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Pourquoi les femmes aiment le tir sportif, la chasse ou l’armée

Concentration dans les travées du stand de tir de Martigny. Les pieds bien ancrés au sol, le regard fixe, la respiration lente et contrôlée, elle lève son pistolet, vise, et appuie fermement sur la gâchette. Mouche, encore une fois. Rien d’étonnant, Natascha Möri est une championne internationale. Une digne descendante d’Annie Oakley, cette jeune femme qui officia aux côtés de Buffalo Bill et qui fit beaucoup en son temps – elle est morte en 1926! – pour l’émancipation des femmes… par le maniement des armes à feu. Le constat est là: ancien bastion masculin, le stand de tir se féminise, et les hommes n’ont qu’à bien se tenir. Les rares sociétés de tir à n’avoir pas encore ouvert leurs portes aux femmes – nous sommes au XXIe siècle – font désormais office d’irréductibles un peu archaïques.

Dans les forêts et les sous-bois, ce sont plutôt les sangliers et autres cerfs qui ont du mouron à se faire. Consciencieuses et douées – des dires de leurs collègues masculins – les femmes seraient des chasseuses hors pair. Effet collatéral du retour en tendance du motif camouflage auprès de ces dames? Die jaegerin (ndlr: la chasseuse), une revue de chasse au féminin, vient de voir le jour en Autriche voisine!

Et que dire du prochain grand raout du tir sportif romand, qui se tiendra dans le Nord vaudois en août et septembre 2013? Une femme est la présidente de cet événement qui devrait attirer près de 7000 participants. Et pas n’importe laquelle, puisque Pierrette Roulet peut se targuer d’avoir été… capitaine dans l’armée suisse.

Jeune ou moins jeune, Genevoise ou Valaisanne, de la ville ou plutôt des champs, elles tirent et elles aiment ça, donc. Et elles seraient même de plus en plus. Parmi les 130 000 personnes qui pratiquent le tir sportif en Suisse, 40% sont des femmes pour les courtes distances (tir à 10 mètres), respectivement 10% pour les tirs à 300 mètres. Et ces pourcentages continuent à grimper. «Il y a eu une baisse du nombre de pratiquants dans les années 1990,mais cela s’est depuis stabilisé, tandis que le nombre de femmes va croissant», note ainsi Max Flückiger, de la Fédération suisse de tir (FST). Leur profil? Jeunes et sportives pour la plupart, «dont de nombreuses étudiantes», assure-t-il. On est loin des clichés.

«On ne joue pas à la guerre»

Mais qu’est-ce qui motive une femme, aujourd’hui, à manipuler un pistolet, une carabine voire un Fass 90? La Valaisanne Natascha Möri tire depuis ses 12 ans. «Ce qui me plaît dans le tir? J’aime le ressenti que procure le départ du coup, tout ce à quoi il faut penser avant, pendant et après le tir. Le dépassement de soi, cette concentration et le fait de ne faire plus qu’un avec le pistolet me donne de la combativité pour aller toujours plus loin», analyse-t-elle.

Et non, les femmes que l’on rencontre au stand de tir ne sont pas toutes des Rambo en puissance, loin s’en faut. Rosalie Stoessel, fine gâchette de Versoix, manie ainsi le fusil d’assaut avec aisance, mais est aussi infirmière au CHUV. «Quand je dis à quelqu’un que je fais du tir et que je suis infirmière, cette personne est d’abord extrêmement surprise. Parce qu’elle se dit que, d’un côté, par mon métier, je sauve des vies, alors que de l’autre, je m’amuse avec une arme potentiellement mortelle. Mais il faut comprendre que l’arme en elle-même n’est pas dangereuse, c’est la personne derrière qui peut l’être», martèle la jeune femme de 28 ans au caractère bien trempé. Comme elle, de nombreuses passionnées font parfois face à de l’incompréhension: comment une femme peut-elle ainsi cautionner l’usage d’une arme, qui plus est après tout le ramdam consécutif à l’initiative sur l’arme à la maison (finalement rejetée par une majorité des électeurs)? «Beaucoup de gens ont une fausse idée du tir, ils me disent des trucs du genre «t’aimes jouer à la guerre», je n’apprécie pas trop, j’ai souvent dû défendre mon sport», déplore aussi Eliane Dohner, toute jeune Bulloise de 20 ans.

