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Chiens, chats et cie...

Quand l’animal chamboule le couple

Quand lanimal chamboule le couple JEFFREY MAYER GETTY IMAGES

Face aux craintes d’alors concernant la santé mentale de Britney Spears et à son manque de soins présumé envers ses bêtes, l’association PETA est intervenue en 2007 en implorant Kevin Federline, son ancien compagnon, de se battre pour la garde des animaux.

© GETTY IMAGES/JEFFREY MAYER

Plus de 8 millions d’animaux de compagnie vivent dans nos foyers, selon la Protection suisse des animaux (PSA), soit presque autant d’humains. Huit millions de raisons d’avoir une vie plus zen et remplie d’amour… et autant de raisons de voir un conflit se profiler à l’horizon.

Car si les animaux nous font du bien et nous comblent, ils peuvent être, bien malgré eux, la cause de tensions dans les couples. Sachant que deux mariages sur cinq finissent en divorce, le nombre de bêtes à placer chez l’un ou l’autre partenaire n’est forcément pas anodin. Mais comment définir qui aura la garde des lapins, des alpagas ou de la tortue? Et avant la séparation, qui est le propriétaire officiel de la boule de poils, et à qui incombe la charge des soins? Passage en revue de la love story au temps de l’animal roi.

La mise en couple

Lorsqu’un couple adopte un animal, les partenaires s’accordent en principe pour en prendre soin ensemble. Mais qu’advient-il si l’on emménage avec un nouveau compagnon et que celui-ci possède une bête que l’on n’a pas choisie? C’est l’expérience vécue par Sophie, 30 ans. «Quand j’ai rencontré mon copain, il avait adopté il y a quelques mois un labrador. Nous avons emménagé ensemble par la suite, et pour moi qui n’ai jamais vécu avec un chien, ça a été un bouleversement, confie-t-elle. J’ai découvert que je suis sans doute allergique à ses poils.»

La jeune femme impose alors ses règles à la maison et commence des cours de dressage afin que le jeune canidé lui obéisse. «Je me suis énormément attachée à lui, c’est comme si l’on formait une famille, poursuit Sophie, mais dans ma tête, il s’agit toujours du chien de mon copain, sa responsabilité. Je ne m’occupe ni des balades, ni de la nourriture, ni de lui trouver une pension pour les vacances. Par contre, si mon copain se trouve en incapacité de prendre soin du chien, je prendrai le relais.»

De son côté, Hélène, 29 ans, a vécu la situation inverse: «La chatte de ma famille est venue vivre avec mon compagnon et moi alors que nous partagions déjà un foyer. Nous avons tous deux appréhendé cette arrivée, car il est très allergique, livre-t-elle. Or, comme mon compagnon commençait une désensibilisation, il a demandé à intégrer le chat au traitement.» Souhaitant par-dessus tout que ses colocataires s’acclimatent l’un à l’autre, Hélène a redoublé d’efforts: «Je passais souvent l’aspirateur pour faire disparaître le moindre poil de félin. Finalement, ce n’était pas nécessaire d’angoisser, car mon copain est maintenant son humain préféré», plaisante-t-elle.

Amber Heard et Johnny Depp, passés plusieurs fois devant les tribunaux dans le cadre de leur séparation, ont dû décider qui garderait les deux Yorkshire terriers, Boo et Pistol; c’est désormais Amber leur seule maîtresse. GETTY IMAGES/IGNAT BAUER GRIFFIN

Se mettre en couple avec quelqu’un, c’est accepter son passé, sa famille, ses amis… et ses éventuels animaux. Ces derniers pourraient sembler un détail dans le paysage? Erreur. Car commencer une relation avec une personne accompagnée d’un chat ou d’un chien, c’est aussi parfois comme s’intégrer dans un étrange triangle amoureux.

«Lorsque Sophie et moi nous sommes mis ensemble, je n’avais pas tout de suite noté à quel point sa relation était forte avec son bouledogue, se souvient Gabriel. Elle l’avait depuis quatre ans. C’est dans un moment compliqué de sa vie, alors qu’elle était célibataire et sortait d’une relation difficile, qu’elle l’avait accueillie chez elle. On voit qu’ils ont développé une énorme complicité, c’est très beau, je trouve ça génial. Mais c’est seulement quand nous nous sommes mis en ménage que j’ai pris conscience de sa place dans son quotidien, parfois un peu étouffante. Son chien était toujours là, elle lui consacrait plein d’attention et de câlins, et moi j’avais l’impression d’être un peu mis en concurrence avec lui. C’est idiot, je sais. Mais j’en venais à souhaiter des instants juste à deux avec Sophie, ce qui était rare. Son bouledogue venait toujours avec nous pour la moindre balade, il dormait dans la chambre, il devait forcément être de toutes nos escapades ou de toutes nos vacances, ce qui, de plus, générait de sacrées contraintes. Au bout de trois ans, nous avons décidé de rompre. Mais Sophie est toujours en couple avec son chien!»

