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L'édito de Géraldine Savary: «Adèle Haenel, le visage grimaçant de l’intégrité»

Edito Geraldine Savary redactrice en chef Femina

«Il est arrivé à Adèle Haenel ce qui est arrivé aux nombreuses femmes qui ont accusé un système. Punie d’avoir été maltraitée, maltraitée d’avoir dénoncé.» - Géraldine Savary

© ELSA GUILLET

Adèle Haenel, c’est cet astre qui déboule dans le cinéma à même pas 20 ans, nous laissant muets devant l’étendue de son talent. On ne voit qu’elle, on ne regarde qu’elle, sa peau capte toute la lumière, celle du soleil et celle qui flambe à l’intérieur. Elle sait tout jouer, combattante farouche, amoureuse qui ploie mais ne plie pas, inspectrice burlesque, les cheveux rebelles. Elle chante aussi «de mon âme à ton âme», en allemand dans une chanson si magnifique qu’elle donne sofort envie d’apprendre la langue teutonne.

Adèle Haenel, c’est cette femme en robe bleu nuit qui se lève à la soirée des Césars, en 2020, et qui dit «on se casse». D’actrice, elle devient symbole de la révolte des femmes face aux prédateurs sexuels, aux petits harceleurs, aux gros machos. Depuis ce poing levé, presque plus rien. On aurait dit que le sol s’est ouvert sous ses pas et l’a avalée, que le monde du cinéma l’a adulée puis expulsée, comme une matière cancéreuse.

Adèle Haenel (se) brûle, dans la rue et sur les planches de théâtre

On la retrouve maintenant, au milieu des manifestations syndicales ou dans celle qui s’est organisée contre la construction d’un réservoir d’eau. Elle annonce qu’elle quitte le cinéma, en disant «Je vous annule de mon monde». Les photos la montrent désormais échevelée, plus du tout glamour, pas du tout classieuse, gueulante, le regard hagard, traqué, le visage maculé de boue, on dirait une folle, une hystérique, on se dit qu’elle a pété un câble, qu’elle est partie en vrille, on pense «la pauvre, que lui est-il arrivé?».

Il lui est arrivé ce qui est arrivé aux nombreuses femmes qui ont accusé un système. Punie d’avoir été maltraitée, maltraitée d’avoir dénoncé. Sur cette double peine se greffe désormais une certaine lassitude publique à entendre les mêmes histoires glauques, les mêmes réquisitoires, les mêmes monstres sacrés intouchables de la grande famille du cinéma dénoncés par de petites actrices toutes frêles, déjà jetées du nid.

Ça casse l’ambiance alors qu’on rêve de se presser dans les salles. L’après-MeToo, c’est aussi ça: l’envie que tout redevienne calme, normal, comme avant, sans vague. Mais voilà, pour nous rappeler l’inconfort des consciences et l’injustice du monde, reste le visage inflexible d’Adèle Haenel. Elle (se) brûle, dans la rue et sur les planches de théâtre, choisissant des chemins solitaires.

À lire dans le magazine du 21 mai 2023 et en ligne Traitement sexiste dans les médias: Le cas Adèle Haenel.

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