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L’histoire de Claire Ayton a fait la une des médias britanniques en octobre dernier. Cette mère de famille de 36 ans était accro au Coca light. Elle n’en buvait pas moins de quatre litres par jour, au point d’avoir dû faire appel à un hypnotiseur pour se débarrasser de son addiction. Un mois plus tard, c’était au tour de son compatriote Darren Jones d’être épinglé dans les pages Société: lui, il en ingurgitait six litres quotidiennement. Bien qu’extrême, le cas de ces deux Anglais est loin d’être isolés. Sur Internet, il suffit de taper «accro» et «Coca light» pour voir défiler les forums consacrés au sujet. Voici quelques témoignages édifiants glanés sur des sites francophones: «J’ai beau essayer d’en boire moins, ça ne tient jamais»; «Quand je n’ai pas ma «dose», je me sens en manque, nerveuse, irritable»; «Ma mère en buvait quand elle était enceinte de moi, puis elle m’en a mis dans mon biberon dès mon plus jeune âge, je n’ai jamais cessé d’en boire ne serait-ce qu’une journée: impensable!»

Une drogue?

Aux Etats-Unis, le grand public s’interroge davantage encore. A tel point que des chaînes de télévision comme CNN ou ABC se sont penchées sur la question: le Coca light est-il une drogue ? Médecin chef de clinique à l’unité des dépendances en médecine de premier recours des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), le Dr Thierry Favrod-Coune est catégorique: on ne peut pas être dépendant au Coca light. Du moins pas au sens où on peut l’être à l’alcool, la nicotine ou la cocaïne, par exemple. «Contrairement à ces produits, le Coca light ne contient pas de substance psycho-active déclarée, hormis la caféine, explique le spécialiste. Mais la question de l’addiction à cette dernière n’est pas tranchée d’un point de vue scientifique. On a constaté, chez les personnes qui consomment de la caféine quotidiennement, des symptômes de manque lorsqu’ils ne prennent pas leur «dose» habituelle, mais pas d’addiction au sens clinique du terme. Ce phénomène se manifeste chez un consommateur sur deux et se traduit par un manque de concentration, de la fatigue ou des maux de tête. Ce sont véritablement des signes de sevrage.»

Quelle dose de caféïne?

Il est vrai que les colas aux édulcorants artificiels contiennent sensiblement plus de caféine que leurs équivalents sucrés: environ 100 mg dans une bouteille de 5dl de Pepsi Max (contre 55 pour la même quantité de Pepsi normal) et 65 mg pour le Coca light (contre 47 pour du Coca normal). Mais ces doses équivalent, pour la première, à celles d’un café expresso et, pour la seconde, d’une tasse de thé noir. A priori, pas de quoi en faire une maladie. Sauf que les accros au soda allégé consomment de grosses quantités de leur boisson favorite. Emilie avoue en boire parfois jusqu’à quatre à cinq bouteilles de 5dl par jour, avec une moyenne autour du litre. «Cela dépend de si j’ai été «faible», précise en souriant cette Lausannoise de 27 ans. Comme j’aime boire le Coca light bien frais, je peux avaler une bouteille entière d’un coup. Au resto, j’en commande systématiquement. C’est ma seule addiction, avec la cigarette. D’ailleurs, le Coca-clope, c’est comme le café-clope. Que du bonheur!» Valentine, 43 ans, elle aussi «adore boire ce Coca bien frais à midi». Il y a encore quelques années, elle en avalait jusqu’à 2 litres par jour, «démarrant dès le matin au boulot, par bouteilles de 3dl d’abord, puis de 5. Bravo, le marketing!» Si cette mère de famille limite aujourd’hui sa consommation, elle en avale encore «au minimum 5dl par jour». Comme Emilie, Valentine reconnaît que le cola a un effet dopant: «Ça me donne un petit coup de fouet», dit-elle. Rien d’étonnant à cela: deux litres de Coca light contiennent environ 260 mg de caféine. Soit une dose suffisante, estime le Dr Favrod-Coune, pour qu’un adulte accoutumé à cette substance ressente des symptômes de manque s’il en est privé. Mais la sensibilité à la caféine varie d’un individu à l’autre, rappelle le spécialiste. Certains professionnels de la santé estiment d’ailleurs qu’on peut présenter un manque à partir de 100 mg quotidiens.

