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Qui est Élisabeth Baume-Schneider, 10ème conseillère fédérale?

Qui est Élisabeth Baume-Schneider, 10ème conseillère fédérale?

«J’aime aller sur le terrain. C’est là qu’on ressent si on est en phase avec nos valeurs et si on incarne ce que la base attend.» - Élisabeth Baume-Schneider au Matin Dimanche

© KEYSTONE/JEAN-CHRISTOPHE BOTT

Elle était rayonnante, même un peu espiègle, au cœur de l'hémicycle le matin du mercredi 7 décembre 2022, au moment de prêter serment. Une promesse d'observer la Constitution et les lois, et de remplir en conscience les devoirs de sa charge, qui débutera en janvier 2023. Elle était rayonnante et un peu émue aussi, Élisabeth Baume-Schneider, au moment de prononcer son discours de remerciements, à ses adversaires, ses collègues, ses proches, à son mari et à ses deux fils.

C'est que la Jurassienne de 58 ans (elle fêtera son 59e anniversaire la veille de Noël), conseillère aux États depuis 2019 et vice-présidente du parti socialiste depuis 2022, a déjoué tous les pronostics lorsqu'elle a été élue par les parlementaires fédéraux à la plus haute fonction de l'exécutif du pays. Elle est seulement la dixième femme de l'Histoire suisse à accéder au statut de conseillère fédérale. Élisabeth Baume-Schneider, citoyenne des Breuleux dans les Franches-Montagnes, est également la toute première représentante du jeune canton du Jura au sein du clan des sept Sages. Ainsi, son élection a fait basculer le Conseil fédéral vers une majorité latine, une situation rarissime.

Retour sur une matinée d'élections

La journée a commencé tôt, à Berne. Suite aux démissions de l'UDC Ueli Maurer, chef du Département fédéral des finances, et de la socialiste Simonetta Sommaruga, cheffe du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication - respectivement en septembre et en novembre 2022 -, deux sièges étaient à repourvoir au Conseil fédéral.

Aucune surprise dans la course à la succession de Maurer: c'est le conseiller national UDC et ancien président du parti, Albert Rösti, qui a remporté la victoire. Grand favori, l'élu bernois de 55 ans a évincé son adversaire, le Zurichois Hans-Ueli Vogt, en remportant 131 voix au premier tour de vote, soit la majorité absolue, contre 98. Il devient le sixième conseiller fédéral de son parti, et le 111ème homme à remplir cette fonction.

Le siège socialiste a nécessité, quant à lui, trois scrutins afin de choisir la remplaçante de Sommaruga. Après un débat qui a agité tout le pays, concernant une éventuelle représentation déséquilibrée des régions linguistiques au sein du Conseil fédéral, le parti à la rose a finalement opté pour un ticket 100% féminin: Élisabeth Baume-Schneider, côté Suisse romande, et la Bâloise Eva Herzog, côté Suisse alémanique. La Bernoise Evi Allemann et le Zurichois Daniel Jositsch, tous deux également candidat-e-s, n'ont pas été retenu-e-s sur le ticket.

Le premier tour laissait Élisabeth Baume-Schneider en tête avec 96 voix, créant ainsi la surprise. Eva Herzog a, quant à elle, obtenu 83 voix. Les parlementaires ont également offert 58 voix à Daniel Jositsch, dont la candidature a été refusée par les élu-e-s socialistes. Le chef du parti, Roger Nordmann, a alors appelé ses collègues de la Coupole à choisir une femme afin que la composition du Conseil fédéral soit équilibrée. Le deuxième tour a présenté un résultat très serré: Élisabeth Baume-Schneider a obtenu 112 voix et son opposante Eva Herzog, 105 voix. Enfin, lors du troisième tour, la Jurassienne a obtenu la majorité absolue à 123 voix.

Tout sourire et avec émotion, la nouvelle élue a annoncé lors de son discours de remerciements:

«Je m'engagerai avec passion et sans relâche. Je souhaite être un pont entre les différentes cultures de notre pays, entre la ville et la campagne, entre les autorités et la population, entre les générations, entre les communautés étrangères».

Le parcours d'une «outsider»

Peu connue en Suisse alémanique, qualifiée d'outsider dès l'annonce de sa candidature le 11 novembre 2022, jugée «trop à gauche» pour être élue par la majorité de droite du Parlement - face à une Eva Herzog présentée comme une «socialiste de droite» -, Élisabeth Baume-Schneider semble après tout avoir fait forte impression devant les parlementaires lors de ses différentes auditions avec les partis. C'est d'ailleurs l'avis de la conseillère nationale UDC Céline Amaudruz, qui réagissait le jour de l'élection au micro de la RTS: «Depuis 2-3 jours, j'étais persuadée qu'elle serait élue parce qu'elle a su convaincre dans les séances de groupe. Elle ne partait pas favorite, mais elle a su faire la différence lors des auditions».

