive utilisée dans le film, une dame avec l’accent vaudois qui confie qu’elle aurait bien voulu s’intéresser à la politique, mais que les femmes sont inférieures aux hommes et que son mari lui répète sans cesse qu’elle n’y connait rien. C’est l’image de la domination. Elle a complètement intériorisé le fait que la place des femmes était à la cuisine, et le ressort comme une évidence.

Comment les termes de «militante» ou de «féministe» sont-ils passés de «gros mots» dans les années 70, aux termes valorisés que l’on connait aujourd’hui?
La première version du film a beaucoup circulé dans les milieux scolaires et académiques. En 2012, je voyais alors de nombreux jeunes qui jugeaient que toute cette histoire appartenait au passé. Les combats, les questions d’égalité étaient acquis. Tout cela est remis en question à l'heure actuelle. La grève de 2019 a changé la donne en Suisse. Le phénomène #MeToo a vraiment remis ces inégalités, ces questions en avant.

Aujourd’hui, des gens très jeunes se questionnent sur la question du genre, des représentations, de la culture du viol, du patriarcat. Les jeunes femmes sont beaucoup plus conscientes de ces problématiques.

Pourquoi devrait-on tous voir ce film?
Pour célébrer la mémoire de celles qui se sont battues, et pour se souvenir qu’elles ont commencé à se battre il y a 150 ans. Et également pour se rappeler que leur combat est loin d’être terminé.

Dès le 14 juin 2021 en salles de cinéma. De la cuisine au Parlement est également disponible sur RTS Play.

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