Être jaloux d’un animal? Voilà qui peut paraître excessif. Signe d’un manque de confiance en soi, d’insécurité affective? Peut-être. Reste que ce vécu contrarié n’est pas forcément imaginaire ou dû à soi. «De nos jours, la relation entre le maître et son animal a souvent quelque chose d’inconditionnel, ce qui est rarement le cas quand on est dans une relation de couple, fait remarquer Yves Dufour, consultant de couple et sexologue à la Consultation de couple et de sexologie de la Fondation PROFA. De ce fait, le ressenti d’être de trop ou mal intégré dans une relation privilégiée peut être réel. Au fond, le lien et les interactions entre un maître et son animal demeurent une vraie relation en soi.»

Le quotidien

La petite bête qui était déjà là, un paramètre à ne pas négliger quand on se met en ménage, confirme Yves Dufour: «Un lien très fort entre le maître et l’animal peut parfois signifier la recherche d’une relation sécurisante, la personne pouvant investir plus fortement une relation avec lui car celle-ci protège, en se disant qu’avec un animal, on ne sera pas déçu comme avec un humain.» Mais même lorsque les partenaires et les animaux vivent finalement en harmonie, d’autres ombres peuvent planer sur cette entente parfaite et ébranler le couple. Par exemple? Les corvées de gamelle et de litière.

Selon une enquête Ifop menée pour VetoCanis et publiée en juin 2022, 81% des femmes hétérosexuelles en couple trouvent qu’elles en font plus que leur partenaire en ce qui concerne les tâches domestiques liées aux animaux de la maison.

Et, bizarrement, on aurait tendance à les croire. Une charge mentale qui les fait davantage que les hommes penser à l’achat de nourriture, aux rendez-vous chez le vétérinaire ou encore à l’organisation pour les vacances.

Jennifer Aniston et son ex-époux Justin Theroux ont choisi de partager la garde de leurs quatre chiens. L’actrice en a gardé trois et son ancien compagnon un, avec un droit de visite. DUKAS/GINSBURG SPALY

«Cette situation n’est pas vraiment surprenante, car les tâches d’entretien des animaux sont le prolongement des obligations de tâches ménagères en général, constate Yves Dufour. En outre, les femmes sont encore aujourd’hui éduquées pour être davantage dans le care, dans le «prendre soin», ce qui explique aussi pourquoi ce sont souvent elles qui s’occupent du bien-être des animaux du foyer. Mais si le fonctionnement des deux partenaires est très différent sur ce point, voire opposé, et que les choses ne sont pas discutées au préalable, cela peut générer des tensions.»

Et des rancœurs. Comme dans le couple de Yann et de Lucie, tous les deux fanatiques de félins. Ils se sont rencontrés il y a sept ans. Il avait deux chats, elle en avait trois. Lorsqu’ils aménagent ensemble, ils se retrouvent avec une tribu de cinq matous gourmands en attention et en entretien: six litières, presque autant de gamelles de croquettes et d’eau. Deux enfants sont nés depuis. Mais Lucie est à bout: à temps partiel, elle s’occupe de la plupart des tâches liées aux petits et aux chats. «Je sature et je fais régulièrement des remarques à Yann, il me promet qu’il se chargera de telle ou telle chose, mais il oublie souvent et je dois repasser derrière. Ce sont aussi ses chats…» D’ailleurs, si on pense les accueillir chez nous pour un quotidien plus doux et plus zen, ce n’est pas forcément cette réalité qui s’impose. Le sondage Ifop cité plus haut révèle ainsi qu’un couple sur quatre se dispute régulièrement au sujet des animaux. Un phénomène particulièrement marqué chez les moins de 35 ans.

