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Never explain, never complain

Marc Roche: «Elizabeth II n’est pas si seule qu’on pourrait le croire»

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«Elizabeth déteste qu’on parle de sa santé, qui est quasi un sujet de lèse-majesté à ses yeux, d’où la chape de plomb médiatique sur la cause de ses soucis récents.» - Marc Roche, biographe royal

© Victoria Jones/GettyImages

FEMINA Elizabeth II vient de déchoir le prince Andrew de ses titres militaires. Comment vit-elle ce coup dur?
Elle a en effet retiré ces titres auxquels Andrew était très attaché, car il est militaire de carrière et vétéran de guerre. Surtout, elle lui a enlevé le titre d’Altesse royale, ce qui le prive de l’aura et de la sécurité de la monarchie. Ce geste fort montre qu’elle l’a lâché. Mais ce n’est pas un événement inédit. Dans le passé, on a vu qu’elle savait sacrifier les brebis galeuses de la famille et mettre ses sentiments en retrait pour préserver l’intégrité de la couronne.

Elle continue cependant de le recevoir une fois par semaine, malgré les graves accusations qui pèsent sur lui.
Andrew et elle sont voisins, il est géographiquement l’enfant le plus proche de la reine. Mais, bien sûr, ils ont toujours eu un lien affectif privilégié. On dit qu’il serait son fils préféré. Ils partagent la même passion pour la photographie et le même amour des militaires. Il est le seul de ses enfants qui représente l’armée, un des piliers de son règne.

On sait que c’est Charles et William qui ont fait pression sur elle pour qu'elle sévisse à l'encontre d'Andrew avant le Jubilé des 95 ans. Ils s’entendent mal avec lui de toute façon. Elle a fini par les écouter eux, plus que les 150 officiers qui lui avaient écrit une tribune pour sanctionner Andrew et dont elle aurait très bien pu ignorer les appels.

L’Angleterre est une régence de facto aujourd’hui, Elizabeth ayant de plus en plus de difficultés à assumer toutes les tâches qui lui incombent. Charles est un peu le directeur opérationnel de la monarchie, et William le directeur commercial.

Est-ce le pire moment de son règne? Est-elle de plus en plus seule?
Certes, il y a eu cette douloureuse période du deuil du Prince Philip après 73 ans de mariage, puis le décès récent de plusieurs amis proches, mais elle reste très entourée. Sa mère, qui a vécu jusqu’à 101 ans, l’avait déjà avertie des dangers du grand âge, qui voit progressivement s’éteindre autour de vous tous les êtres qui vous ont accompagnés durant votre vie.

Mais Elizabeth n’est pas si désespérément seule qu’on pourrait le croire. Elle a une personnalité introvertie, elle est très croyante, elle est très à l’aise avec sa propre personne et n’a jamais eu besoin d’avoir plein d’amis pour se sentir bien.

En outre, on a mis en place ce qu’on appelle les Sept Mercenaires, qui sont les membres de la famille royale chargés de l’épauler. Ainsi, la princesse Anne, Charles et Camilla, William et Kate, Andrew, à titre privé, et Sophie, l'épouse d'Edward, se relaient auprès d’elle pour la soutenir.

D’ailleurs, elle ne se plaint jamais. Applique-t-elle encore et toujours le «Never explain, never complain»?
Plus que le Never explain, never complain (ne jamais expliquer, ne jamais se plaindre), je crois que c’est surtout une histoire de génération où les gens arrivaient à intérioriser leurs problèmes. Philip et la reine mère non plus ne se sont jamais plaints publiquement de quoi que ce soit. Elizabeth déteste qu’on parle de sa santé, qui est quasi un sujet de lèse-majesté à ses yeux, d’où la chape de plomb médiatique sur ses soucis récents. Cela change des jérémiades de Meghan et Harry.

Boris Johnson l’a en quelque sorte trahie avec l’organisation de festivités par ses collaborateurs la veille des funérailles de Philip. Pensez-vous qu’elle lui en veut depuis ces révélations de la presse?
Une quinzaine de ministres ont défilé durant son règne, avec une audience hebdomadaire en tête à tête dont ne sort presque jamais le moindre compte rendu. Il est donc difficile de s’avancer sur ce point. Néanmoins, je peux imaginer sa réaction. Je crois que Boris Johnson la fait généralement rire. Et puis il connaît tous les codes de l’aristocratie, il est allé au collège d’Eton, comme William et Harry. Ils sont en outre assez conservateurs tous les deux.

Mais elle n’apprécie sans doute pas son non-respect des règles, car elle-même les suit à la lettre. Sa vision de Johnson est donc sûrement mitigée, même si elle doit le préférer aux plus autoritaires Thatcher et Blair.

Ses proches meurent ou lui font des coups bas, mais heureusement il y a du positif du côté du couple William et Kate, qui semble plus amoureux après les suspicions d’infidélité du prince et l’attitude parfois froide de Kate.
Oui, le shooting des 40 ans de la duchesse montre cette joie. Dès le début, la reine a aimé Kate. Elle est anglaise, elle lui ressemble beaucoup, avec ce même teint de pêche, ce même classicisme. Kate est allée au meilleur pensionnat pour jeunes filles du pays et en a retiré une grande aisance vis-à-vis des codes.

C’est un peu l’anti-Diana, elle ne dit jamais rien de désagréable et vient de la jeunesse dorée anglaise. C’est une femme traditionnelle qui ne fait pas de vagues, et qui n’a pas d’agenda féministe comme Meghan, ni d’agenda Mère Teresa comme Diana.

Peut-on espérer une réconciliation avec Meghan et Harry, par exemple lors du Jubilé des 95 ans en juin prochain?
Les Britanniques avaient accueilli à bras ouverts Meghan, mais cette relation s’est vite détériorée. Il y avait sûrement du racisme et de l’anti-féminisme de la part de la presse populaire derrière cette hostilité, mais des actes du couple ont fâché, comme ses interventions incessantes dans la vie publique et son train de vie opulent à coups de jet privés et de rénovations de villa financées par les deniers publics.

Ce rejet populaire reste fort car l’amour de la monarchie est intact. Tous ceux qui sont sortis des clous ont été oubliés, d’Edouard VIII à Meghan, en passant par Diana et Sarah Ferguson.

La disparition d’Elizabeth II pourrait-elle déboucher sur une période risquée pour la monarchie britannique?
Hormis le cas exceptionnel d’Edouard VIII, on n’abdique pas chez les Windsor. Il n’y a aucun souci à se faire pour la suite. Charles est sans doute le prince de Galles le mieux préparé de l’Histoire. William a été formaté par sa grand-mère pour lui ressembler. Depuis 2012, la monarchie a opéré un resserrage vers son noyau que sont Charles, William et Georges.

Le taux de popularité de la couronne est record et le mouvement républicain est minoritaire. Le seul défi majeur à mes yeux sera que la couronne, souvent jugée trop blanche, trop impériale, trop protestante, réussisse à se rabibocher avec la société multiculturelle.

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