Ce qui a pu faire la différence? Une personnalité énergique, combative et solaire, une Romande qui s'exprime parfaitement en allemand et en dialecte bernois, sa longue expérience en politique et aussi de négociation avec des personnes issues d'autres partis que le sien. «Politiquement, j'ai souvent été minoritaire au gouvernement jurassien. J'étais la seule femme, la seule Franc-Montagnarde. Cette singularité ne signifie pas de la solitude. Au contraire, elle vous pousse à discuter et à trouver des alliances», confiait Élisabeth Baume-Schneider au Matin Dimanche. Une force séduisante chez une éventuelle conseillère fédérale, qui se doit de respecter le principe de collégialité.

Une assistante sociale, fille d'agriculteur-trice

Lors de sa campagne, la Breulotière a fait figure de championne des paysan-ne-s et des minorités. Élisabeth Baume-Schneider a grandi dans une ferme à Les Blois, une région alors sous domination bernoise. Elle est la cadette de trois enfants. Avec son père, engagé en faveur des droits des agriculteur-trice-s, elle parle le suisse-allemand. À 14 ans, elle sait conduire le tracteur familial. Après sa maturité à l'école de commerce de La Chaux-de-Fonds, elle décroche une licence en sciences sociales à l'Université de Neuchâtel. Et en 1988, elle obtient son premier poste d'assistante sociale.

Sa fibre militante, elle l'a héritée de sa famille. Alors étudiante, elle s'engage dans la Ligue marxiste révolutionnaire. Une militance dont elle n'a pas honte aujourd'hui, confiait-elle au Temps, même si elle a parfois été considérée à «gauche de la gauche»: «Quand on est jeune, il n’est pas interdit d’avoir des rêves et des utopies pour changer la société».

C'est en 1995 qu'elle entre au Parlement jurassien comme Députée, jusqu'en 2000. Elle accède ensuite à l'exécutif en 2003 et dirige le Département de la formation, de la culture et des sports, une fonction qu'elle occupe jusqu'en 2015.

«En politique, j’ai toujours défendu les intérêts des plus vulnérables», rappelait-elle au Matin Dimanche.

Femme de terrain, comme elle aime à le répéter, la Jurassienne quitte le gouvernement cantonal à la fin de son mandat et dirige de 2016 à 2020 la Haute école de travail social et de la santé de Lausanne. «J’aime aller sur le terrain. C’est là qu’on ressent si on est en phase avec nos valeurs et si on incarne ce que la base attend. [...] je préfère être en contact avec des gens qui se battent plutôt que d’assister à la séance d’un lobby dans un cinq-étoiles de Berne», affirmait-elle, toujours au Matin Dimanche.

Mère, et politicienne

Défenseuse de la justice sociale, des minorités, des personnes précaires, porte-voix de celles et ceux à qui l'on donne rarement la parole, Élisabeth Baume-Schneider est aussi féministe. «Je suis une mère et une politicienne», dans cet ordre, a-t-elle rappelé au Temps. Alors présidente du Parlement jurassien en 2000, elle fait la Une des journaux pour un geste féministe: elle avait pris l'habitude d'allaiter son fils, Théo, entre deux débats. Une pionnière. Allier maternité et fonction publique, un challenge toujours d'actualité et une question encore compliquée sous la Coupole, comme l'ont prouvé certaines réactions lorsque la Verte Irène Kälin y a allaité son fils en 2018.

Alors Élisabeth Baume-Schneider n'est peut-être pas (plus) la «mère d'enfants en bas âge» que souhaitait le parti socialiste au moment de sélectionner ses candidates à la succession de Simonetta Sommaruga. Cependant, elle a l'expérience de la mère, de la politicienne, de l'assistante sociale, de la directrice, de la vice-présidente de parti. Dans son allocution lors de sa candidature, elle a affirmé vouloir répondre aux défis d'aujourd'hui que sont la diminution du pouvoir d'achat, l'urgence climatique, la réforme de la prévoyance vieillesse ou encore l'inégalité salariale.

Edit du 14.12.22: Après répartition des dicastères, la nouvelle venue a hérité du Département de justice et police. Elle devra notamment gérer la question de la migration, le dossier de la révision de la loi sur le viol, ou encore le rattachement de Moutier au Canton du Jura.

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