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Son père est marocain, sa mère espagnole, mais elle est née à Lausanne et est depuis devenue suisse. Après avoir vécu vingt ans à Berne, parfaitement bilingue, Leila Bahsoun a choisi de revenir en terre vaudoise. Installée à Renens depuis huit ans, elle est l’heureuse maman de deux petits garçons. Une jeune femme comme les autres, à un détail près: elle est non-voyante.

Optimiste de nature et ultra-dynamique, elle regorge de projets. Le plus fou d’entre eux, peut-être, est de participer aux prochains Jeux paralympiques de Londres, cet été. Sa discipline? La natation. Il y a deux ans, elle savait tout juste nager!

FEMINA Quand avez-vous réalisé que vous étiez en train de perdre la vue?
LEILA BAHSOUN Jusqu’à l’âge de 16 ans, j’ai vécu normalement, avec un parcours scolaire régulier. J’aime – enfin j’aimais – beaucoup lire, mais je mettais un mois pour lire un livre de 300 pages. Ça me paraissait normal, j’allais à mon rythme, j’étais simplement plus lente. Puis au gymnase, à Bienne, on s’est rendu compte que j’avais de la peine à lire au tableau… J’ai consulté des médecins, et il a fallu une longue errance avant que le diagnostic ne soit posé. J’avais déjà perdu 70% de la vue à ce moment. On m’a parlé d’une maladie congénitale. On m’a dit qu’il n’y avait rien à faire: pas de médicaments à prendre, pas d’opérations, pas de lunettes. Je ne me rendais pas compte de ce que ça allait impliquer. 70% de perte, ça paraît beaucoup, mais avec 30%, on peut faire plein de choses, on peut lire par exemple. Aujourd’hui, il me reste moins de 1% de vision. J’ai une cécité complète au niveau de la vue centrale, mais je perçois encore la lumière et les ombres, les silhouettes.

A quoi avez-vous donc dû renoncer?
Je ne peux plus lire depuis trois ans, même si c’était plus du déchiffrage que de la lecture à la fin… Aujourd’hui j’en ai fait le deuil, ça veut dire beaucoup. Et ça m’a rendue sensible aux difficultés des personnes analphabètes. C’est fou tout ce qu’on fait avec la lecture: monter dans le bon bus, voir l’heure, savoir sur quel quai aller, voir qui nous appelle, observer l’expression des gens… On est dans une société très visuelle. J’ai redécouvert la lecture avec la Bibliothèque sonore, je suis abonnée. C’est une autre manière de lire. En fait, on apprend à faire les choses autrement. C’est dingue ce que les moyens auxiliaires permettent d’accomplir, même si ça ne remplace pas la vue.

Pourquoi avoir choisi la natation?
J’ai toujours aimé bouger, mais ce qui est bizarre, c’est que depuis que j’ai cette atteinte à mon corps – je l’appelle comme ça –, j’ai eu besoin de me le réapproprier, une démarche à la base complètement inconsciente. Au fur et à mesure que ma vue diminuait, mes mouvements et mon activité physique augmentaient, comme pour compenser, pour rééquilibrer. Comme pour dire «je continue à vivre, à fonctionner, tout va bien». Petit à petit, je me suis essayée à divers sports. J’ai toujours aimé l’eau, en plus, j’habite à côté d’une piscine, c’est une coïncidence. Et je suis beaucoup plus indépendante dans un bassin que si je pratiquais la course à pied! Je cours moins de risque en nageant, à part me prendre une ligne ou le mur. C’est comme ça que j’ai commencé, d’abord pour moi, toujours plus. Et comme les objectifs grandissent toujours en fonction de l’investissement, je me suis dit un jour, «pourquoi ne pas me pousser plus loin.» C’est comme ça que j’ai atterri au Lausanne Natation, directement dans le groupe Elite!

Et la piscine est devenue votre deuxième maison?
Oui, je m’entraîne 5 ou 6 jours par semaine, de manière très intense, de 6 à 8 heures du matin! Les autres nageurs ont entre 16 et 20 ans, ils sont en pleine fleur de l’âge. Du coup, je progresse extrêmement vite, moi qui ne savais même pas nager avant! J’ai ainsi participé aux championnats suisses Master et pour personnes handicapées en septembre 2010, et j’ai remporté 5 médailles (ndlr: une médaille d’or en 400 m libre, l’argent en 50 m dos, et le bronze en 50 m libre, en 100 m libre et en 100 m papillon). Mais les médailles, les chronos, ce n’est pas pour ça que je nage, c’est plus un dépassement de soi. A chaque fois que je fais un entraînement, c’est une victoire sur mon handicap, c’est le cœur du défi, et je dois garder ça en tête.

Prochain objectif: Londres, donc?
Oui, mais pour être qualifiée aux Jeux paralympiques de Londres, je dois faire un temps de 33,5 secondes sur un 50 mètres libre… Lors de la dernière compétition officielle, en mai dernier, j’ai réussi un temps de 36 secondes. Depuis, je ne fais que m’entraîner, donc on espère que je vais atteindre ce temps. Après, je me donne dix ans pour ce projet de natation, donc si ce ne sont pas ces jeux-là, ce seront les suivants! En attendant, je suis déjà sélectionnée pour les Championnats suisses à Genève ce printemps. Cette compétition est reconnue par le comité international paralympique. Donc, si j’atteins à cette occasion les 33,5 secondes, je serai qualifiée pour Londres. C’est fou comme en deux ans, j’ai fait de sacré progrès. En même temps, c’est comme au piano…c’est au début que l’on progresse le plus!


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