Malgré les critiques, elles continuent vaille que vaille. «Pour ma part, je suis plutôt hyperactive, j’ai besoin de me dépenser, et le tir nécessite du contrôle, une certaine maîtrise de soi. Il faut être calme, savoir se poser, tout le contraire de moi quoi. J’apprends beaucoup», s’amuse Rosalie.

Madame le capitaine

Autre génération, mais même engouement. A passé 60 ans, Pierrette Roulet, ex-préfète toujours hyperactive (et actuelle médiatrice vaudoise des relations avec les gens du voyage), garde un enthousiasme intact pour la discipline, même si son agenda chargé ne lui permet pas de se rendre aussi souvent qu’elle le voudrait au stand de tir. Pour elle, posséder une arme est apparu comme une évidence, un autre signe d’égalité de traitement entre hommes et femmes, au sein de l’armée. Car il y a quelques années, on s’adressait à elle en disant «Mon capitaine». «J’ai commencé l’armée à 19 ans, simplement parce que tous mes copains le faisaient. Mais à l’époque, l’école de recrues était séparée, les femmes n’avaient pas d’arme et nous n’avions accès qu’à quelques secteurs, par exemple l’administration ou la cuisine!»

Mais petit à petit, en parallèle à sa vie civile, Pierrette Roulet va gravir les échelons, «payer ses galons», comme on dit au sein de la grande muette. De par sa fonction mais aussi de sa profession – elle est alors journaliste –, elle va se battre pour que les femmes militaires aient accès aux armes, au même titre que les hommes. Pour elle, du moment qu’une femme s’engage sous les drapeaux, elle doit avoir le droit de posséder une arme, ne serait-ce que pour son autodéfense. Un combat qu’elle a gagné. Aujourd’hui, la tenue kaki est à la cave, mais la passion est restée intacte. «Pour moi, le tir est mon test afin de savoir dans quel état je suis. C’est mon baromètre. Si je ne suis pas bien, je tire mal.»

La chasse est ouverte

On rencontre également des femmes armées en pleine nature, et pas seulement dans l’ambiance calfeutrée des stands de tir. Les amateurs de civet de chevreuil ou d’émincé de cerf l’auront remarqué: c’est la saison de la chasse. Et la probabilité que la bête qui est arrivée dans votre assiette ait été tuée par une femme n’est plus anecdotique. Alors que le nombre de chasseurs est stable depuis plusieurs années (environ 30 000), celui des femmes augmente. A tel point que Petra Schneeweiss et sa fille Elia ont eu l’idée, il y a deux ans, de lancer le premier magazine dédié à la chasse au féminin. Mais attention, Die Jaegerin s’adresse à tous. «Je viens d’une grande famille de chasseurs, je chasse moi-même, et lorsque j’ai vu que de plus en plus de femmes s’inscrivaient pour passer leur permis de chasse, j’ai eu l’idée de ce magazine, qui n’est pas un magazine féminin... nous avons aussi beaucoup d’hommes abonnés! Et cela doit rester comme ça.»

Tiré aujourd’hui à 15 000 exemplaires, il contient évidemment des pages mode («alpine et audacieuse», la mode), dresse le portrait d’une dresseuse de faucon ou fait appel à un wedding planner pour un mariage sur le thème de la chasse. «Les femmes, aujourd’hui, veulent se rapprocher de la nature, en apprendre plus sur elle, la faune et la flore. Et quoi de plus naturel que la chasse, quand on sait que dans la mythologie grecque et romaine, elle a toujours été représentée par une femme, Diane ou Artémis!» Que ce soit à la poursuite du gibier, sous les drapeaux ou lors de championnats de tir internationaux, l’avenir du pistolet à plomb et du fusil de chasse se décline désormais aussi au féminin.

«DieJaegerin»,
le premier magazine entièrement dédié
à la chasse au féminin
(publié en allemand).

Mercedes Riedy
1 / 1© DR

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