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SMS: comment le texto a changé nos vies
Comment faisions-nous avant? Difficile en effet d’imaginer notre existence sans SMS. Vie sociale, amoureuse, professionnelle et au sein même de notre cellule familiale, nous y recourons continuellement. Mais si nous avons totalement adopté ce nouveau moyen de communication, nous nous y sommes aussi foncièrement adaptés. En 7 points capitaux, le tour de ce qu’il a changé dans nos vies.
1. Notre vie sociale
Jamais un moyen de communication n’avait autant rapproché les êtres. Et pour cause: «Le SMS s’adapte à toutes les circonstances», pose Rachel Panckurst, chercheuse en linguistique-informatique. «Ils sont perçus comme moins intrusifs que les appels» et ont donc eu pour effet de faciliter les échanges. Le sociologue Olivier Glassey souligne d’ailleurs la communication en «clins d’œil» créée par les messages courts, qui permet de maintenir un contact aux contraintes allégées.
Avec le SMS, finalement, on n’est plus jamais seuls: «Ce mode connecté permanent induit une fonction de réconfort», formule la sociologue Catherine Lejealle. Et d’illustrer: «Lorsque, dans une gare ou un cabinet médical, on relit d’anciens messages, on se sent moins seul.» Lara, graphiste lausannoise de 34 ans, en est bien consciente, elle qui dégaine son téléphone dès son arrivée dans le métro:
2. Le fond et la forme de nos échanges
La communication par messagerie instantanée a également modulé le ton de nos échanges. D’un côté, ils sont plus efficaces et, de l’autre, plus facétieux. «Le texto permet d’aller droit au but, contrairement à la conversation téléphonique qui induit un certain nombre de passages obligés avant d’entamer le sujet réel de la communication», exprime l’un des donateurs des 88 000 SMS récoltés et analysés par Rachel Panckurst et ses collègues dans le cadre du projet SMS4Science. «D’un autre côté, les SMS permettent les plaisanteries, les jeux de mots, les clins d’œil entre initiés, etc.», poursuit la linguiste. «Les aspects ludiques et émotionnels sont en effet très importants dans ce mode de communication.» Lucas, 25 ans, étudiant à l’Université de Lausanne, le confirme: «Avec ma meilleure amie, le gros 90% de nos messages, c’est de la déconne.» Une façon de rester en contact en attendant leurs vrais échanges, autour d’un verre.
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3. Nos rapports amoureux
Dans toute relation amoureuse, le texto a pris une importance considérable – que cela soit avant, pendant ou après la romance. «Les différents stades d’une histoire d’amour se jouent de plus en plus par l’entremise de ces messages courts», confirme le sociologue Olivier Glassey.
«Je ne sais pas comment je pourrais draguer sans recours au SMS!» lâche d’ailleurs Bertrand, la quarantaine. Ce mode de communication permet à l’enseignant genevois d’écrire ce qu’il n’ose pas dire. Ça, c’est pour le meilleur. Car les SMS «sont parfois aussi utilisés pour rompre une relation sans les formes du face-à-face, voire pour harceler ensuite le/la partenaire, en l’inondant de messages», expose la chercheuse en linguistique-informatique. Car si les textos favorisent les rapprochements, ils peuvent aussi accélérer la fin de certaines histoires d’amour…
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4. Notre rapport au temps
«L’impact majeur est l’exigence – implicite mais très forte – de disponibilité et de réciprocité quasi permanente», signale la spécialiste. «Un certain nombre de SMS que nous avons étudiés montrent que l’expéditeur se sent en droit d’exiger une réponse, sans tenir compte de la situation du destinataire.» L’experte cite notamment deux extraits de son corpus de recherche: «Bon bah puisque tu réponds pas à mes messages, je considère que c’est fini. Comme tu veux pas me dire si oui ou non tu me quittes alors je considère que oui.» Ou encore: «4 sms et 12 appels??!! Tu t’es pas dit à un moment: elle veut pas me parler, elle dort, elle est fatiguée, elle est fâchée? T’es un vrai malade!!!» Le SMS aurait donc ouvert la voie à une nouvelle forme d’esclavage moderne.
