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La confusion des genres, Alicia ne la suscite pas. Lorsqu’elle pénètre dans le bar qui nous sert de lieu d’interview, le regard des hommes est sans équivoque. C’est une femme sur laquelle il se pose. Fine, élancée, toute en courbes. Féminine, tout simplement. Et ce malgré le jean et le blouson indispensables pour la pratique de la moto que la circulation du jour, chaotique, l’a contrainte à enfourcher. Le reste du temps, comme le jour de notre photo, elle est plutôt «chic et charme» selon les propres mots de celle qui se découvre «fashion victim». Talons hauts, tailleurs ajustés, bijoux discrets et maquillage naturel… à quarante et un an, dans ses nouveaux atours, Alicia est au pays des merveilles.

Elle co-préside Transgender Network Suisse

Revenons à la moto. Cette passion, la Neuchâteloise l’a depuis l’âge de vingt ans, alors qu’elle porte un prénom masculin, que le terme Monsieur définit encore son état civil et qu’elle brûle la vie par les deux bouts, fatiguée de traîner ce corps à l’opposé de son essence: «Pour moi, la moto, ça a été tout de suite l’expression du sentiment de liberté chez l’être humain», explique-t-elle. Liberté, égalité, équité et respect. Pour que ces valeurs-ci soient appliquées à tous, Alicia est devenue militante en même temps que femme, à la fin des années 2000. Déjà coprésidente de Transgender Network Suisse, l’association des personnes transidentitaires, elle s’apprête à devenir secrétaire générale de Pink Cross, l’association gay. L’occasion pour elle de devenir le visage public de la cause: «Je suis très fière de ce que je suis et de par mon parcours, j’ai la capacité de penser à tout le monde, de représenter le mouvement LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres)», argumente la militante passionnée qui a connu un avant-goût de ses futures fonctions lors de la dernière gay pride de Zurich. «C’était mon premier discours pour Pink Cross devant des milliers de personnes. Mais je me suis préparée, j’y suis allée à l’adrénaline, j’adore ça!» avoue-t-elle.

Elle est père de 2 enfants

Originaire du Locle, Alicia grandit sur le littoral neuchâtelois. Sur le lieu exact, sur son prénom de naissance, comme sur les deux enfants dont elle est et reste le père, elle demeure évasive, sûre d’elle mais soucieuse de préserver ceux qui lui sont chers. Sans tabous, armée d’un sourire qui se fait d’autant plus grand que l’histoire tourne au tragique, elle se raconte: l’enfance sans repères, «Depuis toujours, je fuyais le contact physique. A cinq, ans, j’ai dit à ma mère que mon pénis n’était pas à moi. J’avais l’impression d’être un pur esprit qui se déplaçait dans un univers de carton-pâte»; la confusion des genres, garçon chez elle et mademoiselle pour tous ceux qui la croisent. Elle explique aussi l’adolescence vécue comme une déchirure, la solitude, l’incompréhension, la quête vaine d’information, le désir d’identité. La difficulté à aimer et être aimée.

Enfin, elle s’attarde sur ce psy qui entreprit de renforcer sa masculinité. Jusqu’à la rencontre avec une femme aimée qu’elle épousera et avec qui elle aura deux enfants qu’elle chérit sans concession. Une vie d’homme ordinaire qu’elle a dû quitter pour devenir, enfin, à mi-chemin de sa vie, elle-même.

Yann André/Strates
1 / 2© DR
Yann André/Strates
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