Enfants dopés au Coca

S’il n’existe pas en Europe de seuil maximum établi pour la caféine, les effets stimulants de cette substance ont incité les autorités canadiennes à émettre des recommandations. La dose maximale pour un enfant de 4 à 6 ans a été fixée à 45 mg par jour, à 65 mg pour les 7-9 ans et à 85 mg pour les 10-12 ans. Ce qui équivaut, respectivement, à une canette de Coca light, une et demie et deux. Et ce, à condition que l’enfant n’ait aucune autre source de caféine. Donc, ni café ni thé ni… chocolat. Plus inquiétant, selon Santé Canada, 60% de la caféine consommée par les Canadiens adultes provient du café, 30% du thé et le 10% restant des sodas et médicaments, alors que chez les enfants de 1 à de 55% de la caféine consommée provient des boissons au cola. Le Coca normal et le Coca light étant les deux sodas les plus vendus en Amérique du Nord (en 2011, les ventes de Coca light ont détrôné celles de Pepsi), il y a fort à parier que de nombreux jeunes dépassent la limite d’une à deux canettes quotidiennes. Avec des effets sur leur comportement tels qu’agitation, irritabilité et anxiété. Sans compter les effets que pourrait avoir, à terme, la consommation d’aspartame, un édulcorant contenu dans les colas light accusé de causer toute sorte de maux, du cancer au diabète, en passant par l’infertilité. Pour l’heure, aucune étude scientifique n’a corroboré ces soupçons, qui relèvent probablement, selon le Dr Thierry Favrod-Coune du «mythe urbain». Mais la dangerosité de l’aspartame continue d’alimenter la polémique. D’après les données scientifiques disponibles actuellement, un adulte de 60 kg pourrait boire jusqu’à 10 litres de Coca light par jour sans risque de développer un cancer. Mais ces résultats sont-ils sujets à caution ? Les résultats sur la non nocivité de l’aspartame sont-ils, comme l’affirme la rumeur, en provenance des consultants pour Coca-Cola? Et que dire du 4-methylimidazole (ou 4-MEI), ce colorant qui a dû être retiré de la recette du Coca au printemps dernier après qu’il a été classé en Californie comme potentiellement cancérigène? Ou encore de l’acide phosphorique (aussi connu sous le code E338) présent dans le Coca, dont plusieurs études ont démontré qu’il provoque une fragilité osseuse chez les femmes et les enfants?

Troubles alimentaires

Les grandes consommatrices de cola allégé – les témoignages démontrent que cette addiction touche surtout les femmes – ont pourtant conscience que cette boisson n’est pas bénéfique pour leur santé. Ainsi, Suzana, accro durant dix ans, a arrêté net d’en boire sur conseil de sa naturopathe. «Au début, je me sentais toute molle, raconte la jeune femme de 26 ans. On ne se rend pas tout de suite compte des effets néfastes du Coca sur le corps. J’avais des trous de mémoire, des troubles digestifs, j’étais de plus en plus stressée. Petit à petit, j’ai commencé à aller mieux.» Mais se défaire du soda n’est pas une sinécure lorsque, comme Emilie, on trouve qu’il nous «procure un bien-être psychologique». La dépendance au Coca light me semble se rapprocher plus de la dépendance au jeu, à Internet ou du trouble alimentaire, commente le Dr Thierry Favrod-Coune. Même si les boissons light ne contiennent pas de sucre, elles entretiennent le goût du sucré. Or, chez certaines personnes, ce goût réconforte et calme l’état émotionnel. On peut imaginer aussi que la bouteille de 5 dl étant de la taille d’un biberon, cela ramène au fait de téter. Mais c’est une hypothèse.» Au CHUV, on est du même avis: si le Coca light ne déclenche pas de production d’insuline par le pancréas, il accentue les dysfonctions du comportement alimentaire, confirme le service de presse de l’hôpital lausannois. En 2011, une étude de l’Université du Texas Health Science Center, à San Antonio, a démontré que plus on boit de boissons light, plus on grossit. En dix  ans de suivi, les consommateurs de sodas allégés ont vu leur tour de taille s’élargir six fois plus vite que celui des personnes qui ne boivent pas ce genre de produit. La raison? Ils mangeraient plus sucré que les autres. Que celle qui ne s’est jamais autorisé une pâtisserie sous prétexte qu’elle avait «économisé» des calories en buvant du Coca light leur jette la première pierre.


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