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Ozempic: La minceur est de retour, fini le body positivisme?

Ozempic: La minceur est de retour, fini le body positivisme?

Kate Beckinsale, Kim Kardashian, Oprah Winfrey et Adele sont apparues très amincies, ce qui alimente les rumeurs sur l'utilisation de l'Ozempic par ces stars.

© UNSPLASH/BERGEN PUBLIC LIBRARY - LAUNCHMETRICS.COM-SPOTLIGHT - GETTY IMAGES/CHRISTOPHER POLK - SAMIR HUSSEIN - BAUER GRIFFIN - ILLUSTRATION FEMINA

Cela ressemble à la trame d’une œuvre de science-fiction: l’élite est devenue secrètement accro à un remède de savant fou permettant d’atteindre la minceur sans effort, une sorte de beauté et de jeunesse éternelles accessibles en un clic, quand le reste de la population doit lutter chaque jour pour rester attractive. La dernière série Netflix qui cartonne? Le nouveau livre de Stephen King? Non, car cette histoire est bien réelle.

Tout commence en 2022, lorsque des observateur-rice-s commencent à hausser le sourcil en s’apercevant que de nombreuses stars fondent à vue d’œil. Habituellement dotée de formes généreuses, Kim Kardashian se pointe au Met Gala de New York faxée dans une étroite robe que porta autrefois Marilyn Monroe. Même changement de silhouette pour Adele et Oprah Winfrey. Clairement, quelque chose était en train de se passer en coulisses. «J’arrivais en ville et chaque fois que je voyais de vieux amis, ils étaient deux fois plus petits», témoigne l’artiste contemporain Joel Mesler dans un article de The Cut, alors de retour à New York après s’être installé à la campagne. Très vite, la rumeur se met à circuler qu’un produit miracle serait derrière cette épidémie de tailles rétrécies. Le «secret le moins bien gardé de Hollywood», comme le surnomment alors certains, c’est l’Ozempic, un médicament normalement prescrit pour les patient-e-s souffrant de diabète.

Qu'est-ce que l’Ozempic?

Lancé en 2017 par l’entreprise danoise Novo Nordisk, le traitement est un analogue du GLP-1 permettant de réguler la glycémie, mais dont l’effet corollaire est de réduire jusqu’à 15% la masse corporelle des patient-e-s, en intervenant sur le circuit de récompense du cerveau: la sensation de satiété arrive plus tôt, donc l’envie de manger en excès disparaît comme par magie. Il est, de plus, facile à s’administrer soi-même, consistant en un stylo permettant de s’injecter une dose hebdomadaire.

Les stars pointées du doigt démentent recourir à ce graal des pharmacies, mais trop tard, une fois le nom du messie dévoilé, les réseaux sociaux se font caisse de résonance. Le hashtag #ozempic cumule les publications sur TikTok par centaines de milliers. Une foule de personnes concernées par leur poids se jettent sur le médicament, pourtant soumis à prescription médicale. Aux États-Unis, une personne sur huit en a fait usage pour maigrir. «Novo Nordisk a également mis à disposition une version de l’Ozempic dosée différemment et dédiée aux patient-e-s désirant perdre en masse corporelle, le Wegovy, mais celui-ci n’est accessible que sur avis médical et en remplissant certaines conditions, informe Tinh-Hai Collet, médecin adjoint agrégé du Service d’endocrinologie, diabétologie et nutrition aux HUG. Pour gagner du temps, beaucoup se ruent plutôt sur l’Ozempic, parfois de manière détournée.»

Mais ce qui devait arriver arriva: la pénurie. Subissant de régulières ruptures de stock à cause de l’énorme demande motivée par l’envie de mincir facilement – une hausse de 3300% des prescriptions en cinq ans… – le traitement, le meilleur sur le marché à l’heure actuelle pour les patient-e-s souffrant de diabète de type 2, vient à manquer pour celles et ceux qui comptent sur lui pour survivre.

