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La cause des femmes afghanes, un combat miné par le jeu politique
A la veille de la journée internationale de la Femme, des avancées sont palpables dans la capitale Kaboul et les grandes villes, où des femmes peuvent travailler. Certaines, juchées sur de hauts talons mais couvertes d'un voile, dissimulent même des vêtements assez près du corps sous un épais manteau. Mais la situation reste bien différente dans les campagnes, notamment les zones reculées, où la société demeure très traditionaliste et patriarcale.
Le sort des femmes ne s'y améliore guère, même par rapport au temps des talibans (1996-2001) ou des moudjahidines (1992-1996), où peu de droits leur étaient accordés. Elles y sont régulièrement victimes de faits divers sordides.
Droit à la dignité et l'honneur
Porté au pouvoir par les Occidentaux après qu'ils ont chassé les talibans du pouvoir à la fin 2001, le président Karzaï a qualifié en janvier les violences contre les femmes d'actes "lâches". Il a assuré qu'il "continuerait à prendre ce problème au sérieux afin que les coupables soient jugés". Vendredi, un communiqué du conseil des Oulémas, la plus haute autorité religieuse en Afghanistan, envoyé par la présidence, fait pourtant douter de la sincérité de ces déclarations.
Faisant référence aux versets 1 et 34 du Coran, les Oulémas affirment certes que les "moqueries, les harcèlements ou les violences faites aux femmes" sont "interdites par l'islam". Ils leur concèdent également les droits "à la dignité et l'honneur", "à la propriété", "au commerce", "à l'héritage", "à la dot" ainsi que celui "de choisir leur mari", souvent bafoués dans les faits.
Mais il rappellent surtout que "l'homme est fondamental et la femme secondaire" et que celle-ci doit "éviter de se mélanger avec des hommes étrangers dans diverses activités sociales, comme les bazars, les bureaux ou durant leur éducation".
Jeu politique cynique
M. Karzaï a soutenu mardi ces positions, estimant lors d'une conférence de presse que "les Oulémas n'ont fait que réitérer les principes et les valeurs qui renforcent la position de la femme et la soutiennent". "Cela fait partie de la vision de notre pays inclue dans la charia (loi islamique, ndlr), auquel chaque musulman (afghan) adhère", a-t-il ajouté.
Le même jour, un rapport de l'Organisation pour les droits de l'Homme et la démocratie en Afghanistan (AHRDO) dénonçait la duplicité des autorités et notamment le "jeu politique cynique" du gouvernement, qui épouse plus selon lui la cause des femmes pour "continuer à recevoir" de l'aide internationale qu'en raison d'un "engagement authentique et sans réserve".
"En pratique", s'indigne l'AHRDO, "les demandes des éléments extrémistes résidant au palais présidentiel, particulièrement celles des institution judiciaires et des Oulémas, l'emportent toujours sur celles de la communauté internationale."
Epouser son violeur
Une loi contre les violences faites aux femmes en Afghanistan a bien été adoptée en 2009, mais elle reste encore trop peu utilisée par la police et la justice, soulignait l'ONU en novembre dernier.
Le cas de Gulnaz, une Afghane d'environ 20 ans, a récemment fait la une de la presse mondiale. Condamnée à 3, puis 12 ans de prison pour avoir dénoncé le mari de sa cousine, qui l'avait violée, la jeune femme avait finalement été graciée en décembre après avoir passé deux années derrière les barreaux. En prononçant sa grâce, les responsables judiciaires afghans avaient toutefois recommandé qu'elle épouse son violeur, pour lui éviter d'être en danger après sa libération. Son sort reste encore incertain.
Attirer les faveurs des talibans
Selon l'ONG Oxfam, 87% des Afghanes affirment avoir subi des violences physiques, sexuelles ou psychologiques ou un mariage forcé. Nombre d'ONG redoutent que les droits des femmes afghanes ne fassent les frais d'un éventuel futur retour au pouvoir des talibans, avec qui M. Karzaï et les Occidentaux, sur le départ, tentent de négocier la paix.
Selon plusieurs observateurs, la vision rigide de la cause féminine par les autorités, au-delà de leurs convictions personnelles, est une des manières employées pour s'attirer les faveurs des rebelles.
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