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Photographie

«Les Matriarches», de Nadia Ferroukhi: Aux pays des femmes

Aux pays des matriarches

Chez les Zapotèques, l’héritage familial se transmet par les femmes.

© Nadia Ferroukhi / Hans Lucas

«Dans nos sociétés dites modernes, l’égalité des sexes est loin d’être acquise. L’image des femmes reste encore trop souvent associée au sexe faible. Pourtant, dans certains endroits de la planète, il en va autrement.» C’est à un voyage franchement original, à la découverte de ces endroits méconnus, que nous convie la photographe Nadia Ferroukhi. Elle publie «Les Matriarches», une odyssée à travers le monde à la rencontre de peuplades où les femmes tiennent les rênes, où elles transmettent la filiation, gèrent les richesses, organisent les cérémonies importantes.

Fruit de dix ans de travail et d’un nomadisme féministe, son travail constitue «une porte ouverte sur un univers inhabituel». Inhabituel, mais loin d’être unique. Car des microsociétés qui ont pris le contre-pied de l’écrasant système patriarcal, on en trouve aux quatre coins du monde, de la Chine au Kenya, du Mexique à Sumatra, de la Bretagne à l’Estonie. Exceptions dans un monde dominé par le masculin, les sociétés matrilinéaires ont existé «de tout temps», pour reprendre les propos de l’anthropologue Françoise Héritier, à laquelle l’auteure dédie son ouvrage. Certaines d’entre elles perdurent aujourd’hui, d’autres se créent, mais toutes cultivent des structures, des formes propres, qui ne renversent jamais complètement les rapports de pouvoir. «Aucune n’impose une domination des femmes sur les hommes», souligne Nadia Ferroukhi.

«Ces sociétés matriarcales existent et les découvrir, les mettre en pleine lumière alors qu’elles demeurent encore aujourd’hui un impensé ou un fantasme est, en soi, important pour penser autrement le rapport entre les sexes.» 

Laude Adler

Journaliste et autrice de la préface du livre «Les Matriarches»

En réaction aux mutilations génitales

La photographe aux talents d’ethnologue nous emmène chez les Minaugkabau, la plus grande société matrilinéaire au monde. Sur l’île indonésienne de Sumatra, tout proche de la communauté islamique la plus stricte du pays, ce groupe de six millions de personnes vit encore selon un système antérieur à l’islam, qui veut que les femmes héritent des biens de la famille. Tout aussi étonnants, les Moso, installés sur les contreforts de l’Himalaya chinois, dont les clans sont organisés autour d’une cheffe, la plus compétente (souvent la plus âgée), qui possède les biens et la terre. Dans cet univers où le mariage apparaît comme une incongruité, c’est l’amour libre qui prévaut. Le statut de mari n’existe pas, celui de père biologique non plus. Quand un enfant vient au monde, c’est à l’oncle que revient le rôle de tuteur, au côté de la mère.

Chez les Moso, le rôle de cheffe du clan revient à la femme la plus compétente de sa lignée. © Nadia Ferroukhi / Hans Lucas

Plus récent, le regroupement des femmes Samburu, au Kenya, remonte aux années 2000 et coïncide avec un mouvement de résistance à des violences exercées à leur encontre, comme les mutilations génitales ou le mariage forcé. Depuis, elles vivent en autarcie dans un périmètre interdit aux hommes adultes, ce qui ne les empêche pas d’entretenir des relations avec les villageois des alentours.

Dans les villages de femmes Tumai, au Kenya, ne vit aucun homme adulte. © Nadia Ferroukhi / Hans Lucas

Mondes fragiles

L’œil de Nadia Ferroukhi nous guide jusqu’au Mexique, chez les Zapotèques, des femmes par qui se transmet l’héritage familial, tenantes d’une culture dans laquelle les muxes, des hommes s’habillant en femmes, sont considérés comme une chance. Son voyage fait aussi escale chez les Indiens Navajos, aux États-Unis, où l’appartenance au clan se transmet par la mère. Ou encore sur l’île d’Ouessant, au large de la Bretagne, là où pendant que les hommes parcouraient les mers, les femmes étaient en charge de leurs petites exploitations. Et où l’on recommandait aux jeunes filles de prendre l’initiative pour séduire un garçon…

Ces mondes fragiles, menacés par le temps qui passe, le tourisme ou par les tenants du patriarcat, peuvent paraître pittoresques, mais sont riches d’enseignements et de questionnements, comme le relève la journaliste Laure Adler, qui préface le livre de Nadia Ferroukhi. «Ces sociétés matriarcales existent, écrit-elle, et les découvrir, les mettre en pleine lumière alors qu’elles demeurent encore aujourd’hui un impensé ou un fantasme est, en soi, important pour penser autrement le rapport entre les sexes.» 

© Nadia Ferroukhi / Hans Lucas

«Les Matriarches», de Nadia Ferroukhi, préfacé par Laure Adler, aux Éditions Albin Michel.

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