«Aux HUG, l’accès à l’Ozempic est strictement réservé aux patient-e-s diabétiques, signale Tinh-Hai Collet, mais ailleurs, certain-e-s médecins sont plus coulant-e-s. Je sais que des listes de praticien-ne-s enclin-e-s à le prescrire aisément circulent sous le manteau.»

Naissance du visage «Ozempic»

Au-delà du problème sanitaire qu’elle entraîne, la course à l’Ozempic témoigne d’une véritable révolution culturelle en cours, la fin de ce qui, finalement, n’était peut-être qu’une hypocrisie: l’ère du body positive. Après des années 2010 et début 2020 marquées par un discours bienveillant envers les kilos en trop, appelant à s’aimer comme on est et à se détacher du regard d’autrui, voilà que tout s’effondre, la minceur n’étant tout à coup plus un objectif inatteignable. Nombre de stars ou d’influenceuses qui tenaient ces discours d’acceptation de soi se mettent à suivre le même chemin, maigrissant les unes après les autres et arborant ce que des médecins américain-e-s ont surnommé l'«Ozempic face», ce visage émacié à la peau flasque dû à la perte rapide de poids.

Conséquence encore plus spectaculaire, la minceur extrême semble redevenue l’idéal de beauté suprême dans nos sociétés. Les dernières Fashion Week ont ainsi vu le retour par légions des mannequins faméliques et blafardes sur les podiums, signes de l’ozempisation rampante de la mode. Les modèles dits grande taille, brièvement célébrés, sont en voie de disparition. Un t-shirt inscrit d’un très éloquent «I love Ozempic» et porté par une top model lors du défilé de la marque Namilia faisait même figure d’étendard de cette vague de la néobrindille.

Une brindille qui s’affine sans même l’impression de se priver ou de s’affamer, loin des galériennes alimentaires des podiums d’antan. Cette absence d’efforts à fournir pour mincir – en dehors d’une piquouse chaque semaine – est d’ailleurs elle aussi en train de transformer la société. Aux États-Unis, les ventes de livres consacrés aux régimes, à la nutrition et au fitness ont chuté de 15% entre 2022 et 2024, selon le journal The Economist, une contre-performance record pour le monde de l’édition. Déjà, beaucoup s’imaginent laisser tomber la corvée du sport.

Effets secondaires et conséquences

Preuve que nous avons basculé pour de bon dans l’ère de la minceur assistée par stylo injecteur, plusieurs autres labos pharmaceutiques sont en train de préparer leur propre médoc miracle anti-obésité, appâtés par l’immense marché venant d’apparaître. Pourtant des zones d’ombre demeurent. Ozempic ou Wegovy peuvent entraîner des effets secondaires, «troubles du transit, douleurs abdominales, vomissements, mais aussi parfois pancréatite, complication rare mais grave», détaille Tinh-Hai Collet.

Et on ignore encore les éventuels effets néfastes d’une administration de ce traitement sur le long terme lorsqu’on est en bonne santé. Car oui, pour devenir mince et le rester, il faut s’injecter chaque semaine ce produit ad vitam æternam, «les effets disparaissant dès qu’on arrête le traitement s’il n’est pas accompagné d’un suivi approprié», confirme le médecin. Comme dans Cendrillon, le carrosse redevient citrouille à la fin du sortilège.

Surtout, le prétendu miracle Ozempic ne supprime pas les raisons pour lesquelles nous entretenons un rapport pathologique avec notre poids dans notre monde occidental: l’anxiété et le stress, la sédentarité, la surconsommation… Sans parler des injonctions morbides à maigrir. Si l’on découvrait soudain à ce produit des effets secondaires dévastateurs, cette ère de la minceur sur commande pourrait n’être qu’un éphémère conte de fées… Avec l’obligation, à nouveau, de se retrousser les manches pour lutter contre nos démons modernes.


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