La séparation

«Quand ma femme et moi avons décidé de nous séparer après seize ans de mariage, toutes les discussions sur le partage des biens se sont plutôt passées tranquillement, raconte Didier. Nous avions par ailleurs convenu d’une garde partagée pour les enfants, ce point n’a pas suscité de problèmes. En revanche, ce que j’ai toujours du mal à digérer, c’est la garde de notre golden retriever. Puisque mon ex restait dans notre maison avec jardin et que, moi, j’allais louer un appartement, il était clairement difficile pour moi d’accueillir notre animal. La séparation a déjà été dure à vivre, alors être éloigné de ce chien avec qui j’ai une relation très fusionnelle, c’est compliqué…»

On voit là que l’animal est devenu plus qu’un simple bien, reconnaît Yves Dufour:

«Il y a là quelque chose de très émotionnel, d’affectif. Il y a aussi l’idée d’une responsabilité partagée, en quelque sorte. Le statut de l’animal a changé au fil des décennies, la relation avec lui est plus fusionnelle, faisant que l’enjeu de la garde est plus émotionnel qu’autrefois.»

Bien qu’elle ne satisfasse pas les deux partenaires, la situation citée plus haut s’est réglée dans la diplomatie et le dialogue. Ce qui n’est pas toujours le cas quand des couples rompent. «L’animal peut aussi devenir un moyen de chantage pour tenter de faire payer l’autre lorsque la séparation est conflictuelle et mal acceptée, pointe Yves Dufour. Heureusement, je ne vois pas tellement de situations où la garde de l’animal pose un réel problème pour régler la séparation. On est peut-être plus dans quelque chose d’absolu, dans le sens où l’on reconnaît peut-être les affinités de tel animal avec telle personne, le choix de la garde se discute sans doute peu, en tout cas beaucoup moins qu’avec les enfants, car avec l’animal on est davantage dans l’idée d’appropriation personnelle. On continue à le voir un peu comme une chose, on sait qu’il est à nous et on défend ça.»

Lorsque Miley Cyrus et Liam Hemsworth ont divorcé en 2019, ils ont convenu que les sept chiens, deux chevaux, deux chevaux miniatures, trois chats et le cochon resteraient sous la garde de la chanteuse. GETTY IMAGES/TATIANA KEVYCH

Garde alternée et pension

Et pour gérer ces éventuels conflits houleux, le droit suisse n’est pas forcément de la plus grande aide. «En droit civil, l’attribution d’un animal de compagnie est régie par les règles applicables aux choses mobilières, explique Me Elodie Gallarotti, avocate et médiatrice FSA à Lutry, au sein de l’étude TerrAvocats. Cela signifie que si un couple marié – ou des concubins – adopte un animal ensemble, celui-ci est considéré leur appartenir en copropriété. Si le couple se sépare, les animaux de compagnie peuvent entrer dans la catégorie des biens à attribuer.»

Sacré casse-tête, donc. Mais s’il y a litige, l’art. 651a du CC règle le partage en attribuant la garde de la bête à la personne qui représente la meilleure solution pour elle. Cet article précise également que le juge peut condamner le gardien à indemniser son ex pour l’avoir privé de son animal. «Aucune garde partagée n’est prévue par la loi en cas de conflit, et aucune pension alimentaire pour chien ou chat n’est prévue, informe Elodie Gallarotti. Toutefois, si les parties sont d’accord, tout est possible. On peut par exemple prévoir que le chien suive les enfants en garde alternée.»

Parfois, ce procédé fonctionne. «Je connais un cas autour de moi où, malgré la séparation du couple, Monsieur continue de venir régulièrement faire la promenade de leur chien, dont la garde a pourtant été confiée à Madame sur un commun accord», commente Yves Dufour. 

Bête comme chose

Les droits des animaux sont réglementés par différentes lois en Suisse. En droit public, plusieurs lois fixent des normes pour leur traitement, dont la loi fédérale sur la protection des animaux (LPA). En droit privé, le Code civil définit l’animal ainsi, dans son article 641a: «Les animaux ne sont pas des choses.» Or le second alinéa précise: «Sauf disposition contraire, les dispositions s’appliquant aux choses sont également valables pour les animaux.»

«Le texte est contradictoire, commente Me Elodie Gallarotti. Le premier alinéa a une valeur plus morale que juridique. Il reste qu’en droit civil, les animaux de compagnie sont considérés comme des biens, malgré le fait qu’ils soient des êtres sensibles.» L’avocate précise que c’est suite à une initiative parlementaire déposée en 1999 par l’ancien conseiller aux États Dick Marty que certaines dispositions pour améliorer le statut des animaux ont été introduites dans la loi suisse, notamment l’article 641a et son premier alinéa, qui fonctionne comme une intention.

La Miss Suisse 2014 Laetitia Guarino partage la garde de ses chats avec son ancien compagnon, comme elle l’a récemment confié à L’Illustré. © INSTAGRAM/DR LAETITIA GUARINO

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