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«Laissez Britney tranquille!»

Le bûcher des fausses blondes à Hollywood

Bucher blondes illu naila maiorana gettyimages

«Le titre Framing Britney Spears a un double sens en anglais. Il pose le cadre, tout en suggérant un piège tendu à la victime d’une machination, la proie de son père et sa mise sous tutelle infantilisante. Le récit fait écho à cette revendication actuelle de redonner de l’autonomie aux femmes, notamment en dénonçant les abus dont certaines stars ont fait l’objet», analyse Charles-Antoine Courcoux, historien du cinéma.

© Naila Maiorana / Getty Images

«Leave Britney alone!» soit «Laissez Britney tranquille!» A haute teneur virale, le cri du cœur du fan en larmes Chris Crocker, posté sur YouTube en septembre 2007, résonne comme si c’était hier. A l’époque, la star de la pop américaine – accessoirement jeune maman – traverse la pire période de sa vie. La lune de miel se transforme en lune de fiel pour Britney qui voit sa période dark et ses déboires relayés en live sur la chaîne TMZ et sur le blog people de Perez Hilton, la langue de vipère d’Hollywood. Armée d’une tondeuse puis d’un parapluie, l’ex-princesse de la pop s’attaque à son propre mythe. Elle touche le fond. Finies les innocentes extensions capillaires façon Barbie. Désormais, quand on l’emmerde, Britney cogne. Climax.

Charles-Antoine Courcoux, historien du cinéma et coauteur de l’ouvrage L’âge des stars. Des images à l’épreuve du vieillissement (Ed. L’Age d’Homme), analyse le phénomène du point de vue de la construction médiatique: «Les stars sont avant tout des supports identificatoires, des images. Je m’y intéresse en tant que personnage, d’autant plus puissant qu’elles ont une personne référente dans la vie réelle qui fait oublier que ce sont uniquement des personnages. La puissance de leur mystère, c’est d’être à la fois un produit de consommation et une entité quasi sacrée qui charrie un ensemble de significations.

Comment imaginer autrement que des milliers de personnes déposent des bouquets de fleurs devant Buckingham Palace après la mort de Diana pour une personne qu’ils n’ont jamais rencontrée!»

​Les stars, ces produits de consommation

L’historien du cinéma a vu le documentaire sur l’interprète d’I’m A Slave For You qui, selon lui, s’inscrit pleinement dans son époque et dans la ligne éditoriale du New York Times, qui le produit.

«Le titre Framing Britney Spears a un double sens en anglais. Il pose le cadre, tout en suggérant un piège tendu à la victime d’une machination, la proie de son père et sa mise sous tutelle infantilisante. Le récit fait écho à cette revendication actuelle de redonner de l’autonomie aux femmes, notamment en dénonçant les abus dont certaines stars ont fait l’objet.»

Comme Miley Cyrus et de nombreuses autres avant elle, Britney Jean Spears est propulsée sur le devant de la scène par le biais de l’écurie Disney. Elle n’a que 8 ans lorsque sa maman la traîne à sa première audition pour le Mickey Mouse Club, une émission de télévision pour enfants. Recalée, elle rejoint la fabrique à célébrités trois ans plus tard aux côtés d’illustres collègues: Christina Aguilera, Ryan Gosling et Justin Timberlake. Derrière les paillettes, c’est le turbin du matin au soir pour ces stars juniors qui, en conséquence, passent à côté de leur enfance. La genèse de Britney Spears s’opère dans une alchimie iconographique qui n’est pas sans rappeler la star ultime, Marilyn Monroe. «La blondeur de Monroe renvoie à l’innocence, elle est souvent liée à la blancheur de sa peau. Par contre, ses lèvres sont souvent très rouges, observe Charles-Antoine Courcoux. Son iconographie conjugue à la fois les symboles de l’angélisme et du désir sexuel.

En ce sens, Spears s’inscrit, à la fin des années 90, dans la lignée de Monroe dans les années 50. Sa sensualité s’affirme via l’érotisme de ses chorégraphies, tandis que son innocence s’exprime par sa jeunesse, sa blondeur et, surtout, dans son discours conservateur. Rappelons qu’elle vient d’une communauté chrétienne et affirme être vierge. Elle a cette aura de l’Amérique républicaine renaissante de la fin des années Clinton.»

De l’épiphanie à la descente aux enfers

Le décor est planté, Britney Spears ensorcelle le monde en mode Lolita, aligne les hits et fait de ses grognements et de son souffle lascif sa marque de fabrique. Ce sont les années 2000, la téléréalité explose partout dans le monde. En France, Loana vampe la première saison de Loft Story, sur M6, avec ses semelles compensées en liège, ses tops crochetés et son célèbre barbotage dans la piscine en bonne compagnie. «Il ne faut pas oublier que le processus de starification est fragile, souligne l’historien du cinéma. En étant surexposé, on a vite fait de passer du statut de monstre sacré à celui de monstre tout court, de l’objet de gloire à l’abjection. D’un coup, la sacralisation devient une disqualification dégradante.»

Lessivée, humiliée par les infidélités du père de ses enfants, Britney divorce et dérive au gré des nuits les plus obscures avec de mauvaises fréquentations. Ne parvenant pas à prendre soin d’elle, comment pourrait-elle prendre soin de ses deux fils? Alors elle craque et tond sa chevelure. Tout un symbole. «C’est le passage de l’ange au démon, notamment lorsqu’elle endommage la voiture du paparazzi qui la suit. Encore une fois, il s’agit d’une construction, précise-t-il. C’est un récit qui permet aux médias d’ajouter un chapitre, de surdramatiser un événement pour en faire un bouc émissaire de la défaite.

On peut également y voir un symbole fort de radicalité, qui fait écho aux images puissantes des deux stars féminines rasées des années 90: Sigourney Weaver dans Alien 3 (1992) et Demi Moore, pour G.I. Jane (1997).»

Marilyn Monroe, la star des stars

De son côté, Dominique Besnehard, agent de stars et producteur de la série Dix pour cent, s’exclame: «Toutes les stars sont de fausses blondes! Mais le plus grand mythe du cinéma mondial, c’est Marilyn. Elle est fragile et forte en même temps. Elle joue avec ses blessures, ses failles. On a envie de la protéger. Tous les hommes sont tombés amoureux d’elle et de sa blondeur flamboyante.» Flanquée de la brune et rusée Jane Russell dans Les hommes préfèrent les blondes (1953), Monroe n’a jamais réussi à se débarrasser du cliché de la ravissante idiote qui lui collait à la peau dans une industrie dirigée par des hommes. A ce propos, Charles-Antoine Courcoux rappelle qu’il existe une relecture queer du film, qui suppose que le long-métrage serait en fait une ode à la bisexualité: «Une fois qu’on lit cette analyse, il est difficile de le voir autrement…» Ou comment mieux faire la nique au système qui vous enferme dans une case trop étriquée?

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