Environnement
Plage en péril: L'île de Paros, menacée par la privatisation
Paros est une des plus belles îles de l’archipel des Cyclades, dans la mer Égée. Elle doit sa réputation à la magnificence de ses plages. Certaines bénéficient de sable fin et blond, d’autres se nichent dans de petites criques. À chaque fois, l’eau est cristalline, d’un bleu turquoise. Les villages cycladiques traditionnels surplombent ces rivages de rêve. Évidemment, tant de beauté attire le monde entier, évidemment tant de beauté suscite les convoitises de ceux qui veulent en tirer profit.
Paros n’est pas la seule. La Grèce bénéficie de 15’000 kilomètres de côtes, souvent peu ou pas exploitées, et en 2023, plus de 30 millions de touristes sont venu-e-s y passer l’été. Et les records promettent d’être encore dépassés cette année 2024. Jusqu’à présent, la législation n’autorisait l’exploitation des plages que sous condition, «aucune plage ne pouvant être occupée par les transats dans une zone supérieure à la moitié».
À Paros, certain-e-s propriétaires de transats se sont mis-e-s à installer leur matériel bien au-delà des concessions. Les habitant-e-s se sont sentis chassé-e-s de leur littoral, ils et elles ont essayé de s’imposer sur le territoire des transats avant d’en être expulsé-e-s, ont fini par s’organiser et manifester.
Ces citoyennes et citoyens indigné-e-s par tant d’impunité ont récupéré les contrats des concessionnaires, les ont confrontés aux données satellites et ont pu ainsi prouver que les réglementations n’étaient ni respectées ni sanctionnées. «Le mouvement des serviettes», ainsi appelé dans toute la Grèce, a gagné en popularité, il a essaimé sur d’autres îles. Partout, les habitantes et les habitants se sont mis à faire des actions sur les plages, ont interpellé le gouvernement. Ce dernier a fini par agir, a promis d’intensifier les contrôles et de sanctionner les requins des transats. On verra cette année si les promesses seront tenues, sachant que les autorités grecques ont elles-mêmes bradé leur patrimoine dix ans plus tôt à cause de la crise.
Par dépit, vendre son patrimoine
En 2014, la Grèce est en effet sommée de rembourser les dettes contractées auprès des banques. Le pays est aux abois, humilié par les créanciers, contraint de rembourser 240 milliards d’euros alloués depuis 2011. Sur demande des Allemands, il crée Taiped, un fonds chargé de vendre et de valoriser les biens publics grecs, dont son littoral. Nonante plages sont proposées à la vente, à Naxos, Rhodes, Leucade, Limnos ou en Crête. En 2015 par exemple, Taiped vend à l’émir du Qatar, Hamad Ben Khalifa, six îles situées non loin d’Ithaque, pour 8,5 millions d’euros, à Johnny Depp une autre, pour 4,2 millions d’euros.
La bataille d’Elafonissos
À l’extrême sud du Péloponnèse, dans le golfe de Laconie, à 300 mètres du continent, la petite île d’Elafonissos profite de son relatif anonymat. Et pourtant, sa plage de Simos y est considérée comme une des plus belles du monde, avec son banc de sable rose et ses eaux claires. La zone est classée Natura 2000, en raison de la richesse de sa faune et de sa flore. Et pourtant, sans l’engagement de ses quelque 500 habitantes et habitants, elle aurait été privatisée en vue de construire des installations hôtelières et des propriétés privées.
Comme le rappelle Nikos, l’électricien d’Elafonissos, dans Le Monde, à l’époque, «le crabe et la tortue doivent pouvoir sortir de l’eau. Et les gens doivent pouvoir continuer à se baigner sans payer. On doit partager et respecter cette nature dont nous ne sommes que les locataires temporaires.» Aujourd’hui, l’île accueille 6000 personnes quotidiennement pendant l’été, 1600 voitures empruntent le ferry, mais elle a résisté à la construction d’installations privées près de la mer. Et les autorités misent sur la préservation du milieu naturel et de l’artisanat local.