Pour Rachel Panckurst, là est tout le paradoxe, puisqu’«un des arguments les plus fréquents en faveur du SMS est que ça ne dérange pas. En raccourci, on ne veut pas déranger, mais on tient à ce que l’interlocuteur se dérange pour répondre», discerne-t-elle sans détour. Et on ne parlera même pas ici de l’emploi très discutable du texto dans le monde professionnel…
5. Les relations parents-enfants
Grâce à leurs téléphones portables, nombre d’enfants et d’ados, désormais atteignables à tout moment, ont vu leurs possibilités de sorties augmenter. Pour autant, leur sentiment de liberté ne s’est pas accru, bien au contraire. «Cette proximité permanente, cet aspect plus fusionnel dans la relation n’est pas toujours souhaitable dans l’émancipation ou la prise d’indépendance de l’adolescent», pointe la linguiste. Et le Fribourgeois Dario, mécanicien de 25 ans, de s’agacer de sa mère «au bord de l’apoplexie», s’il ne répond pas à ses messages alors qu’il est en soirée avec ses potes: «J’vous jure, elle est à deux doigts d’appeler les flics!»
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6. La langue française
Il a souvent été question de la déperdition de la langue dans les messages instantanés. Qu’en est-il exactement? Quelles incidences le langage SMS a-t-il sur notre communication verbale? Pour la linguiste, «il est trop tôt pour le dire. Ce que nos études ont mis en évidence, c’est une très grande diversité de tons, de styles, de registres…» Et de noter que les «formes très spontanées ne sont pas les plus fréquentes: certains scripteurs s’amusent même à faire des parodies de français classique ou très littéraire.»
Les jeunes générations en n’ont pas moins «créé leur langage, hermétique aux parents», observe la sociologue Catherine Lejealle. Patricia, maman de deux ados, le confirme:
Pour l’experte, ce langage en quelque sorte tribal «participe à leur construction identitaire, comme une génération a sa musique.» Les langages SMS sont donc plus voués à se succéder qu’à s’imposer véritablement.
7. Focus sur les emojis
Que révèle le recours aux emojis? Pour Rachel Panckurst, leur emploi «constitue un enrichissement de l’écrit», dont on peut se réjouir. «Il peut être important d’ajouter de l’expressivité, de réinjecter des émotions dans nos messages, dont le discours peut paraître parfois un peu sec, brutal, déshumanisé. Ils apportent une dimension hautement affective.» Ils viennent alors remplacer les regards, les mimiques faciales et autres intonations de voix présents dans une conversation en face à face.
De par leur caractère très implicite, «les émojis peuvent également engendrer des incertitudes et des malentendus», souligne Olivier Glassey. Si certains mal avisés risquent d’en faire les frais, d’autres surferont aisément sur ce flou artistique, à l’instar de Dario:
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Des SMS rentrés dans l’histoire
«Merry Christmas»
C’est le premier SMS, envoyé par l’ingénieur britannique Neil Papworth, le 3 décembre 1992.
«Si tu reviens, j’annule tout.»
Message de Nicolas Sarkozy adressé à Cécilia, huit jours seulement avant son mariage avec Carla Bruni.
«La journaliste Audrey Pulvar annonce la fin de sa relation avec Monsieur Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, et poursuivra tout auteur d’atteinte à sa vie privée ou à celle de ses proches.»
SMS adressé par l’intéressée directement à l’AFP, en guise de communiqué.
«Attention Christian, Fillon te chie dans les bottes.»
Un message pour le moins direct rédigé par Nadine Morano et destiné à Christian Estrosi. Manque de pot, c’est à François Fillon lui-même qu’elle l’a envoyé!
Ce SMS est un extrait de l’échange entre une mère et sa fille pendant l’attentat de l’île d’Utoya en Norvège, où 69 personnes perdront la vie sous les balles d’Anders Behring Breivik.
«Thatcher has died»
En 2009, John Baird, alors ministre canadien des Transports, envoie ce message à son Premier ministre Stephen Harper. La nouvelle affole les médias. Sauf que l’homme parlait de son chat Thatcher et non de la dame de fer!
«Veux-tu (peux-tu) venir découvrir une magnifique boîte coquine à Madrid avec moi (et du matériel) le 4 juillet?»
L’auteur de ce message n’est autre qu’un certain DSK à l’un de ses partenaires économiques.
«Yes, la meuf est dead.»
Le SMS aurait été envoyé par Sibeth Ndiaye, attachée de presse à l’Élysée, à une journaliste qui lui demandait de confirmer le décès de Simone Veil.