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Le terme de cougar a-t-il vraiment servi la cause des femmes?

Terme de cougar a t il servi la cause des femmes ou sest il revele contre productif

Plus d’une décennie s’est écoulée depuis la fièvre cougar dans les médias, et une question s’impose d’emblée: ce mot, de nos jours regardé comme obsolète, a-t-il servi la cause des femmes ou s’est-il révélé contre-productif?

© GETTY IMAGES/JOCE ZEROJACK/BAUER GRIFFIN

Il y a parfois des absences qui se font particulièrement remarquer. C’est le cas, ces derniers temps, de l’étiquette cougar. Vous savez, ce prétendu profil féminin chez qui l’appétit sexuel quasi animal porterait à prédater de jeunes mâles dans la fleur de l’âge. En novembre 2022, la chanteuse américaine Cher, 76 ans, a ainsi officialisé sa relation avec son nouvel amoureux, le producteur de musique Alexander Edwards, dont la carte d’identité affiche quarante ans de moins, sans pour autant déclencher une charge de commentaires au vocabulaire félin.

Si toute la presse en a parlé, la plupart des articles se sont en effet bien gardés de coller le terme cougar dans leur texte. Idem avec la dernière parution de la désormais Prix Nobel de littérature Annie Ernaux: publié en juin 2022, son roman Le jeune homme, qui narre sa relation passée avec un partenaire bien moins âgé qu’elle, n’a quasi pas été traité sous ce prisme un tantinet zoologique dans les médias.

Preuve que le mot, aujourd’hui, a fait long feu et ne parle plus à grand monde, à part, peut-être, aux humoristes maniant les second, troisième degrés et plus.

«C’est vrai que le nom de ce fauve utilisé dans cette situation s’est passablement ringardisé, il prête davantage à sourire», constate Laurence Dispaux, sexologue et psychologue spécialiste en psychothérapie FSP.

Il y a une décennie, pourtant, la cougar était partout.

Félin cherche lionceau

Au tournant des années 2000 et 2010, le monde semblait découvrir, bouche bée, l’existence de femmes osant s’afficher au bras d’éphèbes de dix, quinze, vingt ou même trente ans de moins qu’elles. On parle alors de tendance, de phénomène de mode, de révolution même, pour les commentateurs les plus enthousiastes. La presse multiplie les décryptages et autres galeries de stars féminines – Demi Moore, Madonna, Mariah Carey, Julianne Moore, Claire Chazal, Vivienne Westwood… – en couple avec de jeunes messieurs qu’on qualifie pêle-mêle de toy-boy, de proie ou de lionceau.

Certes, dans le passé, Édith Piaf, Marguerite Duras à la ville, Harold et Maude ou Le lauréat à l’écran, Le rouge et le noir côté littérature, avaient déjà lancé l’idée qu’une femme d’âge mûr roucoulant avec des partenaires bien plus jeunes était de l’ordre du possible.

Cependant, ce qui était nouveau avec cette irruption du terme cougar, c’était «le fait de l’affirmer, notamment via la médiatisation de la vie amoureuse de nombreuses personnalités, ayant contribué à une certaine visibilité de ces situations», analyse Lara Pinna, psychothérapeute et consultante de couple pour la fondation Profa.

Cougar, un mot pour penser

Pour sa part, Milaine Alarie, sociologue québécoise auteure de travaux universitaires sur la figure de la cougar, note que le terme verbalisait en quelque sorte «le malaise culturel répandu à l’égard de l’image de la femme d’âge mûr qui entretient des relations intimes avec des hommes plus jeunes qu’elle».

Car si les mâles peuvent conquérir depuis toujours des partenaires de plusieurs décennies leurs cadettes, et ce sans provoquer la création d’un nouvel article à consonance animalière dans le dictionnaire, la réciproque était loin d’être vraie pour les femmes, dont l’indépendance et la liberté de choix en termes de sexualité font peur à la société. «On a besoin de mots pour pouvoir penser les choses, c’est ce que ce concept de cougar a permis de faire», pointe Lara Pinna.

Mais voilà: plus d’une décade s’est écoulée depuis la fièvre cougar dans les médias, et une question s’impose d’emblée: ce mot, de nos jours regardé comme obsolète, a-t-il servi la cause des femmes ou s’est-il révélé contre-productif?

«À mes yeux, ce qui rend ce terme de cougar problématique, au-delà de sa connotation animale peu élégante, c’est qu’il faisait finalement de la femme aimant un partenaire plus jeune, tout en reconnaissant son droit à exister, une sorte d’anomalie dans le paysage, soulève Laurence Dispaux. On a presque fait de ce cas un tableau clinique.»

On dépeint ainsi, à travers ce mot, un profil quasi pathologique, où l’attirance envers des hommes moins âgés et la démarche de séduction assumée seraient principalement motivées par l’envie d’assouvir une hypersexualité, loin des normes habituelles de la libido féminine. «Il véhicule essentiellement quelque chose de l’ordre de la pulsion, du monde animal», éclaire Lara Pinna, signe qu’on refuse presque une humanité du quotidien à ces femmes.

«Cougars et toy-boys, une relation essentiellement basée sur le sexe», clamaient d’ailleurs les auteurs d’un sondage publié en 2013, niant de ce fait la possibilité qu’une idylle entre un homme et une femme bien plus âgée puisse également relever des sentiments et de l’histoire d’amour avec un grand A.

«Pourtant, dans nombre de cas, ces couples sont juste tombés amoureux, comme n’importe quel autre duo, souligne Laurence Dispaux. C’est peut-être parce que la plupart des femmes labellisées cougars ne sont plus en âge de procréer qu’on s’est trop focalisé et de façon péjorative sur la seule motivation du désir.»

Pas plus qu'avant

«La femme cougar est souvent dépeinte culturellement comme étant obnubilée par son désir de plaire», confirme Milaine Alarie. Les travaux de cette dernière ont d’ailleurs permis de révéler que la majorité des femmes dans cette situation de couple se sentaient mal à l’aise avec le terme employé, et se retrouvaient peu dans la description typique qui l’accompagne.

«Il y a un mot que je déteste, c’est le mot cougar, s’était un jour agacée Brigitte Macron au micro de la radio RTL. Qu’est-ce que c’est que ce mot. Ça ne correspond à rien.»

Cet étrange pedigree distribué d’office est peut-être l’une des raisons pour lesquelles le ratio de couples où Madame est beaucoup plus âgée n’a presque pas bougé dans les années 2010. Selon les chiffres de l’Office fédéral de la statistique publiés en 2013 puis 2021, les duos avec une femme âgée de 10 ans et plus que l’homme ne dépassent en effet pas 1,5% des couples.

Mais il serait faux de ne voir que du mauvais dans ce concept de cougar, nuancent les spécialistes. «À mon sens il reconnaît quand même aux femmes en général le droit de séduire des partenaires plus jeunes et de s’approprier leur sexualité, et aux femmes mûres en particulier la capacité de susciter le désir d’autrui, contredisant une certaine tendance à l’âgisme dans notre société», observe Lara Pinna.

Même diagnostic chez Milaine Alarie: «Certaines représentations positives ont participé non seulement à la normalisation du désir sexuel des femmes d’âge mûr, mais aussi à la déstigmatisation du désir sexuel des hommes à l’égard des femmes plus âgées qu’eux. En fait, alors que la sexualité des femmes âgées était autrefois taboue, voire impensable, l’attention médiatique à l’égard de la cougar aura au moins mis en lumière que le vieillissement chez la femme n’entraîne pas le déclin assuré de sa désirabilité.»

Persistance du jugement

Une configuration femme mûre/partenaire plus jeune qui serait donc sortie du domaine de l’anomalie, vraiment? «Dieu merci, c’est entré dans les mœurs aujourd’hui», lançait Isabelle Adjani en 2014 sur le plateau de TF1. Pourtant, à en croire les femmes concernées, le spectre de la cougar semble toujours rôder dans les parages. Nathalie, quadragénaire divorcée et roucoulant avec un partenaire de seize ans son cadet, a notamment dû affronter la jalousie non dissimulée de son ex-mari.

«C’est lui qui m’avait quittée pour une autre, et pourtant, en découvrant ma nouvelle relation, il m’a fait une véritable scène comme quoi j’étais immature, superficielle, et que je n’étais pas un exemple pour nos enfants. Erreur, car mes garçons de 15 et 19 ans ont très bien accepté cette situation. Et mon partenaire a beau être plus jeune que moi, il est par bien des égards plus mûr, protecteur et impliqué que le père de mes enfants ne l’était. D’ailleurs, nous avons récemment emménagé ensemble, car j’avais envie de commencer à construire du sérieux avec lui.»

Au fond, la cougar est presque toujours dans l’œil de celui ou de celle qui regarde.

La genèse de la cougar

Années 80
Des joueurs des Canucks, l’équipe de hockey professionnelle de la ville canadienne de Vancouver, auraient utilisé pour la première fois ce terme afin de qualifier les supportrices plus âgées qui les draguent.

2002
Spécialiste du couple réputée aux États-Unis, Valerie Gibson fait paraître le livre pionnier Cougar: A guide for older women dating younger men, qui vise à déculpabiliser les femmes voulant séduire des partenaires plus jeunes.

2005
Mariage de Demi Moore avec Ashton Kutcher. Hautement médiatique, le sublime couple formé par les deux stars hollywoodiennes, qui affichent 15 ans de différence d’âge, devient rapidement l’incarnation publique du phénomène cougar. Ils annoncent leur séparation en 2011.

2009
Avec ses six saisons diffusées entre 2009 et 2015, la série américaine Cougar Town (avec Courteney Cox, ex-star de Friends), contribue à populariser le mot cougar et le concept des femmes d’âge mûr envisageant de jeunes hommes.

2010
AlloCougar, premier site de rencontre francophone en Europe pour femmes cougars, est opportunément lancé alors que le sujet bat son plein dans les médias. La plateforme gagne 8000 membres en deux jours. Elle arrive onze ans après la première du genre au Canada. En 2022, elle est toujours active.

2011
Le mot cougar entre dans l’édition 2012 du Robert, désignant «une femme mûre qui recherche et séduit des hommes beaucoup plus jeunes». Il sera ensuite intégré dans l’édition 2014 du Petit Larousse, autre dictionnaire français de référence.

2013
Les films Perfect Mothers, d’Anne Fontaine (avec Naomi Watts et Robin Wright), et 20 ans d’écart, de David Moreau (avec Virginie Efira et Pierre Niney), sortent au cinéma, preuve que la cougar est devenue un vrai thème de société.

2017
Brigitte Macron relance malgré elle le terme dans la sphère médiatique, souvent utilisé par les politiques d’opposition (dont Jean-Marie Le Pen) pour la dévaloriser et mettre en doute son couple avec son mari Emmanuel, de 25 ans son cadet.

2022
Quelques mois avant de recevoir le Prix Nobel de littérature, l’écrivaine française Annie Ernaux publie son roman Le jeune homme, qui narre une relation passée avec un homme beaucoup plus jeune qu’elle. Les commentaires ne raisonnent presque plus en termes de cougar.

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